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«Le monde m’appartient et j’appartiens au monde»

Avec un brillant parcours qui le place au rang de mythe vivant des musiques du monde, le saxophoniste Manu Dibando, du haut de ses 78 ans (en 2014, ndlr), a fait revivre des moments exceptionnels au public de Mawazine aux côtés du célèbre compositeur et chef d’orchestre Hugh Masekela. Une occasion que nous avons saisie pour lui rendre un hommage à travers cette rencontre très amicale.

«Le monde m’appartient et j’appartiens au monde»

Le Matin : Vos impressions sur le concert de Mawazine avec le Sud-Africain Hugh Mesekela ?
Manu Dibango :
Hugh Mesekela est un ami que je connais depuis très longtemps. Mais on n’a pas toujours l’occasion de jouer ensemble sur une même scène avec un même orchestre. On a eu un énorme plaisir à le faire sur la scène de Mawazine. Souvent, il arrive que nous sommes sur la même trajectoire, lui m’invite pour «faire un bœuf». Ce qui n’était pas le cas de ce concert. Moi aussi, ça m’arrive de faire appel à lui pour faire quelques interventions dans mes disques. C’est vrai qu’on s’aime bien et que c’était un plaisir d’être ensemble ce soir-là. Le Maroc nous a réunis, moi du Cameroun et lui de l’Afrique du Sud : c’est fabuleux.

Durant votre longue carrière, vous avez rencontré de grands artistes mondiaux et beaucoup de styles, dont Fela Kuti, les musiciens de Bob Marley, Youssou N’Dour, Salif Keïta, Papa Wemba ou encore Peter Gabriel. Quels sont les artistes ou les musiques qui vous ont le plus marqué ?
En presque 60 ans de carrière, vous avez forcément rencontré beaucoup de gens sur votre route : l’Afrique avec l’Africa jazz, en France où j’ai accompagné plusieurs artistes que je ne peux pas tous nommer. Puis, il y a également le côté américain où j’ai côtoyé beaucoup de noms avec qui j’ai enregistré des disques. En fait, moi je ne suis pas musicien africain. Je suis musicien d’origine. Je ne suis pas communautaire. Le monde m’appartient et j’appartiens au monde. Forcément, je viens d’un point, d’un quartier, d’un pays. Mais il y a des gens qui aiment rester traditionnels, qui aiment rester dans leur quartier. Moi, je voyage, je suis universel. Et je voyage aussi musicalement.

Vous êtes considéré comme le plus grand saxophoniste en Afrique. Cette renommée est toujours d’actualité. Quel en est le secret ?
Le meilleur ou le plus grand pour moi ne veut rien dire, surtout quand on connaît la difficulté de cet instrument avec lequel on n’est jamais satisfait. Ce qui nous pousse à toujours faire des choses qu’on n’a pas encore faites. C’est un travail continu qui ne s’arrête pas.

«Soul Makossa» est le titre qui a fait votre succès en 1972. Ce succès continue encore. N’y a-t-il pas eu d’autres titres pour le détrôner ?
Il a eu juste un parcours d’un standard. Maintenant, je suis en train de le faire revivre à cette époque. C’est comme les morceaux de la musique classique. Si on ne continue pas de les jouer, personne ne les connaitraient. Ce sont des standards qui se perpétuent par les musiciens. Donc, ne pas les jouer, c’est les tuer. Même s’ils sont joués autrement, il y a l’essence qui reste et qui fait la magie du morceau.

Vous avez participé, au début des années 1980, au premier Festival panafricain aux côtés de grands artistes de l’Afrique. Que gardez-vous de cette époque musicale en rapport avec celle d’aujourd’hui ?
De beaux souvenirs avec des artistes qui sont encore là et d’autres qui ont disparu. Avec ce métier, il ne faut pas vivre sur les souvenirs, il faut avancer. Malheureusement, il y en a qui n’avancent pas pour des tas de raisons, notamment pour un manque de créativité ou un problème de santé ou peut être les deux.

Le jazz était votre première passion. Qu’en est-il de cette musique actuellement ?
Oui, j’ai une grande passion pour le jazz. J’ai même fait un disque dédié uniquement à cette musique en hommage à Sidney Bechet et Louis Amstrong sur les inondations de la Nouvelle-Orléans. Comme je suis un invité permanent, en tant que soliste, d’un grand orchestre de jazz, Dany Doriz, à Paris.

Que pensez-vous des styles musicaux qui courent aujourd’hui les scènes tels le Rap, le Hip-Hop… Peuvent-ils êtes perpétués comme les autres genres ?
L’avenir nous le dira. Il ne faut jamais fermer la porte. Il faut être curieux de ce que font les autres. Ce sont aussi des musiciens et ils ont leur manière de sentir la musique. Tout n’est pas bon. Mais tout n’est pas mauvais. Il faut faire le tri, parce qu’il y a certains qui écrivent bien.

Pensez-vous avoir réalisé tout ce dont vous rêviez dans votre carrière musicale ?
On n’a pas cette prétention. La musique est quelque chose qui n’a pas de fin. Chaque jour ou chaque semaine nous apporte quelque chose de nouveau. La fin de quelqu’un ou son dernier souffle, ce sont les autres qui la connaissent, pas lui.

Un petit mot sur cette escapade au Maroc ?
C’est une belle escapade de trois jours qui m’a vraiment fait plaisir et où j’ai été très bien accueilli. 

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