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«Cette pause m’a permis de réfléchir profondément sur ma carrière artistique et ma vie familiale»

Directrice de la Maison de la culture de Tétouan et directrice du Festival international du luth, la soprano Samira Kadiri vit ce confinement sanitaire avec beaucoup de sagesse et pour la réflexion sur des sujets qui lui tiennent à cœur, concernant sa vie familiale et artistique. Cette pause imposée lui a permis de se remettre en question et de réfléchir sur plusieurs projets futurs et pour gérer sa carrière artistique de la meilleure façon.

«Cette pause m’a permis de réfléchir profondément sur ma carrière artistique et ma vie familiale»

Le Matin : Comment vivez-vous cette période de confinement sanitaire où toutes les activités artistiques et culturelles se sont arrêtées ?
Samira Kadiri
: Au début, c’était un peu difficile. Il y avait de la tension et de la panique, vu le changement brutal dans notre quotidien, puis le fait d’être loin de sa famille et ses proches. Il y a ma mère qui se trouve à Rabat, puis ma fille en Belgique. Même mon fils qui est revenu de France, je ne le voyais pas beaucoup, parce qu’il était confiné pendant un certain temps. Donc, j’ai essayé de m’adapter à cette situation qu’on devrait  tous respecter pour sortir de cette pandémie avec le moins de dégâts possible. Ainsi, je me suis fait tout un programme pendant la journée, en essayant de me rattraper et faire des choses que je n’avais pas le temps de faire, par exemple lire des livres, revoir les projets de chansons que j’avais entamés et laissés de côté, faire des exercices de voix en m’entraînant chaque jour, m’intéresser plus à moi-même, ma maison, à ma vie familiale, pratiquer du sport, faire des petits plats savoureux. Bien sûr, sans oublier le télétravail avec lequel je commence ma journée. Sachant que toutes les activités artistiques et culturelles se sont arrêtées, on se concentre plus sur le travail en ligne. J’essaye de profiter des expériences d’autres pays dans ce domaine. Ainsi, je communique, chaque jour, avec mes collègues pour discuter des projets de notre programmation.

Quels sont les changements qui se sont opérés sur votre vie quotidienne ?
J’ai essayé de faire de ce confinement un moment culturel et artistique. Comme, par exemple, voir des films classiques, prendre le temps de respirer et de vivre sa vie et s’investir dans des choses positives. Arrêter de courir à droite et à gauche. Je me suis occupée des plantes de mon jardin. J’ai senti la valeur de rester chez soi et de s’en occuper avec amour et passion. Je prends le temps de redécouvrir mon fils après les sept années qu’il a passées loin de nous.

Comment gérez-vous votre poste de directrice de la Maison de la culture de Tétouan ?
Je suis, chaque jour, en contact avec mes collègues, la direction régionale de la culture, les associations, les intellectuels… Il y a une grande synergie et échange entre nous. D’ailleurs, nous sommes en train de préparer beaucoup d’activités, notamment des ateliers, des conférences, des expositions… Je prépare, aussi, en tant que directrice du Festival international du luth, la 20e édition virtuelle du festival. Je souhaite présenter une édition distinguée pour montrer que la culture et l’art jouent un rôle important pour adoucir et alléger ce confinement. Ils constituent aussi une priorité comme tous les autres secteurs. Notre rôle, en tant qu’intermédiaires, est de justifier l’impact très positif de la culture et de l’art en ce moment de confinement. Car le virus de l’ignorance est plus dangereux que celui du Covid-19.

Est-ce que cette période vous a inspiré des projets artistiques ?
J’ai plusieurs idées de projets que je médite pour les faire sortir prochainement, puis terminer ceux qui sont déjà entamés. Ma participation au festival Baylaric, réalisé par la fondation espagnole Baylaric, qui fut très appréciée, m’encourage à me lancer dans d’autres projets avec des approches internationales qui rentrent dans le cadre de la mondialisation. Je suis consciente, actuellement, que l’artiste doit avoir son home studio, pour avancer plus vite, faire ses enregistrements audio et vidéo soi-même. Comme ça, il pourrait garder, précieusement, son répertoire et ses projets.

Beaucoup de gens qui travaillent dans le secteur de la musique se sont retrouvés au chômage au lendemain de l’annonce du confinement. Y a-t-il des initiatives pour les aider à subvenir à leur besoins ?
Le secteur artistique a été atteint dans le monde entier. Car la roue des activités s’est arrêtée. Au Maroc, l’artiste s’est retrouvé très affecté par ce confinement, surtout celui qui vit au jour le jour. C’est pour cela que le statut de l’artiste doit être revu chez nous et le secteur plus structuré. Il faut aussi renforcer les études supérieures, pour avoir des lauréats dont le statut soit semblable à celui du professeur, du docteur ou du pharmacien. J’espère qu’avec ce nouveau ministre, les choses vont aller mieux et plus vite. Il a déjà commencé par imprimer une dynamique aux centres culturels, il est conscient du rôle de l’artiste et de sa présence permanente, pour qu’il ne soit plus exposé au chômage  et à l’oppression, tout en lui donnant sa vraie valeur à travers une politique structurée et bien réfléchie. C’est vrai qu’au début du confinement, il y a eu des initiatives de solidarité d’artistes avec leurs collègues qui sont dans le besoin. J’apprécie beaucoup ces gestes de solidarité, mais ce n’est pas une solution. Il faut que tout artiste vive dans la dignité et l’indépendance financière. Car l’art et la culture sont indispensables, ils éclairent l’esprit, le cœur et le sentiment. Ils donnent un goût à la vie, pour mieux la savourer d’une manière plus esthétique. Je pense que ce virus va permettre au monde de faire une pause afin de trouver d’autres solutions pour le parcours de l’artiste et de l’intellectuel, à travers une politique culturelle nouvelle et mieux réfléchie.

Quel est votre message à tous les Marocains pour lutter contre la propagation du Covid-19 ?
Il faut rester à la maison pour se protéger et protéger les autres. Penser aux autres qui sont en difficulté. On doit continuer à vivre ces moments avec patience et beaucoup de solidarité. C’est ce qui nous a sauvés du pire depuis le début. Nous sommes devenus un exemple pour d’autres pays, grâce à notre solidarité, notre générosité et notre amour pour notre pays. Restons solidaires et fiers de notre pays pour revenir à une vie meilleure qu’avant dans l’enseignement, la santé, l’économie… l’art et la culture. Car il n’est jamais trop tard. Notre Roi S.M. Mohammed VI est le premier à avoir donné l’exemple de solidarité dans cette pandémie. 


Parcours

Native d’Essaouira, la soprano Samira Kadiri occupe, désormais, une place de choix dans le monde de la chanson lyrique, tant par ses qualités artistiques et sa voix cristalline que par ses engagements profonds pour le partage de la musique comme langage universel sans frontières. Son rôle de passeuse d’art et de culture, à travers ses recherches assidues dans le domaine musical, lui ont valu d’être la première femme arabe à avoir le titre de «Femme créatrice en 2007» par le Lobby européen des femmes. Depuis, ses distinctions ne se comptent plus, notamment le «Prix Al Farabi» pour la musique antique, qu’elle a reçu du Comité national de la musique du Maroc, membre du Conseil international de la musique (partenaire officiel de l’Unesco). Puis d’autres distinctions et reconnaissances comme le Grand Prix littéraire Naji Naaman au titre de l’année 2011. Ses concerts artistiques sont toujours fortement appréciés, car Samira ne lésine sur aucun effort pour donner le meilleur d’elle-même et présenter des projets dignes de ses capacités artistiques et dignes du Maroc. Elle est d’ailleurs devenue l’Ambassadrice des cultures de la Méditerranée.

 

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