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«Une crise ne doit pas nous amener à revenir sur nos priorités»

Interview • Salaheddine Mezouar, Ministre de l'Economie et des Finances.

«Une crise ne doit pas nous amener à revenir sur nos priorités»
LE MATIN-ÉCO : Votre agenda doit être très chargé ces derniers jours, particulièrement dans le cadre des débats au Parlement sur la Loi de finances 2009. Globalement, comment s'annoncent les débats budgétaires cette année au niveau de la Commission des finances?

Salaheddine Mezouar:
Globalement, je pense que tout se passe bien. La discussion générale a été très riche. Les membres de la commission se sont penchés sur les liens entre la loi et les dimensions régionale, locale et politique. Il y a tout un travail qui se fait sur la définition de la région, ses structures et ses ressources financières. Toutes ces questions ne sont pas encore tranchées. C'est d'ailleurs l'un des grands chantiers ouverts pour l'année 2009. Il y a aussi un autre élément qui revient avec insistance dans le débat et qui traite les répercussions éventuelles de la crise internationale sur le Maroc.

Estimez-vous que le projet du budget 2009 répond suffisamment aux exigences de ce contexte de crise?

Dans un contexte de crise, c'est sa gestion qui importe le plus. C'est une situation qui évolue en permanence. On ne peut pas aborder cette question en disant que le dispositif a prévu ou n'a pas prévu tel ou tel dispositif. Ce qui importe le plus, c'est de savoir quelle a été notre approche en relation avec l'actualité, les attentes des citoyens et les exigences de la situation. Le gouvernement a eu une approche volontariste dans un contexte difficile mais empreint de réalisme. Nous considérons qu'il existe un certain nombre de dimensions liées à l'environnement international qui devraient être intégrées. Dans une situation pareille, il faut faire des choix. Une crise ne doit pas nous amener à revenir sur nos priorités et sur ce qui a constitué le fondement de cette formidable dynamique de croissance et de mouvement que le Maroc est en train de vivre. Quand on analyse la structure de l'économie marocaine, on se rend compte que la croissance, ces dernières années, a été tirée par la demande interne. Nous avons fait le choix de booster la demande intérieure à travers deux mécanismes importants. D'un côté, l'investissement public en affectant 135 milliards DH (un montant dont on ne rêvait même pas il y a quelques années). C'est un message de confiance vis-à-vis de l'international. De l'autre côté, en agissant sur le pouvoir d'achat des citoyens. Nous avons mis à ce titre 40 milliards DH (augmentation des salaires, baisse de l'Impôt sur le revenu, maintien de la Caisse de compensation).
En investissant massivement ou en augmentant le pouvoir d'achat, on fait en sorte que la demande interne se maintienne ainsi que tous ceux qui vivent autour de cette demande. Le plombier, l'électricien, le menuisier, l'épicier, le commerçant…tout ce monde doit continuer à générer des revenus en permanence. Pour pouvoir maintenir la dynamique de la consommation, on a donc agi sur les deux composantes fondamentales de notre demande intérieure. Ensuite, on a voulu donner encore plus de visibilité sectorielle en diversifiant les sources de la croissance. Beaucoup de projets d'ores et déjà lancés commencent à produire leurs effets (tourisme, plan ‘'Emergence'', artisanat, commerce intérieur). Nous avons apporté trois nouveaux projets importants et prioritaires pour le pays (Plan vert pour l'agriculture, l'énergie et l'eau).

Le fait que la croissance soit tirée par la demande interne n'empêche pas les secteurs exposés à la demande extérieure (tourisme, IDE, export) de produire des effets inverses sous l'effet de la crise économique internationale. L'un des reproches adressés à votre projet, c'est de ne pas tenir compte de cette évidence…

Nous avons bien intégré la dimension des impacts possibles de la crise internationale sur notre économie, tout en maintenant le cap de nos choix. On a fait le choix de poursuivre la diversification de notre économie malgré ce contexte. On a fait également le choix de donner une impulsion trop forte aux nouveaux secteurs (agriculture, énergie, eau). Nous avons agi sur la composante PME en relation avec les exportations. Quand on a élaboré les premiers scénarios de la Loi de finances en juin, il n'y avait manifestement pas encore de crise avec l'ampleur qu'elle connaît aujourd'hui. On avait construit les prévisions sur la base d'une croissance de PIB de l'ordre de 6%. En juillet, je me suis dit que le Maroc peut encore avoir d'autres ambitions plus importantes, en donnant des impulsions aux nouveaux secteurs et à l'investissement. A ce moment-là, on s'est dit qu'il faudrait tabler sur une croissance entre 6,8 et 7%. Mais dès que la crise est apparue en septembre, on a revu naturellement les calculs d'impact sur certains secteurs exposés ou sensibles. On a fait nos scénarios. Le scénario établi par le FMI a évalué l'impact sur le taux de croissance de l'économie marocaine à 0,2 points. Dans notre scénario, on a baissé d'un point le taux de croissance en révisant nos prévisions de 6,8 à 5,8% (un point, c'est beaucoup d'argent). On a introduit en même temps de nouveaux éléments. C'est le cas du Fonds de soutien à l'exportation qui n'existait pas dans la ‘'copie de départ''. Dans le domaine de l'habitat, on a introduit 3.700 hectares de foncier public pour booster l'offre adressée à la classe moyenne et au logement social. Tout cela n'existait pas initialement dans le projet de Loi de finances. On a également introduit un certain nombre de dispositions douanières pour baisser le coût des intrants, particulièrement pour les PME, afin qu'elles puissent maintenir leur capacité compétitive à l'export. Puis, nous sommes en train de travailler sur des mécanismes de garantie à même de permettre aux PME de disposer des ressources nécessaires. On a également augmenté le budget de promotion du tourisme. Nous avons donc agi en intégrant les effets induits sur la demande adressée au Maroc au niveau des secteurs concernés. Quand on a dit que le Maroc n'est pas touché par la crise, j'ai l'impression que soit qu'on a mal expliqué la situation, soit que le message n'a pas été bien reçu…

Ou le message n'a pas été bien articulé…
Effectivement. Notre système financier n'est pas touché par la crise financière. C'est un grand acquis qui nous permet de partir avec un point fort que beaucoup de pays sous-estiment. Dans la majorité des pays, les systèmes financiers ont été perturbés, un problème de confiance s'est produit entre les banques. L'argent ne circule pas comme il faut. Le Maroc n'a pas été touché par ce problème…

Grâce peut-être au retard qu'on a pris en termes d'ouverture et de sophistication des produits financiers…

Peut-être, mais je pense que la gestion prudente de l'ouverture du système financier a été, en définitive, payante dans ce contexte. Tant mieux pour nous. Il est vrai que l'ambition générale était d'accélérer le rythme d'ouverture de notre système financier. Il se trouve qu'à ce moment précis, cela a été une chance pour nous. C'est important de dire qu'on n'est pas touché. On n'est pas en train de raconter des histoires. On est en train de dire une vérité avantageuse pour le Maroc et il fallait bien la faire ressortir. Maintenant, cette crise financière internationale s'est transformée en crise économique potentielle. C'est une autre paire de manches. Dans notre raisonnement, on a intégré cette dimension en révisant notre croissance d'un point et en tenant compte des éléments que nous jugeons opportuns pour donner suffisamment de confiance aux acteurs économiques et pour continuer à se battre. On a maintenu quand même un taux de croissance de 5,8%. C'est un message fort aux investisseurs nationaux et internationaux. Les IDE cherchent les pays où il y a de la stabilité économique et de la croissance. C'est la nature même de l'argent et de l'acte d'investir. Le Maroc fera certainement partie de ces pays qu'on regardera avec beaucoup plus d'attention. Ces messages que nous transmettons ne sont pas neutres. Ils traduisent bien une réalité, mais il ne suffit pas de la traduire, il faut la vendre.

Entre les différents pans du gouvernement, on a l'impression qu'on est face à une communication cacophonique. N'y a-t-il pas lieu, politiquement, de vendre cette vision avec le même label ?

En termes de communication économique, le département le mieux placé, compte tenu des sources d'information dont il dispose et de la vision d'ensemble qui est la sienne, c'est bien naturellement le département de l'Economie et des Finances. Porter un discours suppose avoir les éléments tangibles. Tout ce que nous avons fait jusqu'à présent, on l'a fait avec des démonstrations. Nous sommes sérieux, crédibles et nous voulons rester crédibles. Au niveau du gouvernement des attitudes contraires à la nôtre. La responsabilité du ministre de l'Economie et des Finances consiste à donner la démonstration de ce qui peut être fait et de ce qui ne peut pas l'être. Personne ne peut vous dire quels sont les effets réels de la crise internationale et pour combien de temps elle va durer. Les analyses disent que le premier semestre 2009 sera difficile et que la croissance reviendra au deuxième semestre. Les différents gouvernements interviennent d'une manière massive. Le système financier international retrouve une certaine confiance. C'est sûr que l'économie mondiale va connaître des mutations. Le plus important, c'est que nos choix soient clairs. La pire des erreurs à commettre, c'est d'aller dans le sens du repli sur soi. Une crise, ça se gère au quotidien. Au niveau du ministère, une cellule de veille suit au jour le jour l'évolution des choses. Nous sommes en train de réfléchir sur différents scénarios, même les plus extrêmes. De toutes les manières, nous allons faire face aux différentes situations qui peuvent se présenter. Je vous rappelle aussi qu'au niveau du gouvernement, une cellule de veille regroupant les différents départements se penche également sur cette question.

Le mot «rupture» revient souvent dans votre discours. Mise à part la nouvelle approche des privatisations, quelles sont, selon vous, les manifestations de cette rupture budgétaire, sachant que le projet de Loi de finances 2009 s'attache encore au respect des équilibres fondamentaux ?

Si vous observez ce qui se passe dans le monde, le discours sur les équilibres revient avec force. Les économies les plus développées commencent à poser la question : pourquoi sommes-nous obligés de maintenir les équilibres dans ce contexte difficile? Mon raisonnent est différent. Aujourd'hui, face à ce climat d'incertitude économique, pour un pays comme le Maroc, il faut qu'il préserve ses équilibres. J'ai veillé à ce que les équilibres soient maintenus dans la Loi de finances 2009, mais cela ne suffit pas pour créer la différentiation et la dynamique de la croissance. Il faut donc avoir des stratégies claires. Dans ce sens, la rupture intervient au niveau des secteurs sociaux. Car il fallait fixer des priorités et agir d'une manière soft. Pour ne pas disperser nos ressources, on doit agir sur deux ou trois secteurs extrêmement sensibles pour la vie des citoyens. On a mis le paquet sur l'éducation. Jamais dans l'histoire du Maroc les dépenses d'éducation n'ont connu une augmentation aussi importante (+23% à 8,6 milliards DH). C'est une véritable rupture dans la dynamique de réforme de ce secteur qui constitue l'enjeu central de l'avenir du pays. La même démarche a été adoptée au niveau de la santé, particulièrement dans le monde rural. Là aussi il y a eu une augmentation de 21%, alors que ce secteur connaissait une croissance moyenne de 7% par an. L'objectif, c'est d'attaquer les foyers de fragilité, notamment dans le monde rural dont le budget (à travers les différents départements) a augmenté de 38%. De 11,8 milliards en 2008, le budget alloué au monde rural en 2009 passera à 16,6 milliards DH. Ensuite, viennent d'autres aspects, notamment le logement social et l'habitat réservé à la classe moyenne. Pour la première fois, il va y avoir une offre spécifique pour la classe moyenne avec un système de garantie des crédits…

Justement, comment avez-vous abordé cette notion de «classe moyenne» et en quoi consiste l'offre de logements qui lui été réservée?

Quand on a fait des analyses de sensibilité par rapport aux revenus et aux capacités de production, on a vu que l'offre de logements de la classe moyenne doit se situer dans une fourchette allant de 400 mille à 900 mille DH. Au niveau du marché, on constate une très forte demande face à une offre qui se fait rare sur ce segment. Lorsqu'une une personne dotée d'un revenu entre 10 à 15 mille DH cherche à acheter un logement, soit qu'il achète un logement social, soit qu'il lui faut se débrouiller pour aller acheter un appartement d'un ou deux millions DH . A travers le mécanisme du foncier public, nous voulons aider les promoteurs à orienter leurs projets vers ce créneau. En plus, à l'image de l'expérience du Fogarim, on a accompagné cette offre avec un système de garantie de manière à ce que les gens puissent accéder aisément aux crédits et à des taux probablement un peu plus faibles.

L'optimisme que vous affichez à travers l'objectif d'un taux de croissance de 5,8% n'est-il pas lié aux marges de manœuvres permises doublement par le projet de Loi de finances (d'une part, vous tablez sur une moyenne de 100 dollars le baril en 2009, alors que les cours ont baissé ces derniers jours sous les 60 dollars. D'autre part, votre projet table sur une évolution des recettes, notamment fiscales, nettement inférieure à celle enregistrée cette année?

C'est vrai qu'il existe deux éléments encourageants dans ce projet. C'est bien de stimuler la croissance sans endettement. On le fait sans devoir recourir ni à un endettement massif ni à un système de privatisation massive. On le fait avec les ressources dont nous disposons. L'augmentation des recettes fiscales fait avancer un certain nombre de réformes. On a entamé la réforme de l'Impôt sur le revenu parce qu'on a la possibilité de le faire sans recourir à une quelconque aide ou à un quelconque endettement. C'est aussi grâce à la croissance qui, elle-même, génère les ressources. J'ai toujours été un fervent défenseur de l'idée de maintenir une croissance forte. Si nous avons des recettes qui nous permettent d'engager des politiques, c'est grâce à la dynamique d'ensemble. Ce n'est donc pas un optimisme béat. C'est plutôt un optimisme lié à des réalités vécues et à une dynamique que le Maroc est en train de vivre. Ma responsabilité en tant que ministre de l'Economie et des Finances, c'est de tirer cette dynamique encore plus vers le haut.
Concernant les prix des matières premières, c'est vrai que les prévisions établies à l'international restent disparates. Pour le pétrole, certains parlent d'une fourchette allant de 60 à 120 dollars le baril. D'autres prévoient des variations de 80 à 140 dollars. Cela veut dire que personne ne maîtrise les prix. Si on reste dans une logique d'offre et de demande, le baril devrait rester à moins de 80 dollars. Mais si les fonds spéculatifs reviennent sur le marché, on peut se retrouver à 120 ou à 130 dollars comme on l'a vécu cette année. Le projet de Loi de finances a été construit sur la base d'une moyenne de 100 dollars le baril. Autrement dit, si les prix augmentent, on est couvert sur le plan budgétaire. Mais au cas où les prix baisseraient, cela créera plus de ressources et moins d'endettement ou de déficit budgétaire. Nous avons préféré être prudents sur le baril du pétrole et sur le gaz, chose qui nous permet d'éviter l'expérience qu'on a vécue en 2008 lorsqu'on a été obligé d'injecter 14 milliards DH pour faire face à l'augmentation de la facture pétrolière.

Qu'en est-il des autres matières premières ?

La baisse récente des prix de presque toutes les matières premières signifie moins d'inflation importée. C'est aussi moins de coûts pour les entreprises qui vont être beaucoup plus compétitives, appuyées en cela par l'ensemble des mécanismes (notamment de douane) introduits dans la Loi de finances. Autant de bonnes choses qui auront des effets indirects positifs sur la consommation et sur l'économie d'une manière générale. Ceci est valable aussi pour le logement. Le renchérissement des matières premières est l'une des raisons se trouvant à l'origine de l'augmentation du coût du logement. Leur baisse procure à l'offre de ce secteur autant de possibilités supplémentaires...

Sauf qu'au Maroc, on n'a pas l'habitude de réajuster à la baisse les prix suite au mouvement de détente qu'on observe souvent sur les marchés internationaux, pour ne prendre que l'exemple des produits pétroliers…

C'est parce que nous sommes dans un système compensé. La vérité des prix se pratique quand on est dans un système totalement décompensé. Ce qui n'est pas le cas au Maroc. Aujourd'hui, l'offre disponible sur le marché est faite sur la base d'un baril à 110, voire 120 dollars et non pas à 60 dollars. Ensuite, nous continuons à compenser le gasoil (2,80 DH) et la bouteille de gaz (59 DH). Nous sommes dans une logique qui fait qu'on résiste. Il y a toujours des réactions à l'augmentation. Tout le monde suppose qu'il est naturel de baisser aussi les prix. Quand on peut le faire, on n'hésite pas. On va observer ce qui va se passer en 2009 et rien n'interdit qu'on aille dans cette logique si les choses se stabilisent et qu'on sent véritablement qu'on ne va pas rentrer dans des volatilités ingérables. A chaque fois que le baril augmente d'un dollar, la facture pétrolière augmente de 340 millions DH. Je préfère que ces 340 millions DH soient injectés là où on note des insuffisances. Maintenant, les prix ne se sont pas encore stabilisés. Il est difficile de faire une projection parce que personne ne maîtrise l'évolution des cours. Certes, aujourd'hui, il y a moins de pression sur l'Etat. Quand on prend la moyenne constatée cette année, on est encore à 105 dollars le baril, alors que le budget de 2008 avait retenu une moyenne de 75 dollars, soit un additionnel de 40 dollars le baril. En plus, en 2009, on va introduire le gasoil 50 ppm (particule par million en soufre). C'est une bonne chose pour l'environnement et pour la santé des citoyens. Le gasoil 10.000 ppm et le 350 ppm vont disparaître. Le 50ppm engendre un coût supplémentaire de 80 centimes. Intrinsèquement, le 50 ppm est plus cher que le 10.000 ppm. C'est une équation qu'il faut intégrer dans la projection. Donc, lorsqu'on est dans un système compensé, il n'y a pas d'automaticité qu'on peut retrouver dans d'autres pays.

En tant qu'homme politique, comment vendre cet effort budgétaire aux citoyens qui se retrouvent parfois face à des discours populistes souvent déconnectés de la réalité?

Je suis d'abord un homme d'Etat avant d'être un homme politique. J'ai la responsabilité de dire la vérité aux citoyens. Je ne suis pas en train de jouer une partition personnelle. Je suis à un niveau de responsabilité qui m'oblige à préserver les intérêts du pays wet les intérêts des citoyens. Ma responsabilité n'est pas de leur faire plaisir aujourd'hui pour leur faire du mal demain. Le discours populiste est beaucoup plus facile parce qu'il joue sur les sentiments, exploite l'ignorance qu'on peut avoir vis-à-vis de la chose économique. Mais on ne peut pas être tous populistes. Ce n'est pas bon pour le pays (rires…). Je suis sûr que le citoyen n'est pas dupe. Il a suffisamment d'intelligence pour faire la part des choses.

Votre gestion active de l'endettement s'est traduite, certes, par une baisse conséquente de l'endettement extérieur, mais la dette intérieure ne fait que s'amplifier. Qu'en pensez-vous?

Le recours à l'endettement intérieur a permis de réduire la dépendance et de réduire les taux d'intérêt. Cela a permis également d'accélérer le rythme de désendettement, on est passé de 64% (ratio endettement/ PIB) il y a dix ans à 53,9% en 2007 et on va terminer cette année probablement avec un niveau de 50,3%. Ensuite, la ponction faite au niveau de l'endettement intérieur n'est pas faite au détriment des ressources bancaires. Preuve en est la montée en flèche des crédits bancaires. L'année dernière, on a fait pratiquement 99 milliards d'augmentation d'une année à l'autre. Cette année, l'additionnel a atteint déjà à fin septembre pratiquement 74 milliards DH. Et rien qu'au mois de septembre, dans une phase de « crise », on a enregistré une augmentation de l'ordre de 16 milliards DH. C'est une politique qui nous a permis d'éviter l'endettement extérieur lourd, de sortir des endettements à des taux d'intérêt élevés. Et puis, il y a l'impact sur l'économie, on a gagné 13 points de PIB. C'est énorme…

En matière de fiscalité, particulièrement l'Impôt sur les sociétés (IS), le projet de Loi de finances n'a pas retenu la doléance des PME qui souhaitaient, à travers la CGEM, une imposition progressive en fonction du chiffre d'affaires. Quel argument développez-vous à ce sujet ?

J'ai eu une longue discussion autour de cette question. Je pars d'une conviction qui consiste à dire qu'il ne faut pas se tromper de cible. Aujourd'hui, je considère que le plus important pour une PME, ce n'est pas le taux d'IS à payer. Sur l'ensemble des PME existantes au Maroc, seules 20% paient aujourd'hui l'IS. Ce qui importe le plus pour les PME, c'est la manière qui leur permet de gagner de l'argent. Comment peuvent-elles être compétitives. Nous devons agir sur deux éléments importants dans les deux ou trois prochaines années. Le premier volet consiste à les accompagner dans le processus de restructuration. J'ai donné à ce titre 600 millions DH pour quatre ans, on a agi sur le coût des intrants, sur la masse salariale (en réduisant l'IR), sur la la formation et la qualité, étant donné que la PME est en train d'évoluer en conquérant de nouveau créneaux. Quant au deuxième volet, on sait que la PME vit dans une situation de faiblesse structurelle liée à son faible niveau de capitalisation et à sa structure financière. Il faut donc agir sur la recapitalisation des PME, d'où la proposition de notre projet. Je suis sûr que tout le monde partage cet avis. Si l'entreprise gagne 300 mille DH et décide d'injecter 100 mille DH, elle bénéficiera d'une déduction d'impôt.

La déduction que vous proposez porte sur seulement 10% du montant de l'augmentation du capital. Les PME estiment que c'est insuffisant comme «carotte»…

Je suis ouvert à toutes les propositions qui peuvent contribuer à une amélioration de la situation financière des PME. J'ai fait une première proposition. Elle est sur la table de la discussion. Je suis sûre qu'elle va être améliorée. C'est l'objectif qui importe le plus. Maintenant, comment on doit le faire? On essaie avec 10%, 20 ou 30%, cela ne me dérange pas. Je suis ouvert. Mais au moins, qu'on se mette d'accord sur l'objectif qui consiste à aider les PME à se restructurer financièrement. C'est un gage de sécurité pour les banques, le personnel et les clients.

L'année dernière, on vous a vu sortir l'article 51 à maintes reprises avant l'approbation finale du budget 2008. Pensez-vous qu'il soit possible de ne pas répéter le même schéma pour le budget de 2009 ?

L'année dernière, l'article 51 a été utilisé dans un contexte très particulier. La majorité n'était pas solidaire. Il y avait un certain nombre de propositions qui déstabilisaient la structure même de la Loi de finances. Je ne voulais gêner aucune composante de la majorité. J'ai laissé tout le monde à l'aise et j'ai utilisé l'article 51. Cette année, je ferais assumer à la majorité sa responsabilité dans toutes les propositions qui seront prises. J'éviterais tant que je peux l'article 51 parce que ce n'est pas mon objectif. Je ne veux pas passer une Loi de finances en utilisant l'article 51. Une Loi de finances passe grâce à des convictions partagées d'abord au niveau de la majorité. L'opposition exerce naturellement son travail. Elle est là pour avoir une autre opinion, une autre approche. Mais je ferais supporter à la majorité sa responsabilité dans toutes les propositions et les amendements qui seront soumis et qui, du point de vue du gouvernement, ne seront pas soutenables.
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