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«Le port adéquat d’une protection faciale doit être obligatoire dans des conditions bien précises»

En plus des gestes barrières, il est important de porter un masque dans les espaces publics pour limiter la transmission du coronavirus. Cependant, cette mesure, obligatoire au Maroc depuis avril dernier, n’est pas souvent respectée par les citoyens et se trouve aussi mal appliquée. Dans cet entretien, Dr Saïd El Kettani, spécialiste en médecine interne à Settat, nous rappelle les raisons pour lesquelles il est important de porter un masque et quand cela est vraiment nécessaire.

«Le port adéquat d’une protection faciale doit être obligatoire dans des conditions bien précises»
Le Matin : Le port du masque est devenu obligatoire au Maroc depuis quelques mois. Que pensez-vous de la manière dont a été appliquée cette décision ?

Dr Saïd El Kettani : Le port du masque est, en effet, obligatoire au Maroc depuis le 7 avril 2020 par décision officielle du gouvernement. Le décret du 23 mars 2020 n° 02.20.292 instaurant l’état d’urgence sanitaire au Royaume permet, dans son article 3, au gouvernement «de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’aggravation de l’état épidémique de la maladie et de mobiliser toutes les ressources disponibles pour protéger la vie des personnes et assurer leur sécurité». Il prévoit dans son article 4 des sanctions d’emprisonnement d’un à trois mois et/ou une amende allant de 300 à 1.300 dirhams à l’encontre des contrevenants. Donc il ne mentionne pas expressément le port du masque.

 

Il s’agit d’une décision judicieuse, mais la polémique et la controverse tournent autour de l’utilisation raisonnable et efficiente du port du masque par le citoyen et l’impératif pour l’agent d’autorité d’appliquer la loi Ainsi, est-ce qu’une personne qui conduit seule ou en petite famille son véhicule doit obligatoirement porter un masque ? Et est-ce que les agents d’autorité doivent verbaliser et sanctionner une personne qui conduit seule ou en petite famille son véhicule sans porter de masque ?

Au Maroc, nous sommes devant un flou juridique. Les agents d’autorité essaient d’appliquer une directive qui n’est pas claire et le citoyen ne sait sur quel pied danser. La directive stipulerait : «Port obligatoire du masque facial dans les lieux publics», «Tout individu qui circule sans porter un masque de protection sera poursuivi». Les lieux publics peuvent être classés en ouverts et fermés : jardins, plages, administrations, restaurants, supermarchés, transports publics… La voiture personnelle est-elle un lieu public ou privé ? Une voiture personnelle est un lieu privé en mouvement dans un espace public ouvert.

 

Quelle est, à votre avis, la solution ?

Le port adéquat d’une protection faciale doit être obligatoire dans des conditions précises pour que l’adhésion et le fait de s’y conformer soient pertinents, car cette mesure doit durer tant qu’un vaccin n’a pas été découvert. La règle serait simple : le masque doit être porté chaque fois qu’on est à proximité à moins de 2 mètres ou en contact avec une autre personne et à fortiori dans les lieux publics fermés ou peu aérés.

Concernant la voiture personnelle, il est d’un point de vue épidémiologique inconcevable d’y porter un masque facial que le conducteur soit seul ou en compagnie de sa petite famille. Il s’agit des mêmes conditions qui prévalent au niveau du domicile. C’est également l’avis de Dr El Mourabit, coordinateur du Centre national des opérations d’urgence en santé publique, lors de sa déclaration hebdomadaire du mardi 4 août 2020.

J’appelle à ce que, comme dans certains pays, le port obligatoire des masques de protection soit bien clarifié dans des textes complets et détaillés. Ils doivent préciser les normes, les circonstances et conditions d’utilisation et les lieux précis où ils doivent être portés.

 

Rappelez-nous l’importance et l’utilité du respect des gestes barrières, notamment le port du masque.

Le Sars-Cov-2 responsable du Covid-19 sera présent avec nous pendant longtemps. Nous ne disposons pour l’instant ni d’un vaccin ni d’un traitement spécifique. Les seules armes dont nous disposons sont l’hygiène des mains et les mesures barrières. L’hygiène des mains consiste à les laver avec de l’eau et du savon ou avec une solution hydroalcoolique le plus souvent possible, c’est-à-dire chaque fois qu’on a touché un objet potentiellement contaminant. Ne toucher ses yeux ou sa bouche (donc son visage) que lorsqu’on est sûr que notre main est propre. Les mesures barrières contre la transmission du virus ont pour objectif de protéger contre les gouttelettes de salive et les postillons émis lors de la parole, l’éternuement ou la toux. Il s’agit de : tousser ou d’éternuer dans un mouchoir jetable ou au niveau du coude, ne pas trop se rapprocher des gens et de laisser une zone d’intimité et de courtoisie sociale. Saluer avec respect, tout en considérant que la main est un objet souillé. Porter de manière adéquate un masque facial efficace lorsqu’on est à proximité d’une autre personne. J’ajouterais à ces gestes barrières, l’utilisation constante de l’application Wiqaytna, qui pour moi devrait être «obligatoire».

 

On remarque que beaucoup de personnes ne respectent pas le port du masque obligatoire pour éviter la propagation du virus. Pire encore, certains n’hésitent pas à utiliser des masques d’autres personnes rien que pour éviter d’être sanctionnés. Quelles conséquences cela peut-il avoir ?

Malheureusement ce comportement irresponsable existe et n’est pas l’apanage des classes socio-économiques défavorisées. Vous soulevez une question très importante qui nous renvoie globalement aux notions d’hygiène, de prévention et de gestion des risques d’une part et à notre relation avec la loi et les règlements d’autre part. Quand nous observons le nombre de «brûleurs de feu rouge» dans nos ronds-points, nous avons la réponse à cette question. Comment chacun d’entre nous se comporte dans sa maison avec la bonbonne de gaz, avec le grand couteau de Aïd Al-Adha ou en sortant des toilettes ? Il s’agit de la notion de risque et de sa gestion qui est une donnée malheureusement presque inexistante au Maroc. En tant que médecin, nous en souffrons, chaque jour, dans la prise en charge de nos malades chroniques. Ici, il s’agit du risque respiratoire et celui lié aux mains.

Notre rapport avec la loi et les règlements est complexe et cela est également expliqué par notre mode éducatif et le manque de confiance que nous avons dans l’autorité qui est conçue comme sanctionnatrice et non protectrice. L’information, la sensibilisation et la connaissance du pourquoi de telles directives manquent souvent ! Les conséquences de ces comportements irresponsables sont une propagation de plus en plus importante du virus avec malheureusement des décès plus élevés et un risque de saturation du système de santé, ce qui aura des répercussions désastreuses sur tous les citoyens atteints de maladies chroniques.

 

Quel conseil pouvez-vous nous donner pour mieux gérer cette situation ?

Je conclurais notre entretien par le fait que le Sars-Cov-2 actuel sera en principe avec nous, pour toute la vie. Nous devons investir dans l’éducation civique et la gestion du risque et améliorer notre arsenal juridique. 

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