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Comment le tourisme national peut relever le pari de la crise mondiale

Interview • Othman Cherif Alami Président de la Fédération nationale du tourisme

Comment le tourisme national peut relever le pari de la crise mondiale
Le Matin-Éco : Vous êtes depuis quelques mois le président de la Fédération nationale du tourisme qui célèbre ce mois un an d'existence. Quel est votre bilan d'étape ?

Otman Cherif Alami :
La Fédération nationale du tourisme a été élue il y a un an dans le cadre d'une externalisation voulue par la CGEM. Nous célébrons
cette semaine un an d'existence. Cette célébration survient dans un contexte marqué par la crise financière mondiale, qui suscite de graves interrogations, dont notamment son impact réel sur le tourisme et les opportunités.
La Fédération nationale du tourisme s'est appliquée toute l'année durant à être le fédérateur de tous les métiers du tourisme. Notre bureau qui a été élu sur un programme ambitieux et évolutif, en conformité avec les attentes et les besoins exprimés, ne cesse de rappeler les trois axes stratégiques de notre action : être l'interlocuteur et l'acteur de l'ensemble du secteur auprès des pouvoirs publics
et l'ensemble des décideurs ; accompagner la vision 2010 qui n'est pas encore terminée, tant s'en faut , et la vision 2020, suite aux orientations contenues dans la Lettre que S.M. le Roi a adressée aux Assises de Fès en 2007 ; enfin fournir de véritables services aux adhérents, grâce au nouveau portail Internet, à la diffusion de l'information et l'organisation du congrès national des métiers du tourisme avec sa thématique annuelle.
La crise financière et économique constitue en effet une menace pour le tourisme mondial. Nous ne dérogerons nullement à la règle ; mais paradoxalement elle peut constituer une grande opportunité pour le Maroc qui doit rebondir très vite, parce qu'il bénéficie d'une certaine stabilité économique et financière, mais aussi de sa proximité avec l'Europe qu'il devra mettre à contribution. Si nous réagissons aujourd'hui rapidement, de manière solidaire et pertinente, en mutualisant nos efforts, nous mettrons de notre côté le maximum de chances pour récolter la plus grosse part des dividendes lors du retour nécessaire au succès demain.

Et comment devraient procéder, selon vous, les professionnels du tourisme ?

En accord avec l'ensemble des présidents des fédérations, en toute complicité aussi avec le ministère du Tourisme, nous avons procédé à la mise en place d'une « task force » qui se réunit régulièrement depuis plus de trois semaines
avec l'objectif de proposer avant la fin novembre un plan d'action. Celui- ci se caractérisera par son pragmatisme, sa rapidité et son réalisme. Ce sera « Cap 2009 », année certes difficile, mais une année charnière également, celle des nouvelles perspectives, d'ouverture de nouvelles stations du Plan Azur, de nouveaux établissements hôteliers, de lancements de nouveaux
projets à Marrakech, année de consolidation du Plan 2008-2012, consacrant les ressources humaines et la formation qui doit définitivement prendre son rythme de croisière avec des résultats tangibles et quantifiables. C'est aussi l'année de la promotion régionale du tourisme, dans sa première phase, pour que la vision 2010 puisse atteindre une certaine autonomie avec un plan stratégique ambitieux. Le « Cap 2009 », c'est aussi la mise en oeuvre de l'Observatoire du tourisme.
Au mois de décembre, avec le ministre du Tourisme, nous dévoilerons
les grands contours de ce programme ambitieux. Et les 9 et 10 janvier prochains, nous le présenterons officiellement aux professionnels du secteur lors de notre congrès national que nous organiserons à Marrakech à cette date, en vertu de notre programme.
Nous nous engagerons profondément sur la question de la Commission financière et industrielle.

C'est-à-dire ? En secouant le gouvernement ou le département de tutelle ?

Il faut convaincre en premier lieu le ministère des Finances, la Direction
générale des impôts et les professionnels.
Car il s'agit de renforcer une compétitivité fiscale en benchmark
avec nos concurrents, de manière à ce que notre pays puisse continuer encore pendant dix ans à asseoir son évolution et garantir une industrialisation du tourisme au sens vrai du terme. Aussi bien l'avenir de l'emploi que pour la promotion de la politique des arrivées touristiques et de la création de richesses en dépendent à l'évidence. C'est un dossier auquel, en concertation avec la CGEMEM et la Direction des impôts, nous allons accorder une importance
significative. Une étude est déjà lancée pour voir quels sont les rendements fiscaux immédiats des entreprises touristiques. Il ne faut pas oublier que S.M. le Roi a érigé le tourisme en rang de secteur prioritaire. Le deuxième chantier où les progrès ont été notables, c'est le programme 2008-2012 de formation
et de ressources humaines, marqué par d'importantes conventions
entre les ministères du Tourisme, de l'Intérieur, de l'Emploi et l'Office de la formation professionnelle, la Fédération nationale du tourisme et la Fédération nationale de l'industrie hôtelière

Nous sommes donc en face d'un grand challenge qui doit être relevé
avec beaucoup de sérieux et de volontarisme. Nous sommes en phase avec notre programme, puisqu'en 2009, les projets de la station Saïdia et d'autres, par exemple, seront opérationnels. Il nous reste à régler le problème des avantages de l'immobilier à vocation touristique qui, malheureusement,
ne figure pas dans le projet de Loi de finances 2009, ce qui n'est pas pour autant grave. Si cela tombait avec le projet de Loi de finances de 2010, tant mieux. Elle coïnciderait avec le lancement, à Saïdia notamment, du programme des premiers appartements, des résidences et hôtels et aussi avec le projet « Madaïyne » pour la promotion du tourisme national. La fiscalité devrait s'y retrouver.

Qu'en est-il de ce qu'on peut appeler le bilan de la Vision 2010 qui est toute proche ?

Nous avons, et c'est une partie de notre action, édité un précieux document qui identifie les forces et les faiblesses de cette vision. Il a été présenté au ministère du Tourisme et à l'ensemble des responsables du secteur dès le mois de mai et juin 2008. Nous espérons en faire le prétexte d'une sensibilisation approfondie dans la perspective du congrès que la Fédération organisera en janvier à Marrakech. Les forces et les faiblesses de la Vision 2010 ont été regroupées dans le cadre d'un focus qui fait ressortir des points significatifs.
On peut citer comme points forts, la concertation entre le public et le privé, car elle a été la clé de la réussite de la vision 2010. C'est incontestablement un point fort. Ensuite la politique d'aménagement du territoire dans le cadre du Plan Azur, elle a fourni aux opérateurs une « feuille de route » claire et précise.
On peut citer aussi les initiatives en matière de tourisme rural et les pays d'accueil touristique ont constitué également un autre point qui retient l'attention, mais tout reste à faire. On précisera que les grands groupes internationaux font toujours confiance au Maroc et continuent d'y investir. Il y a aussi l'émergence marquée d'un tourisme national qui prend le pas et se révèle au fur et à mesure. Il y a encore l'Open Sky, véritable révolution du transport aérien et vecteur du tourisme de masse. Il a fourni au Maroc une autoroute du ciel, entre l'Europe et le Maroc.
Et je voudrais préciser une chose importante à cet égard : nos concurrents n'ont même pas osé penser, ni encore moins mettre en application l'Open sky, parce qu'ils restent prisonniers de réflexes conservateurs, protectionnistes
et frileux. Aujourd'hui, au Maroc, nous en sommes déjà à l'étape d'une ouverture du capital de la compagnie nationale aérienne, Royal Air Maroc, afin de lui donner un nouveau dynamisme. Ce sont là des actions potentiellement bénéfiques
pour le tourisme national. Enfin, je saluerai l'initiative de refonder l'Office national marocain du tourisme (ONMT) qui constitue une étape supplémentaire
de la réforme.

Et quels sont les points faibles à votre avis ? Que nécessitent-ils comme correction ou diagnostic ?

Les points faibles ? L'impression a prévalu que les grands groupes marocains, dans cette dynamique, ont été laissés pour compte dans la Vision 2010. C'est complètement faux. De grands opérateurs marocains rejoignent le Plan Azur. Cela dit, on déplore que la flambée des prix de l'immobilier, à Marrakech notamment, couplée à la cherté de la vie, ne risquait pas à terme de menacer les équilibres sociaux ? La réponse se trouverait peut-être dans le projet de la nouvelle ville de Tamesna. On a pensé à l'investissement comme facteur de développement du tourisme, mais on a occulté les critères de l'environnement, comme l'eau, l'électricité, l'assainissement, le transport, la santé et l'hygiène.
Ils sont nos points faibles auxquels il faut trouver des solutions. L'accueil aux aéroports qui laisse parfois à désirer, le problème du harcèlement et une certaine propension à « l'arnaque », les accidents de la route sont évidemment les défauts de la cuirasse. Il convient d'y remédier. Cependant, tout n'est pas négatif et une province comme M'Diq et Fnideq peut soutenir le contraire, parce qu'elle donne l'exemple remarquable de ce que peuvent être la modernité appuyée sur le volontarisme. C'est la porte du Maroc nouveau et accueillant. Les villes de Casablanca, Agadir, Marrakech et Tanger y viennent peut être doucement mais
sûrement.

Que devient l'idée d'une réforme de l'ONMT ?

L'ONMT a toujours constitué le vecteur de la promotion, cependant il devrait entamer sa profonde réforme–en termes de structures, d'institutions et d'orientation. Il devrait, par exemple, s'insérer davantage dans la vision régionale du tourisme, jusque-là marginalisée. Et S.M. le Roi vient de lancer une nouvelle dynamique de la Région sur tous les plans qui est pour nous une extraordinaire plateforme. Tout comme l'Observatoire, présidé par Kamal Bensouda, devra jouer pleinement son rôle critique avec l'objectivité qui lui sied. Sur le plan institutionnel, il faudrait opérer une révolution parce que les procédures administratives demeurent lourdes et pénalisent les investissements, les aménageurs, les constructeurs et notre action de réforme. Construire un hôtel de nos jours, relève du parcours du combattant. J'ajouterais que les guichets uniques, censés être le réceptacle de grands et nobles projets, ne remplissent pas tous leur mission et les CRI les suivent sur le même chemin. Au plan de la gouvernance, il faut mettre en place un tableau de bord pour finaliser les chantiers en souffrance et en promouvoir les nouveaux. Il faut aussi mettre en oeuvre une politique de formation, renforcer les moyens de marketing touristique, harmoniser la promotion, prévoir un versement équitable des taxes pour les régions et, comme le ministre l'a agréé, créer un Fonds régional d'investissement et de promotion touristiques, répartis à 50% pour les professionnels du tourisme et 50% pour la Région et l'Office national marocain du tourisme. La Vision 2010 est en marche, celle de 2020 est déjà à nos portes. Il faut qu'elle porte la marque de l'élément, l'être humain : le client du Maroc et le prestataire pour un tourisme d'expérience et d'émotion. Il y aura des changements avec des tendances lourdes. Il faut s'y préparer et surtout travailler pour relever le challenge, d'autant plus qu'à notre niveau, nous ciblons le même marché que les pays voisins.
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Un plan d'action

La Fédération nationale du tourisme entend accélérer son processus de mise en oeuvre de la Vision 2010 pour réaliser l'objectif de 10 millions de visiteurs, comme l'a recommandé S.M. le Roi dans sa Lettre adressée aux Assises nationales de Fès en 2007. Elle met l'accent sur le développement des ressources humaines qualifiées, s'appuyant notamment sur le contrat- programme ressources humaines 2008-2012. Elle souligne la nécessité de doter la Région de moyen pour en faire un pôle de compétitivité, un cadre d'épanouissement de performances et d'initiatives à la lumière de la Vision 2020. Othman Alami n'a cessé de souligner, dans ce cadre, que le cap 2010 reste maintenu, que l'engagement des investisseurs n'a jamais failli et que les opérateurs, comme aussi le produit, seront au rendez-vous. Malgré la crise, les fondamentaux du tourisme national ne sont pas affectés, bien au contraire, le Maroc pourrait mettre à profit la crise mondiale pour rebondir. L'activité conserve un taux élevé d'opportunités et de croissance. C'est un nouvel challenge et la nécessité se fait d'adopter une attitude positive face à la crise. Othman Alami a fait de la formation et de l'emploi le cheval de bataille de son programme d'action. L'emploi doit être, selon lui, préservé et la formation sa corrélation organique.
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