Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Société

Protégeons nos enfants par la communication et la sensibilisation

La mort de Adnane Bouchouf, enfant de 11 ans après avoir été violé et torturé sexuellement, est tombée comme un couperet samedi dernier produisant une profonde indignation et colère de l’opinion publique devant ces actes cruels qui se multiplient de jour en jour. Tout le monde a suivi l’affaire de Adnane de près depuis sa disparition qui a enflammé la Toile dans l’espoir d’entendre des nouvelles sur ses retrouvailles avec sa petite famille. Mais le destin en a décidé autrement. Le petit a été assassiné le même jour de sa disparition. Que Dieu ait son âme en Sa Sainte Miséricorde. Adnane est malheureusement une victime parmi d’autres. Notre mission à tous est donc de prévenir ces actes et assurer une protection optimale aux enfants tout en veillant au respect de leur droit à une vie digne et saine . La sécurité de l’enfant contre les risques d’abus au sens large du terme doit guider toutes nos réflexions. À commencer par la prévention qui doit être nécessairement multidimensionnelle et permanente. Une prévention qui passe par une complémentarité des efforts des acteurs concernés : Parents, école, éducateurs, État, société civile, pédiatres, psychologue clinicien, psychothérapeute, coachs…

Protégeons nos enfants  par la communication  et la sensibilisation

Abus, agression, harcèlement, viol, exploitation, cyberviolence… peu importe la forme qu’elle peut prendre, la violence sexuelle à l’encontre des enfants a des effets néfastes, tant pour les jeunes victimes, leur entourage que pour la société en général. Il s’agit d’un phénomène inquiétant et qui va croissant partout dans le monde. En témoigne un nouveau rapport publié en juin 2020 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Unicef, l’Unesco, la représentante spéciale du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies chargée de la question de la violence contre les enfants et le Partenariat pour l’élimination de la violence intitulé : Rapport de situation 2020 sur la prévention de la violence à l’encontre des enfants dans le monde. Il en ressort que «Chaque année, un enfant sur deux dans le monde, soit environ un milliard d’enfants, est victime d’actes de violence physique, sexuelle ou psychologique qui entraînent des traumatismes, des handicaps, voire le décès». 
Le cyberharcèlement et l’exploitation sexuelle en ligne fait, par ailleurs, partie des préoccupations exprimées par les auteurs de ce rapport. «Et alors que les communautés en ligne sont devenues essentielles pour permettre à de nombreux enfants de continuer à apprendre, à jouer et à bénéficier d’un soutien, on a observé une recrudescence des comportements néfastes en ligne, dont le cyberharcèlement, les conduites à risque et l’exploitation sexuelle». D’où l’intérêt de mettre davantage les projecteurs sur la prévention. L’efficacité des actions de prévention passe d’abord par des actions de sensibilisation et de communication. Un travail ciblé doit être fait au niveau du cocon familial, des écoles et autres lieux fréquentés par les bambins (salles de sport, conservatoires…). Ils doivent être mieux informés et prendre conscience des dangers que peut représenter des étrangers et parfois même l’entourage. Protéger les enfants contre toute forme de violence est un devoir partagé par l’ensemble de la communauté. Un dialogue constructif doit être noué entre l’enfant et son entourage loin des stéréotypes et de la communication stérile. «Dès son jeune âge apprenez à votre enfant à respecter son corps. Expliquer lui que son corps lui appartient, et personne ne doit l’obliger ou n’est en droit de l’obliger à avoir une promiscuité qu’il ne souhaite pas. Dites-le et redites-le, inlassablement, à chaque fois, cela leur apprend le respect de leur corps, et les protège des prédateurs», insiste Imane Hadouch, Master-coach et comportementaliste.
Même son de cloche chez Réda Mhasni, psychologue clinicien et psychothérapeute, qui suggère l’installation d’un mode de communication et d’écoute avec les enfants dès leur jeune âge. Une dynamique de récit, selon lui, est bien recommandée tout en évitant l’interrogatoire. L’expert a également insisté sur la question de la proximité de l’enfant avec les adultes et sur le travail aussi de la question du corps. «Il est important qu’on arrive à sacraliser le corps de l’enfant et lui expliquer que son corps lui appartient et que nul autre personne n’a le droit de le toucher». Établir des distances avec l’Autre avec un grand «A»  est aussi primordial pour prévenir les risques. Du coup, c’est une affaire d’éducation sexuelle et d’éducation relationnelle. Un travail pédagogique est primordial en amont d’un abus sexuel (voir vidéo). «L’affaire d’Adnane m’a beaucoup secoué et j’avoue que j’ai été très touché sur le plan psychologique. Je suis maman d’un enfant de trois ans et demi. J’ai commencé il y a quelques mois à accompagner mon fils pour qu’il développe certains réflexes. Bien évidemment, j’utilise un langage adapté à son âge ! Ne jamais fréquenter ou accompagner un individu qu’il ne connaît pas, ne pas changer ses vêtements devant les autres ou encore ne pas laisser la porte des toilettes ouvertes sont les premiers apprentissages à citer dans ce sens. J’ai commencé aussi à demander sa permission avant de l’embrasser et à lui expliquer qu’il a le droit de refuser qu’on lui fasse un bisou ou un câlin. Au départ, j’ai senti qu’il était surpris par ces nouvelles habitudes, mais il a commencé, petit à petit, à s’y habituer. J’estime aussi que l’implication du papa est très importante dans ce type d’éducation, d’autant plus qu’il s’agit d’un garçon», nous confie une jeune maman. 


Imane Hadouche, Master-coach et comportementaliste

Les 6 clés pour prévenir les violences sexuelles

*Dès son jeune âge, apprenez à votre enfant à respecter son corps : le simple fait de ne pas l’obliger à faire un bisou à sa tata son tonton ou sa mamie peut être décisif. Même vous, essayez de demander la permission avant de l’embrasser, surtout si c’est accompagné par une explication, comme quoi, son corps lui appartient, et personne ne doit l’obliger ou n’est en droit de l’obliger à avoir une promiscuité qu’il ne souhaite pas. Dites-le et redites-le, inlassablement, à chaque fois, cela lui apprend le respect de son corps, et le protège des prédateurs. 
*Dans le même sens, apprenez-lui que son intégrité physique est une chose extrêmement importante : ne laissez passer aucune violence qu’il vous transmet ou dont il se plaint, même si c’est anodin (untel l’a poussé ou unetelle lui a tiré les cheveux…), et au risque de passer pour le parent névrosé, allez rapporter ses réclamations à ses maîtresses d’école ou la maman du petit voisin, en leur expliquant en aparté avec un sourire et tout calmement, que vous n’êtes pas là pour chercher une suite à la réclamation, mais que votre rôle de parent est de transmettre la réclamation de votre enfant, aussi anodine soit-elle, pour construire une relation de confiance, l’encourager à confier ce qui ne lui convient pas, et aussi lui apprendre que toute atteinte à son «intégrité physique» est intolérable. 
*Ainsi, prouvez à votre enfant que vous respectez son corps : continuer à le bourrer de nourriture, alors qu’il dit ne plus avoir faim est un exemple simple, mais significatif. Le violenter physiquement, ou insister pour qu’il plonge dans la piscine alors qu’il n’en a pas envie, sont d’autres exemples. Vous lui apprendrez à respecter son corps, à écouter ses besoins, et à ne jamais céder physiquement, pour faire plaisir à l’autre. 
*Offrez-lui un espace d’intimité et respectez-le : ne le changez pas devant tout le monde, ne rentrez pas dans sa chambre sans frapper à la porte, apprenez-lui à fermer la porte des toilettes et de la salle de bain… en lui expliquant que c’est très intime. Tout ça, lui apprendra, qu’il y a un «espace» d’intimité, ou un minimum d’espace vital, que les autres n’ont pas le droit de violer. Et il n’acceptera pas trop de promiscuité avec les autres.
*Mettez de côté le «swab» et les jeux sociaux : il n’est pas question d’oublier les bonnes manières, il ne s’agit pas d’oublier de dire les mots magiques : «bonjour, s’il vous plait et merci», mais il ne faut pas lui transmettre l’idée dangereuse et destructrice que «les adultes» ont une quelconque autorité sur lui, et que sa validation en tant que personne «polie» et acceptée socialement consiste à être reconnu par les «adultes» en leur faisant plaisir. D’ailleurs, il est préférable de ne pas exposer votre enfant à des réunions d’adultes, même en votre compagnie et sous votre surveillance. 
*À partir de 5 à 6 ans, vous pouvez aussi formuler des phrases simples : en bref, c’est le moment de reformuler en mots, ce qui a été abordé dans les 5 points précédents, mais qui étaient avant des actes sans paroles. Répétez encore et encore les mêmes principes, et mêmes valeurs : respect pour son corps, de sa part et de la part des autres, respecter son intimité et son intégrité physique, les adultes n’ont aucun pouvoir d’autorité sur lui, son corps lui appartient… En répétant sans vous lasser les mêmes valeurs, elles deviendront siennes. Le meilleur moyen de protéger vos enfants d’une désinformation, d’un apprentissage précoce et maladroit, sinon dans des cas extrêmes, de vrais drames et de vrais prédateurs, afin de les amener aussi à avoir, c’est de jouer notre rôle de guide et le plus tôt possible. D’abord avec des actes et ensuite en transmettant des valeurs essentielles de respect de soi et de son corps.


Réda Mhasni, psychologue clinicien et psychothérapeute

«Il faut travailler sur une éducation relationnelle enfant/entourage»

«Un travail en amont avec nos enfants doit être effectué pour les sensibiliser aux violences sexuelles avant que l’irréparable soit commis. Il est important de parler à nos enfants de ces réalités blessantes en tenant compte de leur jeune âge. Arrêtons de prendre les enfants pour des ‘’stupides’’. Les enfants doivent savoir que des malades existent utilisant tous les moyens pour se rapprocher de la famille et tisser un lien de confiance avec elle pour atteindre leurs objectifs malsains et abuser de l’enfant. Il faut trouver le mot juste pour expliquer à l’enfant ce qui risquerait d’arriver avec un étranger ou même un proche (…). Du coup, il est essentiel de travailler sur la question de la proximité de l’enfant avec les adultes et travailler aussi la question du corps avec l’enfant. Il faut qu’on arrive à sacraliser le corps de l’enfant et lui expliquer que son corps lui appartient à lui seul et que nulle autre personne n’a le droit de le toucher. Je trouve que c’est une affaire d’éducation sexuelle et d’éducation relationnelle : comment tisser des relations avec les autres ? Comment établir des distances avec eux ? Il faut bannir toutes les pratiques qui ne respectent pas le corps de l’enfant (…). Une autre question très importante à aborder et à traiter largement est celle des enfants à besoins spécifiques qui subissant plusieurs sévices sexuels et malheureusement nombre d’entre eux n’ont pas l’expression verbale suffisante pour dénoncer leurs souffrances (…). Il est aussi important que les parents protègent leurs enfants pour ne pas sombrer dans la dynamique pathologique une fois repérée. Des moyens existent notamment en psychothérapie. Il faut travailler sur les représentations mentales dudit adolescent pour éviter des comportements délictueux ou criminels (…) Je pense qu’on devrait tous travailler pendant ce moment-là pour sensibiliser, informer sur le trouble, sur les signes annonciateurs du trouble, pour mieux protéger nos enfants et protéger notre société». n

 

Lisez nos e-Papers