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Tendances du marché dans le contexte de la crise sanitaire

Comme tous les secteurs, celui des ventes aux enchères a lui aussi été touché par la crise sanitaire. Les entreprises marocaines ont vu leur activité baisser et leur chiffre d’affaires sérieusement affecté.Au niveau international, des maisons comme Artcurial ou Christie’s ont perdu 20% de leur chiffre d’affaires en 2020. Afin de redresser la mise, certaines maisons de vente aux enchères ont rapidement basculé vers le mode virtuel. Elles ont ainsi multiplié les ventes online, les live auctions, les ventes via téléphone… Ces mesures ont répondu à la forte demande des habitués des salles de vente, mais aussi des nouveaux passionnés d’enchères. Plusieurs experts font le point sur la situation du marché des ventes aux enchères, les nouvelles tendances et les nouveaux profils détectés sur le marché.

Tendances du marché dans le contexte de la crise sanitaire

Questions à Chokri Bentaouit, fondateur et directeur général de la maison tangéroise de vente aux enchères Mazad et Art

«Nous sommes en train de travailler sur une nouvelle plateforme pour faire des ventes exclusivement en ligne»

Le Matin : Comment la Maison Mazad et Art a-t-elle vécu la période d’interdiction des rassemblements et manifestations à cause de la pandémie Covid-19 ?
Chokri Bentaouit
: C’était une année très difficile pour nous. Nous avons fait deux ventes en 2020 dont une dédiée exclusivement au Fonds Covid. La vente a été réalisée en juillet 2020 à Tanger avec toutes les mesures sanitaires requises et nous avons pu rassembler 1.025.000 DH. L’intégralité de cette somme a été versée en faveur du Fonds Covid.
Nous avons pu sauver la saison grâce à la vente qui a eu lieu à Marrakech en décembre dernier. C’était plus compliqué, car la vente a été faite exclusivement à huis clos respectant les dernières mesures restrictives prises par le Royaume.

Quelles solutions Mazad et Art a-t-elle trouvées pour s’adapter à cette situation ?
Pour parler de la dernière vente, nous l’avons réalisée grâce aux derniers moyens technologiques d’actualité : vente par internet, vente par téléphone et ordres d’achat par email.

Il faut noter que nous avons utilisé ces techniques avant même la crise Covid. Nous avons initié depuis longtemps des ventes duplex entre Paris et Casablanca. Et tout le monde se rappellera celle initiée entre Mazad et Art et la maison parisienne Millon et Millon où le record de prix d’une œuvre marocaine avait été battu par la toile «L’offrande» de Abbes Saladi.

À votre avis, les ventes virtuelles ou privées pourraient-elles être adoptées de manière permanente ?
Effectivement, nous sommes en train d’y œuvrer sérieusement. Nous travaillons actuellement sur une nouvelle plateforme pour faire des ventes exclusivement en ligne et des ventes en live, retransmises sur notre site web.
Ce sont des solutions technologiques qui nécessitent beaucoup de moyens et effectivement ces ventes virtuelles seront adoptées petit à petit de manière permanente.
Nous maintiendrons, bien sûr, les ventes traditionnelles en présentiel. Bien évidemment, tout dépendra de la situation sanitaire.

Est-ce que la situation actuelle a impacté le type d’articles mis en vente ?
La situation économique étant ce qu’elle est, les petits et moyens acheteurs ont quasi disparu de notre liste d’acquéreurs, il reste actuellement les œuvres importantes qui sont convoitées par les grandes institutions ou les grands collectionneurs.
J’espère que cette situation prendra fin rapidement, afin que notre éventail d’acheteurs redevienne ce qu’il était et peut-être même devenir plus important. 


Nouvelle vente de la CMOOA

La Compagnie marocaine des œuvres et objets d’art (CMOOA) poursuit son engagement pour rendre hommage aux artistes marocains. Le compte à rebours a commencé pour la vente aux enchères du samedi 10 avril. Cette manifestation rendra hommage à tous les artistes qui ont été à un moment ou un autre proches des idées et des engagements du «Groupe de Casablanca constitué de Farid Belkahia-Mohamed Melehi et Mohammed Chabâa» entre 1965 et 1978. Selon Hicham Daoudi, fondateur et gérant de la CMOOA, cette vente aborde aussi comment ces 3 protagonistes évolueront au-delà de leur séparation et dévoilera leurs travaux pour mieux cerner leurs évolutions. «Le site CMOOA.com sera opérationnel le 22 mars et offrira la possibilité de suivre la vente aux enchères et d’y participer en système Live auction», précise Hicham Daoudi sur sa page Facebook.


Entretien avec Olivier Berman, directeur Artcurial Maroc

«Le marché est favorable pour les ventes aux enchères. On pense que ça va s’accentuer en 2021 et 2022»

Le Matin : Comment la pandémie Covid-19 a-t-elle impacté les ventes aux enchères ?
Olivier Berman
: La demande des clients ne s’est jamais véritablement arrêtée jusqu’à aujourd’hui.
L’activité s’est maintenue avec une forte appétence et les clients étaient demandeurs.
Le marché est favorable pour les ventes aux enchères. On pense que ça va s’accentuer en 2021 et 2022 et qu’on se dirige vers une sortie de la crise.
La véritable problématique dans ce contexte sanitaire pour l’exercice de notre métier est qu’il a fallu développer de nouveaux circuits et adopter rapidement de nouvelles méthodes de travail. Le grand changement est surtout la façon d’accompagner humainement nos clients. Le marché a assez bien réussi à anticiper ce changement.

Vous avez parlé de nouvelles solutions, quelles sont les innovations qu’Artcurial a adoptées dans ces circonstances ?
On s’est beaucoup plus dirigé vers le digital. On a proposé à nos clients des expositions virtuelles où ils pouvaient visiter la vente sur ordinateur comme s’ils étaient dans la salle. Ils pouvaient cliquer sur le tableau pour l’agrandir, tourner autour…
Il faut dire que nos ventes sont en live depuis des années. Beaucoup de gens peuvent enchérir sur internet. Ce type d’enchères a augmenté d’environ 40%. Il y a aussi les enchères classiques par téléphone.

Est-ce que le profil de vos clients a changé durant la crise sanitaire ?
Oui, le profil des acheteurs a bien changé. Il faut savoir d’abord que ce profil varie selon les pièces proposées.
Les gens achètent ce qui les touche par rapport à leur génération. Mais le profil des acheteurs a rajeuni même si beaucoup de clients classiques se sont mis au digital.

Selon vous, les Marocains suivent-ils aussi cette tendance de ventes digitales ?
Cette réaction est internationale.

Je vous donne l’exemple de la session de ventes «Hiver marocain» organisée à huis clos le 30 décembre à la Mamounia. Nous avions 300 demandes au téléphone et les enchères sur le live aussi. Cette session est un véritable succès totalisant 34 millions de dirhams.

Comment expliquez-vous cette réussite malgré la crise sanitaire?
Le marché de l’art est mondial. Il y avait 17 ou 18 nationalités qui enchérissaient à la Mamounia. 
Il y a aussi un manque ce qui provoque cette appétence. Les gens n’ont pas pu sortir… Il y a aussi de l’argent qui est disponible.
Mondialement, toutes les ventes aux enchères ont réussi.

Vous programmez une autre vente au Maroc. Vous êtes aussi optimiste...
La prochaine vente est prévue le 23 mai après le mois du Ramadan. Nous sommes une jeune maison qui existe depuis 20 ans et qui est toujours optimiste, mais tous les indicateurs sont favorables. Quand on présente des objets de qualité et que la sélection a été bien faite avec des prix d’estimation attractifs, les ventes fonctionnent. 


Tendances internationales

UBS et Art Basel ont publié récemment le cinquième rapport sur le marché mondial de l’art en 2020.
Cette analyse macro-économique décortique l’impact de la pandémie Covid-19 sur le marché et identifie les principales tendances qui le façonneront en 2021 et même après. Rédigé par l’économiste culturelle Clare McAndrew, le rapport intègre une enquête récente menée par Arts Economics et UBS Investor Watch auprès de 2.569 collectionneurs fortunés sur dix marchés : Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie, Hong Kong, Taïwan, Singapour, le Mexique et la Chine continentale.

Intérêt accru pendant la crise sanitaire

66% des collecteurs interrogés estimaient que la pandémie avait accru leur intérêt pour collectionner de l’art, 32% ont indiqué qu’elle l’avait fait de façon significative. Les collectionneurs fortunés seront actifs sur le marché en 2021 et la majorité (57%) continuera d’acheter des œuvres pour leurs collections.

Les participants à l’enquête

UBS propose des conseils et des solutions financières à des clients fortunés, aux clients institutionnels et aux entreprises du monde entier, ainsi qu’aux clients privés en Suisse. S’agissant de Arts Economics, c’est un cabinet d’étude et de conseil axé exclusivement sur le marché des beaux-arts et des arts décoratifs au service de la clientèle privée et institutionnelle. Il a été fondé en 2005 par Clare McAndrew, économiste culturelle, spécialisée dans le marché des œuvres d’art, des antiquités et des objets de collection.
Pour sa part, Art Basel a été fondé en 1970 par des galeristes de Bâle et est présent à Bâle, Miami Beach et Hong Kong. Art Basel est fort présent sur la scène mondiale des grands salons d’art moderne et contemporain internationaux.

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Ventes mondiales et principaux marchés

Les ventes mondiales d’art et d’antiquités ont atteint environ 50,1 milliards de dollars en 2020, en baisse de 22% par rapport à 2019, mais toujours au-dessus du creux de la récession de 2009, lorsque les ventes avaient chuté de 36% pour s’établir à 39,5 milliards de dollars. Le marché américain a conservé sa position de leader, avec une part de 42% des valeurs de ventes mondiales, avec la Grande Chine et le Royaume-Uni à égalité à 20%. Toutefois, la Grande Chine a dépassé les États-Unis pour devenir le plus grand marché aux enchères publiques, avec une part de 36% des ventes en valeur.

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Les ventes en ligne ont le vent en poupe

Malgré la contraction globale des ventes, les opérations en ligne globales ont atteint un niveau record de 12,4 milliards de dollars, doublant en valeur par rapport à 2019. La part des ventes en ligne est également passée de 9% du chiffre d’affaires total en valeur en 2019 à 25% en 2020, et notamment c’est la première fois que la part du commerce électronique sur le marché de l’art a dépassé celle du commerce de détail général.

 


Déclarations

Christl Novakovic, PDG d’UBS Europe SE, Head Wealth Management Europe et présidente de l’UBS Art Board

«L’année 2020 a marqué un tournant pour l’innovation numérique sur le marché de l’art. Le passage aux plateformes en ligne a permis de collectionner de l’art, d’assurer une transparence accrue et de renforcer le marché, même lorsque les blocages nationaux ont forcé la fermeture de galeries, des maisons de vente aux enchères et de musées. La pandémie a prouvé que nous avons besoin d’art pour élever notre regard au-dessus des difficultés, pour exprimer nos points de vue et nos émotions, et pour trouver de la légèreté dans les moments difficiles. Les collectionneurs sont restés passionnément engagés dans les moments les plus difficiles et se sont consacrés à la collection de l’art avec un but clair et un plan à long terme.»

Clare McAndrew, fondatrice d’Arts Economics

«Le marché de l’art a été particulièrement bien placé pour souffrir des réalités de la pandémie Covid-19 en 2020, car il est peuplé principalement de petites entreprises qui dépendent d’achats discrets, de voyages et de contacts personnels. La baisse des ventes était inévitable. Mais la crise a également donné l’impulsion au changement et à la restructuration. Le changement le plus fondamental étant le déploiement des stratégies numériques et des ventes en ligne, qui étaient jusqu’à présent à la traîne par rapport à d’autres industries. Le commerce de l’art a fait preuve d’une résilience incroyable dans la façon dont il s’est adapté à certaines des nouvelles réalités, et bien que les entreprises cherchent à trouver comment équilibrer le nouveau marché plus en ligne avec l’expérience personnelle des événements et l’excitation des ventes hors ligne, peu voient ces changements comme transitoires. L’un des impacts les plus inquiétants de la pandémie sera ses effets sur l’emploi et ces retombées économiques qui vont s’étendre jusqu’en 2021.»

Noah Horowitz, directeur Amériques, Art Basel

«Les conclusions du dernier rapport annuel de Clare McAndrew sont critiques, non seulement en termes de perspectives qu’ils fournissent dans l’une des années les plus inhabituelles et difficiles que le marché mondial de l’art ait jamais endurées, mais aussi en ce qu’ils laissent présager pour l’avenir de notre industrie. Alors que le marché s’était fortement contracté dans tous les secteurs en 2020, avec des baisses de valeur et de volume des ventes tant pour les marchands que pour les maisons de vente aux enchères, l’intérêt résilient pour collectionner de l’art tout au long de tout cela a été profond, car l’année a également marqué une période transformatrice d’innovation, de restructuration et de nouveaux comportements des consommateurs, en particulier en ligne, qui ont tout le potentiel de redéfinir considérablement l’avenir de l’industrie de l’art.»

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