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«Le Maroc cherche, dans un premier temps, à devenir une plateforme d’exportation des équipements militaires vers l’Afrique »

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Le Matin : Quels sont les opérateurs qui peuvent se lancer dans le cadre de cette activité industrielle militaire dont le cadre juridique est mis sur pied ?
Abdelhamid Harifi
: Ce que je sais, c’est qu’il y a des joint-ventures qui vont se faire avec des opérateurs issus de pays comme l’Indonésie, la Serbie, la Turquie ou la Belgique, en plus de nos grands alliés américains et français. En ce qui concerne les opérateurs marocains, il faut souligner qu’il y a des sociétés locales qui se sont lancées dans ce genre d’industrie. Il y a par exemple une société qui a déjà une alliance avec un opérateur sud-africain pour la fabrication de drones à usage civil et militaire.

Le texte juridique adopté parle de règles à respecter en matière d’exportation de produits industriels militaires. Est-ce que le développement de cette industrie peut permettre au Maroc de lorgner le marché africain dans ce sens ?
C’est l’élément le plus important. Depuis des années, le Marocain lambda se pose la question : pourquoi le Maroc n’a pas une industrie d’armement ? Il faut savoir que les pays qui se sont investis dans cette industrie et qui n’ont pas de débouchés à l’export ont vu leurs investissements couler. Parce que le coût d’investissement dans ce secteur est énorme. Souvent, le marché local ne permet pas d’absorber toute cette offre industrielle. Il faut donc chercher des débouchés à l’export. Le Maroc est engagé dans ce sens, à l’image du modèle turc. 
Il faut savoir également que l’aspect politique est le plus important dans le processus d’achat d’armements. Il y a certes l’aspect de l’étude du dossier technique, financier… mais à un certain moment, on va se dire : si j’achète chez tel pays qu’est-ce que cela va m’apporter de plus ? Est-ce qu’il va nous soutenir au sein des institutions internationales ? Pour les autres pays, c’est la même logique. 
Par ailleurs, pour le Maroc, le marché africain peut être un débouché pour cette potentielle production militaire en capitalisant sur ce qui a été fait à travers la présence politique, économique… dans le continent. On va capitaliser aussi sur notre soutien aux pays africains durant cette période Covid, puisqu’on a montré à nos amis africains qu’on était à leur côté durant les pires moments. Aussi, le Maroc a été le seul pays à avoir continué à desservir des destinations africaines pendant la crise Ebola. Donc on s’est montré comme un allié fort et qui peut apporter un vrai soutien à ces pays. C’est sur la base de ces points qu’on va partir pour trouver des clients pour notre future industrie. Parce que si on n’a pas de clients forts, tous ces projets risquent d’être voués à l’échec. Car le besoin national n’est pas énorme.

Mais est-ce qu’une telle production nationale ne va pas participer à réduire les coûts de l’armée marocaine ?
Il faut attendre pour voir. Logiquement, quand on développe localement, le coût est toujours inférieur à ce qui est proposé ailleurs. Et on a des exemples dans ce sens. Pour l’anecdote, le Maroc avait besoin d’un progiciel pour la centralisation de quelques données, surtout des radars. Les offres étrangères ont proposé un système selon un coût avoisinant les 10 millions d’euros. Des ingénieurs nationaux se sont manifestés pour dire que si on leur donnait la possibilité de le développer localement, ils pouvaient le faire. Ainsi, avec un coût de presque un million de dirhams, le même progiciel a été développé. Il est donc toujours profitable de développer localement. Mais quand il s’agit de projets où il y a beaucoup de technique et de recherche développement, si on n’arrive pas à trouver des débouchés à l’étranger, ce ne sera pas rentable. En fait, on ne cherche pas à avoir des produits marocains, mais juste être une plateforme pour exporter vers l’Afrique. Et ce dans un premier temps, pour arriver à terme, d’ici 15 ou 20 ans, à être de vrais producteurs d’armements. Car c’est un processus assez long. Si on analyse le modèle turc, on réalise qu’il remonte aux années 1980 pour aboutir à ce qu’il est aujourd’hui après 40 ans de travail.
 
Le cadre juridique est là, quand pensez-vous que les premiers opérateurs en industrie militaire vont démarrer ?
Pour le moment, il n’y pas encore de visibilité. Mais si on analyse ce qui se fait avec les Américains, les Serbes ou les Turcs, on pense qu’il y aura des projets qui peuvent aboutir à du concret d’ici deux à quatre ans. Mais dans l’immédiat, je ne pense pas qu’il y aura quelque chose à annoncer.

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