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Le Maroc doit poursuivre ses efforts pour réduire les inégalités

D’après le dernier rapport annuel d’Oxfam sur les inégalités mondiales «Celles qui comptent», les inégalités entre les riches et les pauvres ainsi qu’entre les hommes et les femmes persistent toujours et sont de plus en plus importantes.

Le Maroc doit poursuivre ses efforts pour réduire les inégalités
Oxfam affirme que seul un modèle de développement juste, égalitaire et inclusif pourrait répondre aux attentes sociales et réduire le fossé des injustices.

Quelque 2.153 milliardaires du monde se partageraient plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, qui comptent pour 60% de la population de la planète. C’est ce qu’a révélé le dernier rapport annuel d’Oxfam sur les inégalités mondiales. Intitulé «Celles qui comptent», ce rapport publié à la veille du Forum économique mondial (FEM) de Davos, en Suisse (du 21 au 24 janvier 2020), montre comment le modèle économique sexiste exacerbe les inégalités en mettant des richesses considérables entre les mains d’une élite fortunée, aux dépens des personnes ordinaires, en particulier les femmes et les filles pauvres. «Les 22 hommes les plus fortunés au monde possèdent plus que l’ensemble de la population féminine de l’Afrique. Les 1% les plus riches possèdent plus de deux fois les richesses de 6,9 milliards de personnes. En outre, les femmes et les filles assument chaque jour l’équivalent de 12,5 milliards d’heures de travail de soin non rémunéré, un travail dont la valeur serait d’au moins 10.800 milliards de dollars chaque année, soit plus de trois fois la valeur du secteur des technologies à l’échelle mondiale», relève le rapport d’Oxfam, ajoutant qu’une imposition de 0,5% supplémentaire sur la fortune des 1% des personnes les plus riches sur une période de 10 ans permettrait de percevoir autant que les investissements requis pour créer 117 millions d’emplois dans des secteurs comme l’éducation, la santé, l’accompagnement des seniors et la garde des enfants. 
Au niveau national, le rapport d’Oxfam indique que même si au cours des vingt dernières années, la croissance a été dynamique, et le taux de la pauvreté se situe aujourd’hui en dessous de 5%, le Royaume n’a pas pu réduire les inégalités. 
Le Maroc est, en effet, classé 143e sur 153 pays par rapport à l’indice mondial de disparité entre les sexes selon le rapport du Forum économique mondial 2020. Le Maroc reste le pays le plus inégalitaire du nord de l’Afrique et dans la moitié la plus inégalitaire des pays de la planète. Dans son rapport de 2019, Oxfam a montré qu’il faudrait 154 ans à une personne salariée au SMIG pour gagner ce que reçoit en 12 mois l’un des milliardaires du Maroc. Ce rapport de 2019 rappelait aussi qu’un Marocain sur huit est en situation de vulnérabilité, c’est-à-dire susceptible de basculer dans la pauvreté à tout moment. «Ces inégalités n’ont rien de naturel, mais sont le résultat des choix politiques et d’un modèle de développement injuste et sexiste. Un modèle qui a été remis en cause par le Roi après son discours au Parlement en octobre 2018, ce qui a permis de lancer le débat et la réflexion autour du modèle de développement du Maroc, attestant de fait de ses limites marquées par une prédominance de l’économie de rente et le recours à des pratiques exclusives et non transparentes», souligne Abdeljalil Laroussi, responsable de Plaidoyer et Campagne à Oxfam au Maroc 
Le rapport d’Oxfam indique que les femmes réalisent plus des trois quarts du travail non rémunéré dans le monde. Leur charge de travail de soin les conduit souvent à réduire leur nombre d’heures de travail ou à quitter leur emploi rémunéré. Dans le monde, 42% des femmes en âge de travailler n’occupent pas d’emploi rémunéré (contre 6% des hommes) du fait de leurs responsabilités en matière de travail de soin non rémunéré. De plus, les femmes représentent deux tiers de la main-d’œuvre assurant un travail de soin rémunéré. Les emplois de puéricultrice, de travailleuse domestique et d’aide-soignante sont souvent mal payés, offrent peu d’avantages sociaux, imposent des horaires irréguliers et peuvent avoir un fort impact physique et émotionnel. «Les femmes et les filles sont parmi les personnes qui profitent le moins du système économique actuel. Elles passent des milliards d’heures à s’occuper des repas, du nettoyage, de la garde des enfants et de l’accompagnement des personnes âgées. Le travail de soin non rémunéré est le moteur caché qui fait tourner nos économies, nos entreprises et nos sociétés. Il est principalement réalisé par des femmes qui manquent souvent de temps pour s’instruire, gagner un salaire décent ou participer à la gestion de la société, et qui sont donc piégées au bas de l’échelle économique», souligne-t-on dans le rapport. Mounia Semlali, responsable de Programme Justice de Genre à Oxfam au Maroc, affirme que même si les normes sociales sont en transformation continue, les normes patriarcales prévalent toujours dans les perceptions des rapports sociaux de genre. «Ces normes patriarcales favorisent les inégalités et les violences envers les femmes et les filles, dans le cadre conjugal et familial, mais aussi dans l’espace public, le phénomène des “petites bonnes” et les inégalités femmes-hommes sur le marché du travail en sont des parfaites illustrations», déplore-t-elle.
Pour Abdeljalil Laroussi, ce sont les gouvernements qui sont à l’origine de la crise des inégalités, ils doivent agir de toute urgence pour y mettre fin. Le responsable de Plaidoyer et Campagne à Oxfam au Maroc appelle les États à veiller à ce que les grandes entreprises et les particuliers fortunés s’acquittent de leur juste part d’impôts, tout en investissant davantage dans les services publics et les infrastructures pour réduire la charge de travail des femmes et des filles. «Des investissements dans l’eau et l’assainissement, l’électricité, les soins aux enfants et les soins de santé permettraient de faire gagner du temps aux femmes et d’améliorer leur qualité de vie», affirme-t-il. À travers la publication de ce nouveau rapport sur les inégalités, Oxfam au Maroc souhaite à nouveau mettre en lumière les inégalités au Maroc ainsi que les normes sociales qui les alimentent et les violences dont les femmes et les filles sont les premières victimes. Oxfam réaffirme que seul un modèle de développement juste, égalitaire et inclusif pourrait répondre aux attentes sociales et réduire le fossé des injustices. «La lutte contre les inégalités et la pauvreté doit être au cœur de la réflexion de la commission mandatée pour la révision du modèle de développement ainsi que l’ensemble des actions de politiques publiques au Maroc et amener le gouvernement à adopter les mesures prioritaires telles que le développement d’un plan national contre les inégalités, l’adoption d’un objectif ambitieux et quantifié de réduction des inégalités à l’horizon 2030 dans le cadre des objectifs de développement durable et la production des données statistiques mises à jour régulièrement et disponibles publiquement sur la disparité des revenus et la concentration de la richesse. Oxfam appelle également à prendre des mesures urgentes et concrètes pour corriger les disparités régionales, les inégalités de genre et améliorer la gouvernance à tous les niveaux et adopter une politique fiscale juste et ferme dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale qui contribue à réduire les inégalités. 

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