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Le projet de loi le concernant attend toujours son vote par le Parlement

Le vide juridique a fait perdre, dernièrement, à l’artiste Mohamed Melihi et aux ayants droit de feu Farid Belkahia leur dû concernant la vente aux enchères des œuvres de ces artistes : la première vendue 5 millions de DH et la seconde à 2,5 millions de DH.

Le projet de loi le concernant attend toujours son vote par le Parlement
L’œuvre de Melihi vendue aux enchères.

Une belle et honorable vente en ligne, par le biais Sotheby’s Londres. Mais, malheureusement, elle n’a été profitable ni au Maroc ni aux bénéficiaires, et ce à cause du retard d’adoption par le Parlement de la loi sur le «droit de suite», qui peut être fonctionnel aussi bien au Maroc qu’à l’étranger. Sachant que ce «droit de suite» a fait l’objet, en 2018, d’une réflexion collective entre le Syndicat marocain des artistes plasticiens professionnels (SMAPP), présidé par le peintre Mohamed Mansouri Idrissi, et l’Association marocaine des arts plastiques (AMAP), présidée par l’artiste Mohamed Melehi. L’élaboration de ce projet de loi s’est, ainsi, effectuée en coordination avec le département de la Culture et le Bureau marocain des droits d’auteur (BMDA), puis adopté par le Conseil de gouvernement. Il reste au législateur à faire aboutir cette loi pour la mettre en pratique, afin de protéger la propriété intellectuelle marocaine. 


Questions à l’artiste plasticien Mohamed Melihi

«La plus grande satisfaction de l’artiste est la reconnaissance de son talent, le reste c’est au département de la Culture de s’en occuper»

Mohamed Melihi dans son atelier.

Quel a été votre sentiment suite à cette belle vente de votre œuvre, tout en sachant que vous n’alliez pas en bénéficier matériellement ? 
Vous savez, quand on est devant une telle situation, il y a deux choses : l’avantage matériel et la reconnaissance artistique. Et je pense que pour un artiste, la reconnaissance de son talent est sa plus grande satisfaction. Cette reconnaissance, c’est aussi notre pays qui en bénéficie. Et c’est un grand honneur pour nous. Car, à priori, on ne fait pas de l’art pour gagner de l’argent. Mais c’est tant mieux quand il y a les deux, c’est-à-dire l’art et l’argent. Ce qu’il faut pour un artiste, c’est créer et travailler. Tout le monde sait que la majorité des grands maîtres de la peinture ont été reconnus après leur décès, sauf une poignée qui a bénéficié de son argent de son vivant.

Quelle est la différence entre cette vente et celles que vous aviez déjà eues ?
Durant ma carrière, beaucoup de mes œuvres ont été cédées, vendues, offertes… parce qu’une œuvre peut passer par plusieurs mains. Pour celle vendue récemment, il y a une satisfaction de l’importante valeur qu’on lui a donnée. Sachant qu’elle a été réalisée à New York en 1963, sous l’intitulé «The Blacks». J’en suis très ravi.

Comment se déroulent, en général, ces ventes aux enchères ?
Généralement, ces ventes sont annoncées deux mois à l’avance pour permettre à tous ceux qui veulent rentrer dans la course d’en prendre connaissance. 
Ce sont, habituellement, des collectionneurs, des musées, des professionnels de art… et certains passent par des intermédiaires pour garder la discrétion. C’est un domaine très complexe qui existe depuis très longtemps. C’est très important que le Maroc rentre dans ce genre de marché international.
Ne regrettez-vous pas que ce «droit 

de suite» n’ait pas été mis en pratique dans notre pays ?
Il faut savoir que la notion du «droit de suite» est toujours négligée dans notre pays, encore plus pour les arts plastiques. Nous avons déjà évoqué cela dans notre Association marocaine des arts plastiques, en invitant, il y a quatre ans, la directrice de la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADGAP). Mais c’est au département de la Culture de s’en occuper, en poussant le Parlement à adopter ce texte et en signant une convention avec l’ADGAP en France. 


Questions à Mohamed Idrissi Mansouri, président du SMAPP

«Nous souhaitons que le Parlement puisse voter ce texte bénéfique autant pour nos plasticiens que notre pays»​

Mohamed Idrissi Mansouri.

Il n’y a pas longtemps au Maroc, beaucoup d’artistes plasticiens n’avaient pas une idée très claire de la notion de «droit de suite» ?
Effectivement. Mais actuellement, ce «droit de suite» est devenu une notion fondamentale pour les artistes plasticiens. Si les «droits d’auteur» sont assez clairs comme notion, le «droit de suite», par contre, doit encore faire l’objet d’explications pour être pleinement intégré dans la réflexion globale sur les arts plastiques.

Comment considérez-vous ce droit ?
C’est un droit important pour les artistes plasticiens, car il fonde et protège la rémunération dont doivent bénéficier les auteurs d’œuvres d’art lors des «reventes» de leurs œuvres par un professionnel du marché de l’art. Par exemple, si un artiste émergent ou en début de carrière vend une œuvre à un prix défini, il est légitime qu’il puisse participer à la plus-value et au «succès commercial» de son œuvre, lui ou ses ayants droit, en cas de reventes.

Parlez-nous un peu de l’historique de ce «droit de suite» ?
Le droit de suite existe depuis 1920 en France. Il est intégré dans la loi sur la propriété intellectuelle. Le droit de suite est géré par la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) qui est connectée en ligne avec les galeries, les marchands d’art, disposant ainsi de toutes les informations nécessaires. Elle collecte les fonds et répartit les droits, selon un pourcentage, aux auteurs et ayants droit. Elle représente aujourd’hui 180.000 artistes français et étrangers dans plus de 40 disciplines.

Donc, les artistes marocains doivent normalement suivre le même chemin ?
Certainement, parce qu’il n’est plus acceptable que des œuvres de plasticiens marocains soient revendus à des prix très élevés au Maroc ou à l’étranger sans que les auteurs ou ayants droit bénéficient du droit de suite. Il faut qu’il y ait un cadre juridique. C’est une question d’éthique et de justice. Les artistes ont le droit de percevoir une juste rémunération de leur travail et talent. Notre projet de loi fixe à 5% le pourcentage à verser à l’artiste lors de la «revente». Sachant que le 28 avril 2017 s’est tenue à Genève la Conférence internationale sur le «droit de suite» des artistes, alors que notre pays n’est jusqu’à maintenant pas inscrit dans cette dynamique internationale en faveur de ce droit. Ainsi, nous souhaitons que le Parlement puisse voter ce texte qui constitue un tournant majeur pour la protection de la propriété intellectuelle. 

 

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