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Bataille rangée sur les marchés numériques des collectivités locales

Deux catégories d'opérateurs se disputent déjà la légitimité pour décrocher les marchés de l'implémentation des systèmes d'information des collectivités locales. D'une part, les SSII locales et de l'autre, les filiales de multinationales.

Bataille rangée sur les marchés numériques des collectivités locales
Le gigantesque projet « Com 15 » fait saliver les sociétés spécialisées dans les systèmes d'information (SSII). Jugé comme le marché de la décennie, le Com 15 consiste à développer un système d'information destiné à la gestion de l'ensemble des collectivités locales du pays. Finances, appels d'offres, ressources humaines, informatiques, archives, reporting vers la tutelle… tout ce qui concerne le quotidien des collectivités locales sera regroupé dans un programme sophistiqué. Le marché est impressionnant sur deux plans : en termes d'achats de matériel (serveurs surtout et postes de travail) et en implémentation applicative (progiciels, logiciels et applications spécifiques) sans oublier le service d'intégration et d'implémentation et surtout d'entretien.

100 millions de DH par an

Ces applications s'étendront jusqu'aux services aux citoyens, notamment dans le volet production de documents administratifs (actes de naissance, certificats de résidence, autorisations de construire…). Tout devrait être informatisé et automatisé. Le budget nécessaire à ce programme est estimé à 1 milliard de dirhams à raison d'au moins 100 millions de DH par an sur une période de 10 ans. Au final, le ministère de l'Intérieur devrait débourser pas moins d'un milliard de DH d'ici 2021. A part quelques opérateurs qui se comptent sur le bout des doigts, la plupart des SSII à capitaux marocains n'arrivent pas à réaliser un chiffre d'affaires annuel équivalent à ce montant (100 millions de DH). Car les plus grands opérateurs, notamment dans le domaine du développement informatique, sont les filiales de multinationales européennes. Ce qui explique que des mouvements se font pressants pour associer les sociétés marocaines à ce « big deal ».
Des mouvements qui déclenchent une confrontation indirecte entre deux catégories d'opérateurs informatiques. La première est celle des SSII à capitaux marocains qui estiment que d'aussi gros marchés sont l'occasion rêvée pour émanciper leur activité et leur permettre de travailler sur des chantiers de grande envergure. Dans le contexte actuel, certains estiment qu'ils sont « lésés » dans ce genre de projets. En effet, cette première catégorie d'entreprises sait très bien qu'elle n'a pas de références pour opérer sur de tels marchés. C'est ce qui les pousse à demander « l'indulgence » des donneurs d'ordres publics qui se traduirait par une acceptation des soumissions avec des exigences allégées où, pour certains, sans demander de références. « Nous avons l'expertise nécessaire pour réaliser ces projets », affirme Abdellah Deguig, directeur général de l'Apebi. Pour appuyer leur point de vue, les lobbyistes indiquent clairement que l'attribution de ce marché à des opérateurs étrangers ne fera que limiter la valeur ajoutée qui sera créée localement. En plus, cela empêchera le transfert de savoir-faire vers les opérateurs locaux. Sans oublier, la difficulté pour le Maroc, en cas d'attribution du marché à des « étrangers », de transférer son savoir-faire dans ce domaine à l'étranger, notamment en Afrique subsaharienne.

L'autre catégorie d'opérateurs sont les filiales de multinationales ou les SSII à capitaux partiellement étrangers. Ces derniers revendiquent entièrement leur « marocanité ». « C'est dans cette catégorie que se trouve la plus grande SSII marocaine, à savoir Logica, qui emploie plus de 750 personnes », indique un professionnel ayant requis l'anonymat.

« De la pure hypocrisie »

« Dire que les filiales de multinationales déplacent leur valeur ajoutée à l'étranger restreint le débat à la part du bénéfice transférée vers l'actionnaire. On oublie que la plus grosse part de cette valeur ajoutée, destinée à recruter et rémunérer le personnel, est maintenue au Maroc », ajoute la même source, qui critique également les doléances visant à tolérer les soumissions des SSII à capitaux locaux, mêmes sans références valables. « Je considère que c'est de la pure hypocrisie. De toutes façons, ces opérateurs seront obligés d'apprendre. Pour ce faire, ils devront faire venir des consultants étrangers et les payer au prix fort. Ce qui veut dire un transfert d'une partie de la valeur ajoutée à l'étranger, sans aucun transfert de savoir-faire », explique le même professionnel. Et d'ajouter : « si ces opérateurs veulent apprendre, ils ne peuvent pas le faire dans des projets aussi stratégiques. Car si ce chantier est raté, sa relance nécessitera des dépenses supplémentaires colossales, qui peuvent bien être évitées ».


Soumissionnaires potentiels et solutions intermédiaires

Quelles solutions préconisent les professionnels ? Certains proposent des solutions intermédiaires, qui sont déjà en cours pour la préparation de la soumission au marché Com 15. D'une part, le partenariat entre les deux catégories de SSII pour soumissionner dans le cadre de consortiums. « Un partenariat logique, car certains opérateurs à capitaux locaux sont mieux équipés pour réaliser des composantes précises du projet », note un professionnel. Certains opérateurs à capitaux locaux estiment que c'est une solution équitable. « Mais cela n'empêche qu'une partie de la valeur ajoutée sortira du pays », précise le président de l'Apebi. D'autre part, la scission du marché Com15 en plusieurs parties en fonction des besoins. Il s'agit même d'impliquer des PME et TPE dans les régions, quand il s'agirait de déployer les systèmes d'informations dans les communes.

En tout cas, le marché n'a pas encore de visibilité sur la date de lancement du marché relatif à Com 15. Cela n'a pas empêché les responsables de l'Apebi de démarrer leurs contacts avec les responsables des ministères concernés pour exercer leur lobbying. Contactées par nos soins, des sources au sein du ministère de l'Intérieur n'ont pas souhaité aborder le sujet. Mais l'on connaît désormais les meneurs des consortiums qui souhaitent soumissionner. Il s'agit entre autres de Logica, Omnidata, IBM et Bull.

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