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Quelles leçons tirer de la décision annonçant la vacance du siège de député de Zagoura

Par sa décision annonçant la déchéance du député Hmad Aït Baha (circonscription de Zagoura) de son mandat parlementaire, la Cour constitutionnelle apporte de nombreuses de précisions qui sont autant d’enseignements sur l’incompatibilité des mandats. Mais fait assez rare, la décision «regrette» le retard pris par le bureau de la Chambre des représentants et le ministre de la Justice en matière d’application de l’article 18 de la loi organique de la première Chambre. Analyse.

Quelles leçons tirer de la décision annonçant la vacance du siège de député de Zagoura

Les membres de la Cour constitutionnelle dans sa nouvelle composition (quatre nouveaux membres ont été nommés le 11 mars et ont entamé l’exercice de leurs fonctions à partir du 4 avril) ont entériné deux nouvelles décisions. Celle du 30 avril, et qui sera publiée très prochainement au Bulletin officiel, est d’une très grande importance et ne manquera pas faire l’objet de commentaires et d’études de la part des publicistes et des constitutionnalistes. L’intérêt qu’elle présente est d’une grande importance, même s’il ne s’agit que d’une simple déchéance d’un député pour incompatibilité.
Tout d’abord, il est très rare de trouver une décision de la Cour constitutionnelle (et même du Conseil constitutionnel qui a été remplacé par la Cour) où elle exprime son regret à l’égard du comportement d’autres institutions. En effet, la Cour a «regretté» le fait que le bureau de la Chambre des représentants n’ait pas agi et que le ministre de la Justice ait tardé à faire appliquer la loi visant la déchéance d’un député qui se trouvait dans la situation d’incompatibilité. Cette décision concerne le député du Rassemblement national des indépendants (RNI) Hmad Aït Baha (dans la circonscription de Zagoura), qui était également président de la commune Aït Oulal (dans la province de Zagoura) et d’un groupement de collectivités territoriales. Elle fait référence à l’article 18 de la loi organique de la Chambre des représentants qui stipule que la démission et la déchéance visées sont respectivement déclarées et constatées par la Cour constitutionnelle à la requête du bureau de la Chambre des représentants ou du ministre de la Justice. «En cas de doute sur l’incompatibilité des fonctions exercées avec le mandat de membre de la Chambre des représentants ou en cas de contestation à ce sujet, le bureau de la Chambre des représentants, le ministre de la Justice ou le représentant lui-même saisit la Cour constitutionnelle qui décide si le représentant intéressé se trouve effectivement dans un cas d’incompatibilité», mentionne la loi organique. De quoi s’agit-il concrètement ?   le député mis en cause cumulait, outre la présidence d’une commune, la présidence d’un établissement de coopération intercommunal, chose qui a été contestée par son rival politique, l’istiqlalien Mimoun Amimri, qui était derrière la requête adressée au ministre de la Justice, en mai 2019,  Mohamed Aujjar à l’époque. Mais la plainte n’a été transférée par le ministère de la Justice à la Cour constitutionnelle qu’en février 2020 (du temps du nouveau ministre de la Justice, Mohamed Ben Abdelkader). Or dans sa défense, Hmad Aït Baha a soutenu que celui qui a enclencher le processus de la plainte n’avait pas le titre requis pour le faire, tout en ajoutant que même le ministère de la Justice qui a transféré la plainte n’est plus le chef du ministère public et n’est pas président délégué du Conseil supérieur de la magistrature. D’où l’importance de cette décision et des précisions apportées par la Cour constitutionnelle à ce propos.
En effet, selon des constitutionnalistes, le fait que la Cour «regrette» l’inaction du bureau de la Chambre des représentants et les retards dans l’action du ministère de la Justice (qui n’a fait que transférer la plainte et n’a pas agi en tant que tel) comporte un message de reproche. Ils font allusion à l’inertie du département de la Justice qui était dirigé par un homme politique appartenant au même parti que le mis en cause (le RNI). En ce qui concerne la Chambre des représentants, elle est ainsi interpellée, considèrent les mêmes observateurs, pour saisir la Cour afin de mettre fin aux cas d’incompatibilité.
Il est à souligner, dans ce cadre, que le bureau de la Chambre des représentants n’a pas réagi à cette décision de la Cour constitutionnelle. Il s’est contenté, dans un communiqué publié à la suite de sa réunion de mercredi 6 mai, d’affirmer avoir pris connaissance de la décision de la Cour. Or selon des membres du bureau, qui ont préféré garder l’anonymat, la première Chambre n’a pas les moyens de prendre connaissance des situations d’incompatibilité de ses 395 membres. Ils font allusion ainsi au ministère de l’Intérieur qui dispose de toutes les données à ce propos. Un autre élément de réponse apporté par cette décision concerne les attributions du ministre de la Justice pour saisir la Cour concernant les cas d’incompatibilité. Ainsi, contrairement aux arguments défendu par le mis en cause, la Cour a considéré que la loi organique relative à la Chambre des représentants charge le ministre de la Justice de signaler à la Cour les cas d’incompatibilité avec le mandat de député. La Cour a précisé que les attributions du ministère se limitent à adresser des requêtes dans ce sens à la Cour. C’est d’ailleurs pour ces raisons que la Cour a rejeté les arguments du mis en cause qui a demandé à la Cour constitutionnelle de déclarer son incompétence à examiner cette requête.
Aussi, sur le fond, le mis en cause a soutenu que l’incompatibilité citée par la loi organique ne parle pas des établissements de coopération intercommunal qu’il a présidés. En plus, il soutient avoir démissionné de la présidence de cet établissement intercommunal. Mais il a été débouté par la Cour constitutionnelle qui a fait référence à la loi organique relative à la Chambre des représentants. laquelle souligne que le «mandat de membre de la Chambre des représentants est incompatible avec plus d’une présidence d’une chambre professionnelles, d’un conseil communal, d’un conseil préfectoral ou provincial, d’un conseil d’arrondissement communal ou d’un groupement constitué par des collectivités territoriales».
La Cour a estimé que les établissements de coopération intercommunal font partie des groupements constitués par les collectivités territoriales cité par le texte. De même, ajoute la Cour, la démission du mis en cause est intervenue après le délai de 30 jours durant lequel le député pouvait démissionner pour conserver son titre de député. Selon la décision de la Cour, Hmad Aït Baha a été élu à la tête de la commune Aït Oulal le 16 septembre 2015, élu à la Chambre des représentants le 7 octobre 2016 puis il a été élu à la tête de l’établissement de coopération intercommunal le 14 septembre 2017. Or sa démission de cet établissement n’est intervenue que le 30 avril 2019, «après l’écoulement du délai au cours duquel il devait prouver sa démission des fonctions incompatibles avec son mandat», juge la Cour dans sa décision. Pour toutes ces raisons, la Cour constitutionnelle annonce la démission du mis en cause de la Chambre des représentants et déclare vacant le siège de la circonscription de Zagoura, tout en invitant le candidat qui le suivait dans la liste électoral à occuper le siège vacant. Il s’agit de Abdessalam Majid (du RNI), qui sera convoqué par le bureau de la première Chambre à partir de ce lundi, selon nos sources. 

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