Une grande quantité des déchets industriels continue d’être jetée dans la nature devant une impunité totale.

L’exposition chronique aux polychlorobiphényles (PCB), qui sont des produits dangereux, peut causer des cancers et d’autres effets sanitaires néfastes tels que l’apparition d’acnés chlorés et l’affaiblissement des systèmes immunitaire, endocrinien et reproducteur. Ces produits toxiques, non biodégradables et persistants dans l’environnement s’accumulent tout au long de la chaîne alimentaire et se retrouvent dans tous les milieux : sol, air, eau et sédiments.

Face à l’impact de l’environnement sur la santé, l’opinion publique s’inquiète. «Lors des consultations pour la période post-2015 des Objectifs du Millénaire de développement (OMD), il a constaté que la société civile demande davantage de transparence dans les systèmes de production des entreprises», a indiqué Ayshanie Medagangoda-Labe, représentante résidente adjointe du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), lors de la cérémonie de remise dernièrement à Rabat des trophées aux entreprises partenaires du Programme PCB, ayant participé à la première opération d’élimination des appareils et déchets contaminés par ces matières dangereuses. La deuxième phase de ce programme débutera fin 2013. Les sociétés équipées d’appareils doivent se signaler pour bénéficier de ce programme. La démarche est volontaire, mais elle deviendra obligatoire après la publication des décrets d’application.

Le programme PCB au Maroc est une initiative unique en Afrique et dans la région arabe. Il est accompagné financièrement par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Ce programme national concerne la gestion et l’élimination sécurisées des appareils et déchets contenant ou contaminés aux PCB autrefois utilisés comme fluide diélectrique dans les appareils électriques (transformateurs, condensateurs, régulateurs, etc.) «Il faut encourager les sociétés engagées dans la gestion sécurisée des PCB tout renforçant la formation dans ce domaine», a indiqué Jaime Moll De Alba Cabot, représentant de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) au Maroc.

Depuis plusieurs années, les polluants organiques persistants (POP), dont les PCB, ont retenu l’attention des scientifiques et des organisations internationales. C’est pour cette raison que la communauté internationale a adopté, en 2001 à Stockholm, un accord visant l’élimination progressive de la production, du commerce et l’utilisation des POP en général. Il s’agit de la Convention de Stockholm sur les POP. «Le Programme PCB en cours de réalisation depuis 2010 au Maroc, vise la mise en place d’un cadre réglementaire de gestion des PCB, le renforcement des capacités nationales en matière de gestion écologiquement rationnelle des PCB et l’élimination sécurisée, à l’horizon 2014 de l’ensemble des appareils contenant ou contaminés aux PCB inventoriés au niveau national», a souligné Fouad Douiri, ministre de l’Énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement. Ce programme a réalisé plusieurs activités, dont la première opération de collecte et d’élimination des appareils PCB au Maroc. Cette opération a permis l’évacuation de 60 sites concernés et l’élimination sécurisée de 996 appareils d’un poids total de 600 tonnes appartenant à 19 institutions : offices, administrations publiques, sociétés privées, facultés et hôpitaux. D’autres activités sont programmées pour la période 2013-2014 comme notamment l’adoption d’un cadre réglementaire sur la gestion sécurisée des PCB, la collecte, l’évaluation et l’exportation de tous les appareils à PCB hors service ainsi que la mise en place et l’exploitation d’une unité locale de traitement des appareils en service contaminés au PCB.

Si l’effort des pouvoirs publics en matière d’élimination de ces produits dangereux est à saluer, il faut aussi dénoncer en même temps le silence entretenu sur les déchets industriels. De grandes quantités de déchets (solides et liquides) générées par des usines, des laboratoires pharmaceutiques, des hôpitaux continuent d’être déversées dans la nature devant une totale impunité. Sous d’autres cieux, la pollution industrielle est passible de lourdes peines voire de la peine de mort comme cela a été décrété dernièrement en Chine.
Selon des chiffres officiels, l’industrie marocaine produit environ 1,5 million de tonnes par an de déchets industriels dont 256 000 tonnes sont des déchets dangereux. Ces déchets sont très souvent éliminés dans des décharges sauvages ou encore dans des points noirs et dans les cours d’eau sans aucun traitement ni contrôle.
Pour le traitement des déchets spéciaux, un Centre national d’élimination des déchets spéciaux (CNEDS) devait être créé, mais ce dernier est tombé dans l’oubli.

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Questions à : Driss Zakarya, spécialiste en gestion des déchets et professeur à la Faculté des sciences et techniques de Mohammedia

«Lancement d’une étude sur les pesticides dans les aliments»

Pour des spécialistes, les polychlorobiphényles (PCB) ont accompagné l’industrie et l’habitat. Et par conséquent, ces produits sont les «cousins» de l’amiante. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Une rétrospective de l’histoire de l’humanité montre que cette dernière n’a cessé le long de son évolution de chercher à améliorer son cadre de vie. Quelques exemples illustrent cet état des faits : la manipulation des métaux a permis de créer des outils (fer, cuivre, etc.), de faire de la photographie (argent) de faire des radioscopies (cobalt), etc. Tous ces métaux ont servi, mais revers de la médaille, sont néfastes à la santé, sous certaines formes et dans certaines conditions. L’amiante comme le DDT (dichloro-diphenyl-trichloroethane), un pesticide, ont servi leurs époques respectives, mais on leur a découvert des faces sombres, car tous deux sont cancérigènes.
Les PCB suivent cette logique, ils sont été mis au point pour servir comme fluides caloporteurs et diélectriques, en plus de nombreuses autres applications (plastifiants). On leur a découvert le même impact sur l’Homme. Ils sont «cousins» de l’amiante sur le plan de l’effet final, mais pas selon les mêmes mécanismes.

Selon des études, les PCB tendent à s’accumuler dans l’organisme via la consommation de produits d’origine animale : produits de la pêche, viande et produits laitiers. Quels sont les moyens de prévention à adopter avant de consommer ces produits ?
C’est un fait, que les PCB s’accumulent dans les organismes vivants, car leurs propriétés physico-chimiques le leur permettent. On les trouvera concentrés dans les masses grasses, car ils sont lipophiles. J’en déduirais qu’il faut éviter (par précaution) de consommer la partie grasse.
Cependant, les PCB sont véhiculés dans la nature, accrochés à des particules solides. De ce fait, il faudrait laver les produits consommés.
Je me permets d’élargir la réponse en préconisant de les éliminer de l’environnement où ils sont, de confiner les sources de pollution et d’avertir le maximum de populations à l’égard de leurs nuisances.

La biosurveillance humaine permet de surveiller la présence, dans l’organisme, des substances chimiques de notre environnement ou de leurs produits de dégradation. Existe-t-il au Maroc une politique dans ce domaine ?
C’est une question des plus difficiles à y répondre, tant l’information n’est pas toujours affichée et connue pour juger d’une telle politique même si elle existe. Cependant, la problématique n’est pas ignorée. J’en juge par le souci de l’Office national d’électricité (ONE), branche Eau, à analyser les pesticides et les PCB dans l’eau et leur traque à travers des études poussées (région du Gharb par exemple). En ce moment, l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) a lancé une étude pour l’analyse de pesticides dans les aliments. Ces deux exemples montrent, je pense, qu’il existe un intérêt à la problématique, mais à ma connaissance, je n’ai pas d’idée d’une stratégie concertée entre les différentes parties prenantes dans la gestion de l’environnement, si ce n’est dans le cadre de la stratégie en cours de gestation au département de l’Environnement.