L’une des vertus de la pandémie de la Covid-19 est d’avoir révélé de profondes transformations dans la mentalité humaine ainsi que l’inacceptabilité de certaines situations (santé mentale, crise de l’éducation, situation des jeunes). Dans ce contexte, la dégradation de la santé mentale, la situation des jeunes et la crise éducative alertent sur la transformation des mentalités en cours et l’inadéquation, voire le retard, des politiques publiques en la matière. Ces conclusions ont été mises en avant par l’Institut Royal des études stratégiques (IRES) dans son dernier rapport, «Panorama du Maroc dans le monde», un document qui traite de la pandémie Covid-19 et de ses effets ainsi que des mesures à entreprendre à travers la problématique centrale choisie, «Vers un nouveau monde post-Covid-19 ?» (voir : www.lematin.ma).
Dans ce sens, le rapport souligne que la crise du coronavirus a peint un tableau sombre, sur le plan mondial, en révélant les fragilités humaines face au confinement et à l’incertitude, le manque de préparation des gouvernements face à de tels événements. La question qui se pose dès lors est celle de savoir «quelles sont les transformations de la société marocaine post-Covid».
En réponse à cette question, le document rappelle que les questions de la confiance et de la solidarité institutionnelles ont été placées au rang de principes fondateurs de la Constitution de 2011. Il relève ainsi que la crise sanitaire a mis en évidence la nécessité de renforcer ces aspects pour favoriser l’émergence d’une citoyenneté patriote, consciente des enjeux, fidèle à ses racines et tournée vers le progrès tant individuel que collectif. Il ajoute, dans ce cadre, que, face à la crise de la Covid-19, un regain de confiance institutionnelle a eu lieu, reflété par l’amélioration très positive de la réputation interne du Maroc en 2020.
«Au départ de la crise, conscient de sa responsabilité civique, le peuple marocain a adhéré aux stratégies de lutte contre la Covid-19, en dépit de leurs effets négatifs. Par la suite, le succès de la campagne de vaccination a contribué à consolider la confiance dans les institutions (...) La généralisation de la couverture sociale au profit de tous les Marocains, de manière progressive au cours des cinq prochaines années (2021-2025), est un chantier important, devant renforcer la solidarité institutionnelle et contribuer à la consolidation de la paix sociale», soulignent les rédacteurs du rapport. Et de conclure qu’il est désormais possible de cibler les leviers de transformation à mettre en œuvre pour un nouveau modèle de développement.
Dans cet esprit, le rapport stratégique de l’IRES appelle à «une nouvelle gouvernance» à assumer par l’État lui-même qui doit être un État puissant, éclairé, sujet de droit et, désormais, un « État du Care». Dans l’esprit des rédacteurs du rapport de l’IRES, l’État du Care est «une forme plus mature de l’État-Providence qui se distingue de celui-ci par son engagement moral et son mode d’action. Il ne se substitue pas à l’individu, mais l’accompagne, ne l’assiste pas, mais lui facilite les choses, ne l’asservit pas, mais le sert. C’est un État puissant, mais juste, rigoureux et transparent», est-il précisé dans le rapport.
S’agissant des priorités de la nouvelle gouvernance proposée, l’État du Care doit s’engager dans une gouvernance reposant sur quatre axes : la confiance, la vision, la décentralisation et la véracité de l’information. Selon l’IRES, la confiance constitue le ciment de ce nouveau contrat social. Pour la restaurer ou la renforcer, il est nécessaire de faire preuve d’une véritable gouvernance sociétale. Quant à la vision, le rapport indique qu’elle est un puissant outil de gouvernance lorsqu’elle infuse tous les services de l’État et incarne un réel engagement de la puissance publique. «La gouvernance stratégique permet de doter un organe interministériel ou parlementaire, par exemple, du pouvoir de vérification de l’adéquation des mesures gouvernementales ou législatives avec cette vision et d’en référer de la manière la plus transparente possible», estiment les rédacteurs du rapport stratégique. En matière de décentralisation, ils soulignent que la délégation des compétences doit permettre d’accélérer la mise en place d’une véritable gouvernance territoriale, qui s’est avérée l’un des meilleurs modes de gestion de crise durant la pandémie.
De même, le rapport insiste sur l’importance du respect des faits scientifiques prouvés en regrettant que l’avancée actuelle des technologies de l’information et de la communication et le libre accès de chacun aux réseaux sociaux aient rendu possibles de graves dérives en matière d’information (infodémie, fake news, fausses rumeurs...). Il est donc proposé que la gouvernance informationnelle agisse pour permettre de passer des accords avec les géants du web pour mettre en avant des sources vérifiées et vérifiables (comme cela a été le cas durant la pandémie) et d’organiser une veille commune pour repérer les fausses informations et publier un contenu y répondant. Ces propositions appellent également à élaborer et promouvoir un code de bonnes pratiques contre la désinformation, à l’instar de celui de l’Union européenne, et de vulgariser l’information scientifique et d’en assurer la diffusion.