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L’ONG Mobilising for Rights Associates dresse l’état des lieux

Les violences infligées aux femmes au Maroc ont augmenté pendant la crise du Covid-19. De nouvelles formes de violences sont apparues en confinement. C’est ce qui ressort d’un rapport rendu public récemment par l’ONG Mobilising for Rights Associates (MRA). Selon les données collectées, du 16 avril au 20 mai, en collaboration avec des associations locales de différentes régions du Royaume, «76,47% des répondants en ligne ont déclaré avoir remarqué des changements qualitatifs dans la nature des violences faites aux femmes commises pendant la période de l’état d’urgence sanitaire».

L’ONG Mobilising for Rights Associates dresse l’état des lieux

Causes des violences contre les femmes

La coexistence imposée par le confinement dans des petits espaces est l’un des facteurs déclencheurs des violences contre les femmes. Le rapport de MRA pointe aussi du doigt les conditions économiques difficiles en raison de la perte de revenus d’un ou de plusieurs membres de la famille ainsi que l’augmentation des charges sur les femmes pour les travaux ménagers pendant le confinement, y compris des responsabilités nouvelles et additionnelles pour l’éducation à domicile des enfants. Les femmes au Maroc ont été aussi impactées par les menaces de licenciements ainsi que par la réduction du personnel sur les lieux de travail et espaces publics déserts. Selon MRA, le système de l’allocation des indemnités d’assistance publique Covid-19 est un facteur important à prendre en considération.
64,6% des femmes ont un emploi informel. De fait, elles n’ont pas pu bénéficier des indemnités Covid-19 versées aux travailleurs inscrits à la Caisse nationale de sécurité sociale.
De même, les indemnités versées aux détenteurs d’une carte «Ramed» sont généralement attribuées au nom du mari. Les femmes célibataires vivant seules doivent prouver que leur père est décédé, tandis que les femmes divorcées et les veuves doivent apporter la preuve du divorce ou du décès du mari afin d’obtenir une carte «Ramed». Sur 40 femmes assistées par une ONG pour remplir et déposer la demande d’indemnités, seules 15 femmes les ont reçues. L’absence de supervision sur les lieux de travail a encouragé l’augmentation des agressions sexuelles. De même, dans les rues désertes à cause des restrictions liées au confinement.
Selon le même rapport, les ONG ont signalé une augmentation des violences facilitées par la technologie, en particulier parmi les adolescentes et les étudiantes universitaires.

Violence économique

Selon ledit rapport, plusieurs femmes impactées financièrement par le confinement ont été privées de soutien financier, voire de nourriture et de médicaments. Des ex-maris refusent de verser des pensions alimentaires pour les enfants sous prétexte de la pandémie. Les indemnités d’assistance publique Covid-19 liées à la carte Ramed n’ont pas profité aux femmes séparées de fait de leur mari et qui attendaient simplement le jugement définitif de divorce.
Des cas ont été signalés dans lesquels l’épouse ou ex-épouse a reçu les indemnités d’assistance publique Covid-19, et où le mari ou ex-mari l’a ensuite agressée pour s’approprier les fonds.
Quand les maris bénéficiant des indemnités d’assistance publique Covid-19, ils ne les utilisaient pas nécessairement pour subvenir aux besoins de leurs femmes et leurs enfants.
Les femmes soutiens de famille qui ont perdu leur emploi sont devenues plus vulnérables aux violences de la part des maris, en particulier ceux qui sont généralement soutenus économiquement par leurs épouses ou qui dépendent d’elles pour financer leur dépendance au tabac, à l’alcool ou à la drogue. Des ONG ont rapporté que certains maris ont volé les économies de leurs épouses.

Violence au travail

Des violences faites aux femmes ont été signalées dans les usines et dans le secteur agricole. Il s’agit surtout d’abus et cœrcition en les empêchant de faire valoir leurs droits à un environnement de travail respectant les mesures sanitaires. S’ajoute à cela les violences, le harcèlement et le chantage sexuels.

Réponses des acteurs publics

• 81,82% des répondants en ligne ont noté des différences tant positives que négatives dans la manière dont les acteurs publics locaux ont réagi aux violences faites aux femmes pendant cette période.
• 50% ont observé de nouvelles stratégies et de bonnes pratiques pour travailler sur les cas des violences faites aux femmes de la part des acteurs publics locaux.
• La coordination et la coopération entre les ONG et les acteurs publics pendant l’état d’urgence sanitaire variaient considérablement d’une région à l’autre. Parmi les répondants en ligne, 9,09% ont fait état d’une collaboration très étroite, 18,18% d’une collaboration étroite, 18,18% une certaine collaboration, 36,36% une collaboration faible et 18,18% un manque total de collaboration.

Décisions imposées par le confinement

• Plusieurs femmes étaient obligées de vivre pendant le confinement avec un mari avec qui elles étaient en instance des divorce en attendant la reprise des audiences, même dans les cas déjà en fin de la procédure et qui n’attendaient que la signature officielle du jugement définitif. 
• Les femmes avaient des difficultés à demander de l’aide en raison de la présence constante de l’agresseur à la maison. 
• De nombreuses femmes ont préféré continuer à vivre avec l’agresseur et attendre la fin du confinement pour signaler des violences, soit par crainte d’une violence accrue, soit par peur d’être infectées par le coronavirus en se déplaçant à l’extérieur. 
• Pour beaucoup d’entre elles, les restrictions de voyage et le besoin d’autorisation de déplacement les ont empêchées de retourner chez leurs familles pour échapper à la violence. 
• Les femmes ont gardé le silence sur les violences plus qu’elles ne l’auraient fait d’habitude, en raison des possibilités limitées de les signaler et du manque de logements sûrs ou d’endroits où aller.

Violence domestique

Durant la période de confinement, plusieurs femmes étaient victimes de violence psychologique et verbale. Elles ont été menacées d’expulsion du domicile conjugal. Certaines ont été empêchées d’y retourner. On leur a aussi imposé, avec les enfants, des règles et des conditions au sein de la maison, comme être confinées dans une pièce ou interdites de faire du bruit. Certaines femmes doivent supporter les conversations de leurs maris au téléphone avec des petites amies et des maîtresses. S’ajoute à cela les menaces de divorce et les pressions pour qu’elles renoncent à leurs droits en échange du divorce. Des femmes ont dû supporter insultes et critiques concernant les travaux ménagers, la cuisine et la scolarisation à domicile des enfants. D’autres ont subi l’isolement social à cause de la restriction de leurs mouvements, l’interdiction de communication avec leur entourage. Les violences sexuelles relevées par le rapport de MRA soulignent des actes sexuels sadiques, viol conjugal répété, violence et harcèlement sexuels entre membres de la famille.

Nouveaux besoins des femmes victimes de violences durant le confinement

80% des répondants en ligne à  l’enquête de MRA ont déclaré que les femmes avaient des besoins accrus ou de nouveaux types de besoins pendant l’état d’urgence sanitaire. Les demandes d’assistance reçues par des ONG locales de la part des femmes victimes de violence concernaient principalement le soutien financier et psychologique.  Des femmes ont demandé des produits de santé et d’hygiène, d’autres des smartphones et des connexions Internet pour les enfants qui étudient à distance à la maison. Plusieurs femmes recherchaient des informations juridiques, facilitation des contacts avec les autorités publiques, assistance à la rédaction et au dépôt de plaintes pénales pour violences via des plateformes en ligne ou par téléphone, fax ou WhatsApp. Les ONG locales ont par ailleurs reçu  des demandes de protection immédiate ou  d’aide pour faire sortir l’agresseur violent du domicile, pour  trouver  un abri sûr ou encore pour avoir des autorisations de voyage interurbain afin de retourner dans la ville familiale.

Réactions négatives face aux violences faites aux femmes

66,67% des répondants en ligne à cette enquête ont remarqué une augmentation du nombre de femmes victimes de violence cherchant de l’aide pendant l’état d’urgence sanitaire. Les ONG attribuent cette augmentation en partie au fait que les différents types de services dont les femmes ont besoin ont augmenté et se sont diversifiés. Cette augmentation des cas déclarés par les ONG contraste avec les chiffres fournis par la présidence du ministère public dans son communiqué du 30 avril 2020 constatant une importante diminution du nombre de plaintes pour violences faites aux femmes du 30 mars au 30 avril. «Une telle diminution est probablement due aux nombreux défis et obstacles rencontrés par les femmes pour signaler des violences pendant l’état d’urgence sanitaire», souligne le rapport de MRA. Et de préciser que de nombreux répondants avaient le sentiment que les forces de l’ordre et les services de santé accordaient la priorité à la gestion de la pandémie de Covid-19, au détriment des affaires des femmes victimes de violence. Le document de MRA déplore également l’absence de procédures concrètes régissant et soutenant le personnel des forces de l’ordre, de la justice et des services de santé dans leur application des dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale. «Pendant l’état d’urgence sanitaire, comme en temps normal, le manque de standardisation des services signifiait que la réponse aux violences faites aux femmes différait d’une communauté à l’autre et dépendait des acteurs étatiques individuels impliqués.» Plusieurs cas ont été signalés où des agents des forces de l’ordre ont dit à des femmes cherchant à signaler des violences de «rentrer chez elles et d’être patientes», ou ont encouragé les femmes à abandonner leurs plaintes. De même, certains répondants ont signalé que les forces de l’ordre refusaient de  prendre les plaintes et renvoyaient des femmes chez l’agresseur, sans surveillance du parquet.

Recommandations

Les ONG participant à cette enquête ont proposé plusieurs mesures pour aider les acteurs publics à protéger les femmes victimes de violence et à répondre à leurs besoins pendant l’état d’urgence sanitaire. Parmi ces recommandations, la simplification des procédures de signalement des violences, l’octroi de plus de pouvoirs aux policiers et aux gendarmes pour intervenir, l’accélération des enquêtes et l’interdiction des propositions de réconciliation. Les femmes et enfants devraient être séparés de l’agresseur. Ce dernier ne devrait pas rester dans le domicile conjugal.
Les ONG appellent aussi au maintien des audiences relatives aux affaires familiales pendant l’état d’urgence sanitaire. De même, pour les services de santé en faveur des femmes victimes de violence. Elles voudraient autoriser et obliger les autorités administratives locales, en particulier dans les zones rurales, à fournir une assistance de première ligne pour faciliter l’accès des femmes aux services publics. Les ONG proposent que les indemnités d’assistance publique parviennent à toutes les femmes, même celles qui ne sont pas enregistrées auprès de la CNSS ou qui n’ont pas de carte Ramed.

Repères

Catégories  de femmes les plus touchées par  la violence pendant l’état d’urgence sanitaire

• Femmes 
analphabètes 
• Femmes à faible revenu 
• Femmes rurales
• Travailleuses du sexe 
• Étudiantes 
• Femmes migrantes
• Femmes
 en situation 
de handicap

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