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Le CESE pour un comité scientifique indépendant d’évaluation des risques

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de tirer la sonnette d’alarme quant à «la sécurité sanitaire des aliments». Dans un rapport intitulé «Pour une véritable politique publique de sécurité sanitaire des aliments axée sur la protection des consommateurs», le CESE souligne que l’utilisation des intrants et pesticides «n’est pas suffisamment maîtrisée au regard des normes en vigueur». Il préconise, entre autres, l’institution d’un comité scientifique indépendant d’évaluation des risques.

Le CESE pour un comité scientifique indépendant d’évaluation des risques

L’utilisation à outrance des pesticides, dont certains cas avaient été récemment dénoncés par l’ONSSA concernant la production de la menthe  au Maroc ou des cas, certes isolés, il y a quelques mois, liés à la production de légumes en utilisant des engrais organiques, représentent des risques alarmants. En effet, la réalité est que «la sécurité sanitaire des aliments» (SSA) est une question qui est d’actualité et qui mérite toute une politique publique pour la prendre en considération. C’est l’idée que défend le Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui a rendu public, hier, un avis dans le cadre d’une auto-saisine. Cet avis a conduit à l’élaboration par la Commission chargée de l’environnement et du développement durable d’un rapport d’une trentaine de pages qui fait l’état des lieux et propose des recommandations.
Intitulé «Pour une véritable politique publique de sécurité sanitaire des aliments axée sur la protection des consommateurs et favorisant une compétitivité durable de l’entreprise au niveau national et international», le rapport du CESE souligne que les intrants et pesticides utilisés dans l’agriculture restent importants pour assurer la productivité et la qualité des récoltes. Or «leur utilisation n’est pas suffisamment maîtrisée au regard des normes en vigueur. Ils présentent ainsi un risque avéré sur la santé et l’environnement et contribuent à la dégradation des ressources en eau et des écosystèmes naturels». Le rapport souligne que l’ONSSA a habilité, à fin août 2019, près de 7.500 établissements du secteur alimentaire. Cependant, une multitude d’établissements ne disposent ni d’agréments ni d’autorisations sanitaires. Ils continuent ainsi à produire et mettre sur le marché des produits alimentaires dans des conditions ne respectant pas la réglementation en vigueur en matière de SSA. 
Par ailleurs, un autre risque découle aussi du manque de la protection sanitaire des élevages avicoles, par manque de contrôle de la production et la commercialisation des produits avicoles. Les rédacteurs du rapport considèrent que le risque, à ce niveau, provient du secteur formel et informel. En effet, le secteur formel est lui-même très peu contrôlé (1% pour les abattoirs de viande, 8% pour les abattoirs de poulet et 22% pour l’agroalimentaire). «Il se retrouve par conséquent au même niveau de vulnérabilité que le secteur informel : pas de traçabilité, pas de respect des normes d’hygiène, etc», relève le document.
Ces risques s’expliquent aussi, selon le rapport, par l’absence d’une politique publique intégrée de sécurité sanitaire des aliments induisant plusieurs défaillances. Cela a trait à «la multiplicité des intervenants fonctionnant souvent en silos, au chevauchement des compétences, à la prédominance de l’informel, à la faible traçabilité du marché domestique ainsi qu’au rôle limité des associations de défense des droits des consommateurs», affirme le CESE dans son avis.
Ainsi, au regard des risques inhérents à la non-sécurité des aliments, entre autres, en termes de santé publique, de destruction de valeur économique et de fragilisation des populations qui en vivent, le CESE considère qu’il y a lieu de changer de paradigme. Ce changement doit passer par  une politique publique de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires permettant d’assurer la santé des citoyens, à travers des recommandations stratégiques et une feuille de route pour accompagner la conduite de changement.
Dans ce sens, le CESE préconise trois recommandations stratégiques. Il insiste sur la nécessité de «doter le pays d’une politique publique dédiée de sécurité sanitaire des aliments». Il appelle, en deuxième lieu, à «passer de manière progressive du système actuel à organismes multiples, vers un système intégré». Il propose, à ce sujet, la création d’une Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments à placer auprès du Chef du gouvernement et qui devra être investie de larges pouvoirs de contrôle, de surveillance et de correction. Cela pourrait éventuellement passer par une transformation profonde de l’ONSSA en la dotant des compétences et du positionnement requis. En dernier lieu, il recommande de «séparer l’évaluation des risques de la gestion des risques en instituant un comité scientifique indépendant d’évaluation des risques, dont la principale mission serait de fournir un avis scientifique afin d’assurer l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité de l’information relative à la sécurité sanitaire des aliments». 

Les «8 recommandations opérationnelles» du CESE

Le CESE considère qu’il est temps de changer de paradigme, en dotant le Maroc d’une politique publique de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires, à travers une série de réformes et de mesures permettant d’assurer la santé des citoyens. Il propose dans ce sens une feuille de route pour accompagner la conduite de ce changement à travers huit «recommandations opérationnelles» :
1. Mettre en place des mesures de communication destinées à informer les consommateurs et les acteurs de la chaîne alimentaire.
2. Améliorer et généraliser les mécanismes de mise à niveau des filières alimentaires.
3. Améliorer les conditions d’hygiène du secteur alimentaire informel, dans la perspective de l’intégrer à terme dans le secteur formel.
4. Transformer le consommateur en «un conso-acteur».
5. Renforcer le rôle des fédérations et associations de protection des droits des consommateurs.
6. Développer fortement les possibilités offertes par la digitalisation pour améliorer la sécurité sanitaire des aliments.
7. Renforcer la recherche & développement.
8. Maîtriser l’utilisation des intrants, fertilisants et pesticides pour réduire leur impact sur l’environnement et sur la santé des consommateurs.

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