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Suspension du remboursement de TVA : quel impact sur la trésorerie et la capacité de reprise des entreprises dans le contexte du Covid-19 ?

Suspension du remboursement de TVA : quel  impact  sur la trésorerie et la capacité de reprise des entreprises  dans le contexte du Covid-19 ?
Mohammed Fdil. Mohamed Kach Kach,

Dernièrement, les redevables ont été surpris par la suspension du remboursement de TVA au niveau des Directions régionales des impôts du Royaume. Cette interruption trouve-t-elle son origine dans l’épuisement du budget alloué par la loi de Finances au remboursement de la TVA ? En tout cas, l’arrêt provisoire du remboursement de TVA est inopportun. En corollaire, il coïncide avec la crise sanitaire du Covid-19 dont les conséquences pèsent lourdement sur l’économie du pays et la trésorerie des entreprises.
En effet, nous avons constaté que la rubrique remboursement de TVA prévue dans la loi de Finances rectificative a diminué de près de deux milliards de dirhams. Elle est ainsi passée de 8,1 milliards de dirhams dans la loi de Finances 2020 à 6,3 milliards de dirhams dans la loi de Finances rectificative. Cette diminution de 22,6% est inquiétante pour les entreprises, d’autant plus que le budget remboursement de la TVA est passé de 10,5 milliards de dirhams en 2019 à 8,1 milliards de dirhams en 2020 avant d’atteindre 6,3 milliards de dirhams dans la loi de Finances rectificative.
D’après les statistiques de la Trésorerie générale du Royaume, il apparaît que cette rubrique remboursement de TVA a été consommée à la date de juin 2020 à hauteur de près de 6,2 milliards de dirhams. Ce qui présage un arrêt complet des remboursements de TVA d’ici la fin de l’année. Nous attirons ainsi l’attention sur le fait que :
• Le droit au remboursement de la TVA tire son fondement légal du droit à déduction qu’il garantit et donne tout son sens au principe sacro-saint de la neutralité de la TVA au niveau des entreprises. 
• Le mécanisme légal du remboursement consiste en fait en une simple restitution de la TVA acquittée en amont par le redevable et qui doit normalement constituer la base chiffrée de la budgétisation du remboursement de TVA.
• Grâce à l’outil informatique et à la généralisation de la digitalisation, il est possible d’alimenter de façon continue et permanente le budget destiné au remboursement de TVA sans limitation ni plafonnement arbitraires du budget de remboursement de TVA.
L’application de ces principes légaux avec un recours adéquat à l’outil informatique permettrait d’éviter la mise en péril de la trésorerie des entreprises qui exercent dans le cadre des activités et opérations éligibles au droit au remboursement, prévues par les articles 103 et 103 bis du Code général des impôts (CGI). Au préalable, précisons les activités et opérations éligibles au droit au remboursement, prévues par les articles 103 et 103 bis du CGI.
Le cadre légal du droit au remboursement (articles 103 et 103 bis du CGI)
L’article 103 du CGI précise que le crédit de taxe peut être remboursé dans les cas suivants :
• Opérations réalisées sous le bénéfice des exonérations ou du régime suspensif prévus aux articles 92 et 94 du CGI, si le volume de la taxe due ne permet pas l’imputation intégrale de la taxe ;
• Cessation d’activité taxable pour le crédit de taxe résultant de l’application des dispositions prévues à l’article 101-3 du CGI ;
• Les entreprises assujetties pour les biens d’investissement acquis localement ou importés respectivement dans le cadre des articles 92-I-6 et 123-22 du CGI (dans le délai des 36 mois à partir du début d’activité) lorsque la TVA a été acquittée ;
• Les opérations effectuées par les entreprises de crédit-bail (leasing) donnent lieu au droit au remboursement du crédit de taxe déductible non imputable ;
• Le droit au remboursement est aussi ouvert à l’activité de dessalement d’eau de mer pour le crédit de taxe déductible non imputable.
L’article 103 bis du CGI, dédié au remboursement de la TVA dans le cas d’acquisition des biens d’investissement, permet 
aux redevables dont les déclarations du chiffre d’affaires font ressortir un crédit de taxe non imputable de bénéficier du remboursement de la TVA au titre desdits biens, à l’exception du matériel et du mobilier de bureau et des véhicules de transport de personnes autres que ceux utilisés pour les besoins de transport public ou de transport collectif du personnel.

La neutralité de la TVA au niveau des entreprises
De par son principe, la TVA fonctionne en cascade. Pour toute entreprise, le montant de TVA supporté lors de l’acquisition de biens et services est récupérable au moment de la vente du produit ou de la prestation de services fournie. La différence en plus ou en moins constitue une taxe due ou un crédit de TVA à faire valoir par le redevable. L’enchaînement de ce processus sur l’ensemble des entreprises intervenant d’amont en aval dans la chaîne de réalisation du produit ou du service crée un effet «cascade» par lequel la TVA ne fait que traverser l’entreprise sans laisser de trace ni en tant que charge ni en tant que produit. Le but recherché en matière de TVA est de faire supporter en dernière instance la taxe au consommateur final. La trésorerie de l’entreprise doit rester neutre et sans impact par rapport à la TVA.

Le remboursement de TVA est une simple restitution de la TVA acquittée en amont par le redevable
Sur le plan du principe, et tel qu’il a été énoncé plus haut, le remboursement de TVA n’occasionne pour le Trésor aucune allocation spécifique de ressources. Cette opération consiste en une simple restitution de TVA «avancée» par l’entreprise en amont. Le plafonnement du remboursement de TVA n’a donc aucun sens, et ne fait au contraire que mettre en péril la trésorerie des entreprises qui exercent dans le cadre des opérations définies par les articles103 et 103 bis mentionnés ci-dessus.

Une alimentation permanente du budget dédié au remboursement de TVA grâce à l’outil informatique
Grâce à l’outil informatique et à une codification adéquate, il est possible d’alimenter de façon permanente, continue et sans limitation la rubrique budgétaire dédiée au remboursement de TVA. Tel qu’il a été précisé ci-dessus, le remboursement de TVA ne nécessite pas une allocation budgétaire propre, puisque la base du remboursement existe déjà et elle correspond au montant de TVA déductible décaissé par les redevables réalisant des opérations prévues par les articles 103 et 103 bis du CGI. Il suffit d’établir, au moyen de l’instrument informatique, un lien digital entre le montant de TVA acquitté en amont par les redevables cités précédemment (articles 103 et 103 bis du CGI) et le montant de remboursement demandé.
Sur le plan pratique, à l’instar du procédé appliqué en matière de «prorata de TVA» ou de «cotisation minimale», les données chiffrées réalisées par l’entreprise l’année précédente seront prises comme référence, avec la possibilité de régularisation à la fin de l’année courante au titre de laquelle le remboursement de TVA est demandé.

Conclusion
Une gestion objective du remboursement de TVA s’impose, notamment dans le contexte de crise sanitaire du Covid-19 et de ses conséquences sur le plan économique et social. L’approche du remboursement de la TVA tel que géré actuellement par les lois de finances, avec plafonnement du budget qui y est alloué, entraîne des difficultés de trésorerie, voire une asphyxie, pour les entreprises qui œuvrent dans le cadre de l’article 103 du CGI.
En référence à l’article 103 du CGI, nous citerons notamment les entreprises exportatrices, celles exerçant dans le domaine du crédit-bail ou du dessalement d’eau de mer, qui sont des entreprises créatrices d’emploi, de haute valeur ajoutée, pourvoyeuses de devises ou véhiculant de la technologie de pointe. Il serait dommageable de mettre en péril la trésorerie et l’activité de ces entreprises, en plafonnant le remboursement de TVA. 
Le contexte de crise comme celui que traverse actuellement le pays montre clairement le grand risque que fait peser ce mode de gestion de la TVA sur l’équilibre financier de ces entreprises. Il ne faut pas oublier que la préoccupation première du gouvernement à travers les différentes réunions que le Conseil de veille économique (CVE) a tenues depuis le début de la pandémie consiste en la préservation de l’emploi et de la pérennité des entreprises. En fait, il y a lieu de s’interroger sur l’intérêt des différentes mesures prises par le CVE pour ces entreprises, si le plafonnement du remboursement de TVA vient étouffer d’un autre côté leur équilibre financier. 
Il est donc nécessaire de reconsidérer le mécanisme du remboursement de TVA, 
de sorte à permettre le renflouement continu et permanent de la trésorerie de ces entreprises. 

Par Mohammed Fdil, fiscaliste, ex-secrétaire général de la CNRF, et Mohamed Kach Kach, conseiller fiscal, ex-chef de la Brigade de vérification, membres de la Commission juridique et fiscale de la CFCIM

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