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«Le processus de réformes a considérablement avancé»

Dans cet entretien, le président du Conseil national des droits de l’Homme, Driss El Yazami met en avant l’évolution des réformes. Il tient aussi à préciser les défis qui restent à relever.

«Le processus de réformes a considérablement avancé»

Le Matin : Comment évaluez-vous l’évolution de la situation des droits de l’Homme actuellement au Maroc ?
Driss El Yazami : Je crois pouvoir dire que nous avons collectivement marqué des avancées significatives, de manière graduelle, souvent bien avant des pays comparables.
Des premières mesures adoptées au début des années 1990 à la réforme constitutionnelle de juillet 2011, en passant par la réforme de la Moudawana, la reconnaissance de la diversité et du pluralisme avec la création de l’IRCAM, l’IER, le rapport du cinquantenaire, le processus de réformes a considérablement avancé et la nouvelle Constitution, véritable manifeste des libertés fondamentales, a couronné cette dynamique multiple.
Mais je préfère toujours voir ce qui reste à faire et nous avons encore beaucoup à entreprendre pour faire de la jouissance des droits une réalité pour toutes et tous, dans leur vie quotidienne.
Le CNDH s’apprête par exemple à rendre publics deux rapports d’enquête sur la situation des prisons et des hôpitaux psychiatriques et je peux, d’ores et déjà, vous dire que la situation est alarmante. Prenons aussi l’exemple du débat en cours sur la justice : les débats internes et publics révèlent déjà, encore une fois est-on tenté de dire, l’ampleur des problèmes et l’effort gigantesque qu’il faudra faire.

La Constitution a accordé une grande importance aux droits de l’Homme. Quelles sont selon vous les priorités sur le plan législatif ?
C’est au gouvernement et au Parlement, conformément à leurs pouvoirs constitutionnels, significativement renforcés, de fixer cet agenda. Mais il me paraît souhaitable, voire urgent et nécessaire, que cet agenda soit déterminé et rendu public et que les projets de loi fassent l’objet de larges concertations, en sollicitant, chaque fois que c’est pertinent, l’avis des instances constitutionnelles spécialisées, comme le CNDH, l’ICPC… C’est d’ailleurs en grande partie déjà le cas. Nous avons été ainsi sollicités pour donner notre point de vue sur le Conseil national de la presse, le projet sur les garanties données aux militaires, etc.
En tout état de cause, le CNDH entend contribuer à ce débat public et pluraliste sur toutes les lois en matière de droits de l’Homme et de démocratie participative, en menant les études nécessaires, en alimentant la délibération citoyenne et en proposant ses avis tant au gouvernement qu’à l’institution parlementaire.


Le passage du Conseil consultatif des droits de l’Homme (CCDH) au Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) constitue une étape très avancée dans le processus institutionnel au Maroc. Quel bilan faites-vous de cette expérience ?
L’élément essentiel du bilan a trait aux 13 Commissions régionales que le Maroc est, à ma connaissance, le deuxième pays au monde à mettre en place ; il n’y a donc pas de référentiel international en la matière.
Les Commissions ont été toutes installées et équipées, ont commencé à fonctionner comme de véritables mécanismes de recours pour nos compatriotes et expérimentent de manière concrète et au jour le jour ce que peut signifier la protection des droits, au plus près du terrain. Il y a déjà un patrimoine d’expériences que nous avons commencé à évaluer pour en améliorer l’efficacité et la cohérence. Ainsi, il apparaît déjà que nous sommes, au niveau régional (comme au niveau national d’ailleurs) destinataires de plaintes et de doléances qui ne relèvent pas nécessairement de nos prérogatives. Ce qui révèle, me semble-t-il, plusieurs choses telles que les dysfonctionnements de la justice, la rareté des mécanismes de recours de proximité, la faiblesse de certains acteurs dont le rôle premier est en principe l’intermédiation entre l’État et le citoyen… Mais cela révèle aussi le niveau de conscience de nos compatriotes qui estiment à juste titre qu’ils ont «droit aux droits» et qui n’hésitent plus à le revendiquer. Ces Commissions ont aussi joué un rôle appréciable dans certains conflits ou tensions sociales qui auraient pu dégénérer et aboutir à des violations encore plus marquées des droits de l’Homme. Nos commissions sont ainsi rapidement devenues des «maisons des droits de l’Homme» où la société vient exiger d’être entendue. Certains de nos compatriotes repartent parfois satisfaits, même si nous ne réglons pas le problème à l’origine de leur souffrance. Considérant la montée probable des mouvements revendicatifs, cette situation soulève aussi un défi collectif important : la nécessité de renforcer toutes les autres instances de médiation entre l’État et la société.

Le Maroc dispose de plusieurs institutions des droits de l’Homme. En quoi cette multitude institutionnelle contribue-t-elle au développement du secteur ?
En vertu de la nouvelle Constitution, ce dispositif va d’ailleurs se renforcer, avec l’émergence de nouvelles institutions comme l’Autorité pour la parité ou l’institution chargée de garantir le droit d’accès à l’information. Et nous serons peut-être amenés à mettre en place, en raison de nos engagements internationaux, des instances supplémentaires comme le mécanisme de prévention de la torture ou le mécanisme de recours pour les enfants. Cette multiplication est en soi une bonne chose puisqu’elle élargit le cercle des acteurs chargés de la protection et de la promotion des droits humains. Elle est aussi incontournable. Mais elle soulève deux problématiques.

La première est de veiller à la cohérence globale du dispositif, d’éviter le chevauchement des compétences, la duplication des actions et d’assurer la mutualisation des moyens et des bonnes pratiques. La seconde est de veiller à la dimension régionale et locale. Ce dispositif national de protection des droits et de démocratie participative doit avoir des prolongements au niveau territorial, des interactions avec des mécanismes et des instances à imaginer à ce niveau. Je rappelle, à titre d’illustration, que le rapport de la Commission sur la régionalisation avancée a fait plusieurs propositions en matière de démocratie participative.

Quels sont les chantiers en cours pour consolider les acquis en matière de droits de l’Homme ?
Il y a deux chantiers qui nous semblent au CNDH essentiels et que nous avons inscrits dans notre projet stratégique : la mise en œuvre du Plan national d’action pour la démocratie et les droits de l’Homme et de la Plateforme citoyenne pour l’éducation aux droits de l’Homme. Ces deux outils ont justement pour objectif central de renforcer la cohérence globale des politiques en matière de droits humains, et ont été tous les deux élaborés à travers un vaste processus participatif. Leur mise en œuvre effective constitue la priorité du deuxième semestre 2012 et je crois pouvoir dire que c’est aussi la volonté du gouvernement.

 

 

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