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«Décalée par le soutien étatique, la vague des défaillances d’entreprises arrive»

En 2020, l’équivalent de près de 5% du PIB marocain a été servi au titre des crédits Damane Relance et Damane Oxygène, au bénéfice de plus de 66.000 entreprises. Grâce à ce soutien étatique massif, l’étendue des dégâts sur les entreprises et les ménages a pu être contenue à des niveaux inespérés au commencement de la crise. Toutefois, avec le tarissement de ces mécanismes d’appui et le retour de l’activité à plein régime des tribunaux de commerce, les défaillances d’entreprises exploseraient de 30% en 2021. Selon Hicham Bensaid Alaoui, déjà en 2020, les signaux structurellement négatifs en termes de délais de paiement se sont encore dégradés, le crédit inter-entreprises étant devenu la première source de financement des entreprises, avec plus de 400 milliards de dirhams en circulation.

«Décalée par le soutien étatique, la vague des défaillances d’entreprises arrive»
Pour le CEO d’Euler Hermes Acmar, l’amendement de la loi sur les délais de paiement, de manière à assainir davantage le climat entrepreneurial dans notre pays, devient une impérieuse nécessité.

Le Matin : Quel est jusqu’ici l’impact de la crise Covid-19 sur l’économie marocaine ?
Hicham Bensaid Alaoui :
L’impact de la crise a été malheureusement très marqué sur notre économie, avec une contraction du PIB de 7% en 2020, certes incluant les effets d’une année pluviométrique médiocre. Déjà avec des taux de croissance de 4%, lors des années précédentes, le pays n’arrivait pas à inverser sensiblement la courbe du chômage ou doper le moral des entreprises et ménages, qui enregistrait une tendance peu favorable.

Qu’en est-il de l’ampleur du choc sur les entreprises dans cette conjoncture difficile et inédite ?
En 2020, grâce à un soutien étatique objectivement remarquable, l’étendue des dégâts a pu être contenue à des niveaux inespérés au commencement de la crise. Je rappelle que l’année dernière, l’équivalent de près de 5% du PIB marocain a été 
servi au titre des crédits Damane Relance et Damane Oxygène, au bénéfice de plus de 66.000 entreprises, sans oublier les aides directes aux particuliers. 
Toutefois, tant le tarissement de ces mécanismes de soutien, que l’effet mécanique de l’activité à plein régime des tribunaux de commerce, nous amène à anticiper un phénomène de rattrapage : les prévisions du groupe Euler Hermes allant dans le sens d’une augmentation de 30%, en 2021, des défaillances d’entreprises, comparativement à 2020.
 Il convient de noter que dès 2020, les signaux structurellement négatifs en termes de délais de paiement se sont encore dégradés, le crédit inter-entreprises étant devenu la première source de financement des entreprises, avec plus de 400 milliards de dirhams en circulation.

Quels sont les secteurs les plus affectés ?
L’intégralité de la chaîne de valeur de l’économie semble avoir été touchée, au regard du caractère transverse de la crise en cours, une économie a fortiori encore négativement impactée tant par la performance agricole – avec une baisse de la valeur ajoutée de plus de 7% – que par la performance de nos principaux partenaires, avec des décroissances de près de deux chiffres dans la zone euro, par exemple. 
Dans une telle configuration, certains secteurs – hôtellerie, transport, services aux personnes… – ont été encore davantage impactés.

Aujourd’hui, quels sont les secteurs toujours à risque ?
Il s’agit principalement des secteurs du BTP, de la métallurgie et du textile, en raison notamment de problématiques structurelles liées aux surcapacités, aux besoins en financement et à la concurrence internationale.

À la lumière des dernières évolutions et des différents dispositifs d’appui mis en place, quelles perspectives de reprise pour les entreprises marocaines et de l’investissement privé ?
En 2021, la croissance économique devrait rebondir –hors distorsion liée à des événements non prévus – de 5%. Ce qui devrait mécaniquement améliorer le quotidien des entreprises, tout en notant qu’une telle évolution demeurerait insuffisante pour compenser la décroissance enregistrée en 2020. En d’autres termes, ce n’est que vers mi-2022 que nous devrions revenir, sauf imprévu, au niveau du PIB de 2019, ce qui est très révélateur de l’étendue des difficultés. 
Par ailleurs, également du fait de problématiques structurelles liées à des besoins en trésorerie de plus en plus importants, en raison de délais de paiement en allongement continu, une reprise de l’investissement privé ne semble pas acquise, d’autant plus que les contextes incertains n’aident pas nécessairement à une projection vers l’avenir.

Y a-t-il des leviers urgents à activer par le gouvernement, les banques et le secteur privé pour relancer l’économie et les entreprises ?
Je pense notamment que l’amendement de la loi sur les délais de paiement, de manière à assainir davantage le climat entrepreneurial dans notre pays, devient une impérieuse nécessité, car les entreprises, notamment les TPE et les PME, se retrouvent de plus en plus enfermées dans un cadre asphyxiant, qui peut à moyen terme devenir invivable. 
Davantage de pénalisation des incidents de paiements, notamment ceux liés à des effets de commerce, pourrait également être une 
option, tant ma conviction est grande qu’une reconstruction de la confiance devient une impérieuse nécessité. 

Entretien réalisé par Moncef Ben Hayoun

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