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Les vraies universités privées

Dans d'autres pays, les universités privées ne se livrent pas à une activité marchande. Elles ont le statut de fondation et non de société commerciale. Leurs revenus sont réinjectés, non dans l'octroi de dividendes, mais dans la recherche et développement. C'est loin d'être le cas au Maroc.

Les vraies universités privées
Mercantilisme ou philanthropie ? Les universités internationales privées prennent la destination Maroc. Les présidents d'universités et les doyens de Facultés sont clairs : « c'est l'appétit du gain qui motive ce mouvement ». De la bouche d'un président d'une université privée, le mot profit ne sort jamais. Au contraire, c'est l'argument de formation qui est mis en avant.

« La mission de l'université internationale de Casablanca est de former les futurs professionnels les plus performants en toute conformité avec la stratégie du gouvernement qui vise à rehausser de 6,6 à 20% l'offre de l'enseignement privé », indique, par exemple, le président de l'université internationale de Casablanca. Et Antonio Maceda d'ajouter, en réponse à la question de la cherté des études (87.000 DH, la première année) : « pour s'offrir les services d'enseignants de renommée, nous sommes contraints de bien les payer ».

Selon Hammad Kessal, professeur universitaire, « les universités privées anglo-saxonnes n'exercent pas une activité marchande. Certes, les études sont payantes. Mais les frais de scolarité ne couvrent qu'une infime partie des frais de fonctionnement ». Il tient aussi à préciser que « dans le monde entier, l'université n'est pas motivée par le gain sur le dos des étudiants ». Les véritables sources de financement de ces universités privées sont la recherche et développement, les partenariats avec les entreprises, le sponsoring, le mécénat et autres méthodes d'appel à la générosité publique via l'organisation de galas, notamment. « L'argent collecté ne sert pas à distribuer de dividendes, mais à financer la recherche, l'invention de nouvelles solutions pour les entreprises qui, en retour, soutiennent ces universités qui fonctionnent selon le mode de fondation », indique Kesssal. Cet universitaire d'Al Akhawayn, donne à titre indicatif, l'exemple de la célèbre école parisienne HEC dont les véritables recettes proviennent des chambres de commerce et des entreprises qui en sont membres.

Exigences des entreprises



Un autre professeur, Abdellatif Fekkak, qui a enseigné à l'université Georgetown, verse dans le même sens : « aux USA, il y a des universités publiques payantes soutenues à raison de 50% par le district et des universités privées. Mais jamais, elles ne se livrent à une activité mercantiliste ». Bien plus, les programmes et les modules sont adaptés aux besoins de la région d'implantation. Ce sont plutôt les potentialités économiques et les exigences des entreprises in situ qui indiquent l'orientation que doit prendre la formation. Il y va de la compétitivité et de la spécialisation des territoires.
Les universités internationales privées reposent sur un argument de « vente » qui fait de la densité de leur réseau leur fer de lance. Par exemple, l'université internationale de Casablanca fait partie du réseau « Laureate international Universities » présent dans 21 pays, avec 45 instituts supérieurs. « Les vrais critères de l'excellence sont d'ordre scientifique, à savoir les prix Nobel décernés, le nombre de livres et articles publiés et traduits en plusieurs langues », indique Fekkak.
Imposer un cahier
des charges
Les universitaires marocains ne sont pas très enthousiastes à l'idée d'ouvrir grandes les portes aux universités privées. « Le risque est d'en faire un secteur qui n'a de religion que l'argent. Et tout fortuné de cette planète y mettra le paquet pour en tirer de gros bénéfices », craint un doyen. Conséquence directe : une prolifération d'universités privées mais pour quelle qualité ? C'est toute la question. Trois grands remparts contre les dérives possibles. Primo, éviter que la formation soit une activité marchande mais au contraire préserver dans sa mission le développement du capital humain. Secundo, imposer un cahier des charges précis assorti d'un suivi méticuleux. Tertio, « il faut que l'enseignement privé se dote de sa propre plateforme de formation de ses enseignants », indique un président d'université.
Pour certains professionnels de l'enseignement, il n'y a pas d'enseignement privé dans le vrai sens du terme au Maroc. « Toues les écoles privées nationales tournent à 90% avec des professeurs du public »,souligne Kessal. Résultat : l'université publique dégringole dans le classement international et l'enseignement perd en qualité. A terme, « nous nous retrouverons avec une ressource humaine mal formée et non adaptée aux besoins de l'économie », prévient un professeur universitaire. Et pour cause ! « L'enseignant risque de réduire sa mission au strict minimum dans les Fac et de s'investir à fond dans les universités privées parce qu'il est motivé par l'obligation de résultat alors que dans le public, il fait ce qu'il veut ».

Critères requis
Inscrire un minimum de 100 étudiants en première année et 600 après trois ans de l'obtention de l'autorisation du label, accréditer 50% des filières et embaucher 30% d'enseignants permanents ayant un doctorat. Ce sont les conditions pour l'octroi de la dénomination « Faculté privée ». Pour décrocher ce label, il faut disposer au minimum de 3 instituts supérieurs privés (dont l'un au moins a la dénomination « Faculté privée »), de 2.000 étudiants, trois ans après l'octroi du label « Université privée ».

Le décret parle aussi d'« infrastructures dédiées » essentiellement aux activités de formation et de recherche, un espace intégré regroupant les établissements, la bibliothèque, les espaces de sports et loisirs. Cette condition est-elle remplies par les universités internationales privées de Casablanca et de Rabat ? Dans tous les cas, celle de Casablanca s'est engagée à se doter d'un campus en bonne et due forme à l'horizon 2013. Idem, pour celle de Rabat.

Le label Université et Faculté dé-monopoliséLes universités publiques perdent l'exclusivité. Elles ne sont plus les seules à pouvoir utiliser le prestigieux label « Université » ou « Faculté ». Un décret publié au B.O du 18 novembre 2010 autorise l'usage de cette dénomination par les écoles supérieures privées. C'est pour le moins curieux. Les instituts privés marocains n'ont cessé de demander l'usage de ce label.

Un refus catégorique, voire systématique, leur a été opposé. « Du jour au lendemain, ce qui relevait du domaine de l'impossible devient un acquis. Et le timing de ce changement n'est pas innocent. « C'est juste après l'installation des universités internationales à Casablanca et à Rabat ! », fait remarquer Abdellatif Fekkak, président du GEMPlus (Grande école de management). Pis encore, « les universités ont commencé à exploiter le label avant la sortie du décret qui est venu les légaliser a posteriori », commente un universitaire.
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