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«La progression fulgurante des contaminations au coronavirus ne peut que mettre à mal tout système sanitaire quel qu’il soit»

Avec près de 10.000 cas quotidiens depuis une semaine, les contaminations au coronavirus au Maroc alimentent l’inquiétude des citoyens qui se posent de nombreuses questions. Dr Said El Kettani, médecin interniste libéral, livre à nos lecteurs son analyse de la situation.

«La progression fulgurante des contaminations au coronavirus  ne peut que mettre à mal tout système sanitaire quel qu’il soit»
Dr Said El Kettani

Le Matin : Depuis quelques jours, nous remarquons que le nombre de cas de personnes touchées par le coronavirus ainsi que le nombre de décès ont considérablement augmenté. Quelle analyse faites-vous de l’évolution des cas de personnes contaminées ?
Dr Said El Kettani
: Effectivement, les chiffres ont nettement augmenté. Je rappelle que, le 12 novembre 2020, le pic de 6.195 cas a été enregistré après une augmentation progressive et lente sur près de 16 semaines. Alors que le pic actuel de 9.428 cas enregistrés le 28 juillet 2021 a été obtenu après une progression rapide qui n’a pas dépassé 4 semaines. Donc, nous sommes en présence d’une dynamique évolutive très rapide dont nous ne pouvons pas préjuger de l’évolution dans les prochains jours (Figure 1).
Quant aux décès, certes ils ont augmenté. Mais nous devons les analyser en prenant compte le nombre total des malades. Le rapport entre ces 2 chiffres exprime le taux de létalité apparent. Je rappelle que le taux de létalité n’a pas cessé de baisser, ainsi il était de 16,7% le 11 mars 2020, il est passé à 3,84% le 30 avril 2020, le 31 mai 2020 il était à 2,63%, et depuis le 30 juin 2020, il est resté inférieur à 2%. Il continue de baisser, ainsi actuellement il est uniquement égal à 1,66%.

D’après vous, à quoi faut-il s’attendre ? Vers quoi s’achemine-t-on ?
Si la progression n’est pas stoppée, nous assisterons lors des semaines prochaines à une augmentation exponentielle, les chiffres seront multipliés par 6 à 10. La comparaison avec l’évolution en France montre que les dynamiques sont assez similaires.

À quel point cette nouvelle vague touche-t-elle les hôpitaux ? Est-ce qu’on court de nouveau le risque de saturation des hôpitaux ?
Les chiffres dont nous disposons concernent uniquement les cas sévères et ceux nécessitant une prise en charge respiratoire par intubation ou sous ventilation non invasive.
Le 30 juillet 2021, le nombre total des cas sévères était de 941 malades, alors qu’il n’était, le 24 juin 2021, que de 198. Il a donc été multiplié par 4,3. La même progression est notée au niveau des malades sous respiration artificielle qui sont passés respectivement de 109 à 552 soit avec un facteur multiplicateur de 4,78 fois. Cette progression fulgurante ne peut que mettre à mal tout système sanitaire quel qu’il soit, avec un effectif de personnels réduit et surmené !

Pensez-vous que les récentes restrictions sanitaires adoptées par le gouvernement sont suffisantes pour limiter la propagation du virus ? Croyez-vous qu’un confinement général soit envisageable ?
Le Sars-CoV-2 est tellement imprévisible. Les décideurs politiques dans tous les pays sont confrontés au dilemme entre «la dictature sanitaire» et le «bien-être socioéconomique». Je pense (je ne le souhaite pas) que si la situation s’aggrave nous serons obligés de repasser au confinement général dans les semaines à venir. Avec tout de même des conditions d’application plus pertinentes et mieux appliquées.

Comment peut-on expliquer que malgré la vaccination de près de 40% de la population cible, le virus touche un aussi grand nombre de personnes tous les jours ?
La population actuellement vaccinée est essentiellement composée de personnes âgées de 50 ans et plus. Alors que la population la plus contagieuse est celle active et non vaccinée qui n’a pas suffisamment respecté les mesures de protection. Le troisième facteur est le variant delta qui a multiplié le risque de transmission par 3 à 6. L’impact de l’ouverture des frontières est également un paramètre à ne pas occulter.

Combien de temps et quel taux de vaccination faudra-t-il pour atteindre une immunité collective ?
Pour atteindre une immunité collective prometteuse, il faudrait atteindre une couverture vaccinale de 80% de la population cible, c’est-à-dire les 18 ans et plus. Donc nous devons vacciner près de 20 millions de personnes. À noter qu’à la date du 30 juillet 2021 le nombre de Marocains ayant reçu 2 doses était de 10.111 985. Donc nous devons doubler ce chiffre dans les semaines ou mois prochains. Si nous vaccinons complètement 200.000 personnes par semaine nous devons attendre 50 semaines pour atteindre l’immunité collective. Donc nous devons au moins doubler cette cadence ainsi nous atteindrons l’immunité collective dans 25 semaines soit près de 6 mois !

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