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Duel entre chasseurs de primes

Duel à outrance ou à fleuret moucheté ? Les banques marocaines montrées du doigt, les intermédiaires d'assurance crient à la concurrence déloyale.

Duel entre chasseurs de primes
Voilà un débat qui promet d'être passionnant et qui «risque» d'animer les premières missions du Conseil de la concurrence.

Le banquier évite le risque, l'assureur l'adore. Deux métiers évoluant dans deux environnements professionnels diamétralement opposés, mais lorsqu'ils se croisent, le business se porte comme un charme. Les débuts de la bancassurance au Maroc remontent aux années 70, mais jamais cette activité n'a été « décriée » aussi fort comme on a pu le constater ces dernières années. Cette remise en cause, animée par les agents et les courtiers d'assurances, puise ses origines dans les chiffres records constatés depuis les carottes fiscales des plans de retraite (1994) et surtout depuis l'adoption du Code des assurances (2002). La Fédération nationale des agents et courtiers d'assurance au Maroc (Fnacam) estime que si les banques parviennent à maintenir le rythme de collecte des primes au même niveau de croissance enregistré entre 2006 et 2007, soit 47%, la production de la bancassurance en 2008 sera équivalente à celle du réseau classique, soit environ 6 milliards de DH. Autrement dit, dès 2009, les intermédiaires passeront au deuxième rang. Bien évidemment, ces chiffres ne concernent que l'assurance des personnes, le segment des « dommages » étant limité jusqu'à ce jour au seul réseau traditionnel.

Maintenant, en quoi la concurrence des banques serait-elle déloyale? La Fnacam avance d'abord la pratique des ventes croisées ou parfois forcées. « La vente est croisée lorsqu'il s'agit, par exemple, de vendre une garantie vol ou un service d'assistance avec une carte de paiement. Elle devient forcée lorsqu'un client trouve des difficultés à obtenir un crédit au cas où il ne souscrit pas l'assurance auprès de la banque. Souvent la souscription d'une assurance fait partie d'un package et le client ne peut y échapper, comme c'est le cas à l'occasion de l'ouverture d'un compte», explique Abdelaziz Bennis, vice-président de la Fnacam. Pour sa part, Khalid Aouzal, administrateur directeur général d'Aceca, un cabinet de courtage reconnu sur la place, minimise le poids de la vente forcée. Selon lui, « les affaires perdues au profit des banquiers sont très rares. Nous ne faisons pas le même métier. L'entreprise est notre cœur de cible ».

Un autre moyen qui pourrait fausser le jeu de la concurrence serait lié au mode de placement. « Ce placement est opéré automatiquement par la banque auprès de l'assureur partenaire et aucun choix n'est laissé au client. Cette attitude des banques n'est pas neutre au regard de leurs obligations et de leurs responsabilités car la banque est tenue de fournir au client toutes les explications utiles pour lui permettre de saisir la portée des garanties et des exclusions de risques. Les besoins de la clientèle ne se trouvent pas nécessairement satisfaits par les produits de la compagnie partenaire », ajoute A. Bennis. Le mode de gestion de la bancassurance n'est pas non plus à l'abri des critiques.

Naturellement, les banquiers sont tenus d'informer la clientèle des possibilités de résiliation des contrats d'assurance, en attirant spécialement l'attention sur les délais de préavis. Cette mission se rattache à l'obligation d'assistance, de conseil et d'information qui se trouve, d'après la Fnacam, malheureusement absente dans la pratique. « Il arrive par exemple, que le client de la banque augmente son capital assuré et la banque, connaissant parfaitement l'absence de garantie en résultant, laisse sans suite le projet d'avenant », affirme son vice-président qui n'hésite pas à pointer le caractère « figé des contrats de la bancassurance et qui ignorent en pratique la notion d'avenant ».
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L'avis de l'autorité de tutelle

De l'avis du ministère des Finances, le réseau dit «classique» (agents et courtiers) s'est inquiété de la concurrence exercée par les banques depuis qu'elles ont été retenues comme acteurs à part entière de la distribution des produits d'assurances, avec l'avènement du Code des assurances en 2002. Sachant qu'avant même la promulgation de ce Code, les banques proposaient déjà des produits d'assurances en agissant en tant que souscripteur de contrats pour le compte de leur clientèle. « Cette situation était malsaine car l'intervention des banques était difficile à encadrer en l'absence d'un dispositif réglementaire adéquat », estime Thami El Barki, directeur des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS) au sein du ministère de l'Economie et des Finances. Ce dernier défend l'idée selon laquelle les banques agissent, aujourd'hui, dans un cadre juridique clair qui pose formellement leurs droits et obligations, ce qui a permis de développer les produits «vie» et «capitalisation» ces dernières années dans notre pays. Pour rappel, le législateur a limité l'intervention des banques aux produits afférents aux assurances de personnes, à l'assistance et à l'assurance-crédit, car la présentation et la souscription des opérations d'assurances «dommages» nécessitent une technicité et un savoir-faire bien particuliers que le réseau dit «classique» est, lui, en mesure d'apporter. « Il me semble que notre marché a besoin de tous les acteurs actuels de la présentation des opérations d'assurances. J'en veux pour preuve le fait que les entreprises d'assurances continuent à développer leurs réseaux de distribution : lors du dernier examen professionnel des intermédiaires d'assurances qui s'est déroulé en novembre 2008, elles ont présenté 333 candidats «agents» dont 212 ont été admis », conclut T. El Barki.
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