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Un label global verra-t-il finalement le jour ?

La CGEM réclame une catégorisation globale comprenant la Douane, le Fisc et la CNSS.
Si le gouvernement n’a officiellement pas encore donné son aval, il n’en demeure pas moins que la Douane et le Fisc soutiennent la démarche. Mais catégoriser n’est-ce pas discriminer ? Le Conseil de la concurrence assure que ce projet et son impact sur la concurrence feront l’objet d’un avis formulé lors d’une prochaine session de l’institution.

Une catégorisation globale incluant la Douane, le Fisc et la CNSS, voilà ce que réclame le patronat au gouvernement. Au sein de la Confédération patronale, l’idée d’un tel projet a germé il y a deux années. «Aujourd’hui que le projet est arrivé à maturité, nous avons demandé au gouvernement à ce que la catégorisation soit étendue, en plus de la Douane et l’administration fiscale, à la CNSS», affirme Saâd Hammoumi, président de la commission PME à la CGEM. Cette requête a été formulée lors de la première réunion, le 17 mai à Rabat, du conseil conjoint coprésidé par le chef du gouvernement et la présidente de la CGEM. A en croire Hammoumi, le gouvernement a donné son avis favorable. «Nous avons déclaré au gouvernement qu’il y a des entreprises qui travaillent dans la transparence, qui ont une éthique et qui respectent les règlements en vigueur.

Ces dernières méritent que l’Etat leur facilite la tâche face à l’administration. Elles ne doivent plus souffrir des tracasseries des procédures administratives. Le gouvernement a jugé la revendication raisonnable», lance Hammoumi.
Du côté du gouvernement, c’est motus et bouche cousue. Contacté par nos soins, Driss Azami, ministre du Budget et par ailleurs membre du conseil conjoint, s’est abstenu d’émettre tout commentaire, se contentant de lâcher : «nous n’avons pas encore pris connaissance du projet et donc nous ne pouvons réagir».
Le président de la commission PME explique que les entreprises qui voudront bénéficier d’une catégorisation globale devront se faire auditer par un cabinet neutre et certifié.

Une procédure qui aboutirait à l’octroi d’un label CGEM national. «Ce label sera la clé pour accéder à une catégorisation globale», souligne Hammoumi. Les entreprises porteuses de cette certification bénéficieront donc d’un traitement privilégié auprès de toutes les administrations partenaires de la catégorisation. «C’est un processus qui va permettre à une entreprise de se positionner parmi les bons éléments qui traitent avec l’administration», fait valoir Monsieur PME de la CGEM.

Mais cette triple catégorisation ne va-t-elle pas limiter le nombre d’entreprises éligibles surtout qu’il est difficile d’être catégorisé par plusieurs administrations à la fois? Non pas du tout, réagit Hammoumi, puisque, explique-t-il, il y aura un objectif annuel à atteindre en nombre d’entreprises éligibles à la catégorisation. «Dans une première étape, nous visons une vingtaine d’entreprises par an. Il faut savoir qu’une fois que les sociétés candidates auront décroché le label CGEM après audit et contrôle en respectant bien sûr un cahier des charges spécifique, la catégorisation devient automatique», détaille Hammoumi.
Le projet devrait faire l’objet de discussions lors de la prochaine réunion du conseil conjoint de la CGEM et du gouvernement dont la date n’a pas encore été déterminée.

Contactée au sujet de ce projet, la Direction générale des impôts (DGI) affirme soutenir la démarche du patronat. «Une telle aspiration ne peut être que partagée. L’encouragement des entreprises transparentes, se conformant à leurs obligations fiscales et sociales, en leur accordant trois labels de conformité, est de nature à créer l’émulation et à renforcer la qualité de notre tissu économique», juge l’institution de Abdellatif Zaghnoun. Même son de cloche auprès de l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII) qui affirme soutenir ce projet depuis longtemps. «A l’occasion de chaque rencontre avec ses partenaires institutionnels privés et publics, l’ADII émet sa proposition de mutualiser le processus. D’ailleurs, les dernières Assises de la fiscalité organisées par la DGI ont été l’occasion de réitérer cette proposition qui a été largement appréciée et soutenue tant par l’administration fiscale que par les participants», souligne Nabyl Lakhdar, chef de la direction de la Facilitation et de l’informatique à l’ADII.

Lakhdar affirme en outre que dans la vision de la Douane, un programme commun peut être mis en œuvre progressivement. Par progressivement Lakhdar entend que dans une première étape, la mutualisation devrait concerner la DGI et la CNSS pour l’étendre ensuite à d’autres départements intéressés. «Cette démarche bénéfique à l’entreprise en termes de facilités présente des avantages pour les administrations concernées, notamment pour la rationalisation du contrôle et l’amélioration de la qualité du service rendu», détaille le responsable. Pour lui, «le soutien de cette idée et son partage par la CGEM vont certainement accélérer l’aboutissement de cette généralisation de la catégorisation». Au sein de l’ADII, on semble y être préparé, puisque, selon Lakhdar, les mécanismes et instances à mettre en place sont déjà identifiés : commission commune, critères intégrant les préoccupations de toutes les parties, package de facilités, système d’information, etc. «L’ADII a été consciente des besoins de l’entreprise en termes de facilités autres que douanières et a commencé a œuvrer auprès de ses partenaires dans le sens de la mise en place d’une catégorisation globale. Elle a à ce titre approché différentes administrations telles que la DGI, l’Office des changes et le ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies», développe Lakhdar.

Une entorse à la concurrence ?

Mais une catégorisation globale ne constitue-t-elle pas une sorte d’entorse à la compétitivité et à la concurrence des entreprises, sachant que certaines d’entre elles vont bénéficier d’un traitement préférentiel quand d’autres emprunteront le circuit «normal» ? Faux ! rétorque Hammoumi. Pour lui, ceux qui critiquent la catégorisation doivent avoir des choses à se reprocher. «Il faut savoir que d’un côté, l’administration a son rôle à jouer en préservant les finances publiques et partant, les équilibres macroéconomiques du pays et d’un autre côté, les entreprises qui, en plus de chercher du bénéfice et aspirer à leur propre croissance, contribuent au développement socio-économique du pays en créant de l’emploi et de la valeur, mais aussi et surtout en boostant la rentabilité fiscale. Et les deux parties, l’entreprise et l’administration doivent coopérer pour atteindre ces objectifs. Au contraire, je pense que ce projet de catégorisation globale va encourager les entreprises à être plus correctes dans leurs démarches à tous les niveaux pour pouvoir bénéficier du statut d’entreprise sérieuse auprès du Fisc, la Douane ou encore la CNSS. Elles ont intérêt à le faire pour leur bien et pour le bien de notre économie nationale», réplique Hammoumi.

Pour l’économiste Abdelkhalek Thami, il va falloir au gouvernement et à la CGEM réfléchir à une catégorisation transversale qui englobe plusieurs critères. L’objectif, selon lui, est de constituer un fichier combiné partagé entre l’ensemble des administrations. «Les entreprises en règle seront donc toutes catégorisées dans un fichier unique, ce qui permettra à l’administration que ce soit la Douane, la DGI ou encore la CNSS de les reconnaître facilement et donc de leur faciliter les procédures administratives», explique l’économiste. Une manière selon lui de secouer le cocotier des entreprises peu orthodoxes et les inciter à se discipliner vis-à-vis de l’administration pour pouvoir bénéficier d’un traitement préférentiel. «Ce qui est de nature à électriser in fine la concurrence et la compétitivité des entreprises», argue-t-il. Un postulat que soutient l’ADII qui en fait l’expérience depuis des années. «En étant catégorisée, l’entreprise s’engage à se conformer à certaines normes de performances l’habilitant à bénéficier d’un statut privilégié lui permettant d’accomplir les formalités douanières dans de meilleures conditions et à moindre coût.

Le processus national de mise à niveau des entreprises sera, en grande partie, redynamisé et le niveau de compétitivité de l’économie nationale rehaussé». L’institution de Zouheir Chorfi avance par ailleurs que la catégorisation appliquée à l’ADII, inspirée des recommandations de l’Organisation mondiale des douanes et ayant fait l’objet d’expériences réussies dans des pays développés, constitue l’un des leviers à même de conférer au Maroc un statut particulier à l’échelon international. «Ceci grâce à sa conformité aux procédures commerciales internationales et à la concrétisation de la volonté du Royaume à contribuer à la sécurisation et à la facilitation des échanges mondiaux que le programme de catégorisation vient conforter», estime l’ADII.

Que pense le Conseil de la concurrence de la corrélation catégorisation-concurrence ? Sa réponse : «le statut d’entreprise catégorisée et les conséquences d’une politique de catégorisation pourraient éventuellement faire l’objet d’un avis formulé lors d’une prochaine session du Conseil». L’institution de Benamour nous a affirmé par ailleurs que son président ne peut se prononcer sur la question qu’après mûres réflexions et délibérations du Conseil et à la seule condition que celui-ci soit saisi par l’une des institutions figurant dans la loi sur la concurrence et la liberté des prix. «Le Conseil demeure en attendant la traduction de l’article 166 de la Constitution, un organe consultatif et aux termes de l’article 15 de la loi 06.99 sur la liberté des prix et de la concurrence, le Conseil de la concurrence est consulté par les commissions permanentes du Parlement, pour les propositions de lois relatives à la concurrence, le gouvernement, les conseils de régions, les communautés urbaines, les chambres de commerce, d’industrie et de services, les chambres d’agriculture, les chambres d’artisanat, les chambres de pêches maritimes, les organisations syndicales et professionnelles ou encore les associations de consommateurs reconnues d’utilité publique et les juridictions compétentes sur les pratiques anticoncurrentielles», se justifie le Conseil. Son «éventuel» avis sur la question pourra donner des idées au gouvernement !


31 entreprises en cours de catégorisation  auprès du Fisc  

La catégorisation auprès des Impôts séduit-elle les entreprises ? Sur ce chapitre, la DGI ne jure que par les chiffres même si la catégorisation à son niveau est encore fraîche : «depuis le lancement de la procédure en décembre dernier, la DGI a été sollicitée par près de 250 entreprises qui ont manifesté leur intérêt pour le statut de contribuable catégorisé. Il s’agit de grandes entreprises et de PME issues de divers secteurs notamment les services, les technologies de pointe, l’industrie de transformation, l’agroalimentaire, le secteur minier et les finances».

Actuellement, 31 entreprises ont déposé leur demande que la Direction centrale aura jugées recevables au moins en la forme. Ces dossiers sont donc actuellement au stade d’examen d’éligibilité. «Trois entreprises ont d’ores et déjà été invitées à produire les rapports d’audit comptable et financier et de diagnostic économique et social», affirment les services de Zaghnoun. Le Fisc rappelle par ailleurs que les demandes de catégorisation sont traitées dans le cadre d’une procédure déterminée et suivant des délais fixés par la réglementation en vigueur. De fait, toute la procédure se déroule sur une durée normale allant de 6 à 9 mois, voire plus, en fonction évidemment de la durée de production par l’entreprise des rapports d’audit et de diagnostic. Ces deux missions peuvent s’étaler, quant à elles, sur 4 à 6 mois.

Et les objectifs annuels de la DGI ? Réponse : c’est encore tôt de parler d’objectifs à atteindre. Son explication : «la procédure a été mise en place il y a moins d’un an. Nous sommes en phase de démarrage. L’objectif principal est d’abord de susciter l’adhésion autour de la procédure de catégorisation», enchaîne la direction générale des Impôts. Pour les services de Zaghnoun, le nombre d’entreprises augmentera à coup sûr si le projet de catégorisation globale aboutit.

Car, au sein de la DGI aussi, l’on aspire à faire converger les différents labels pour mettre au point un label national. A en croire le Fisc, cette convergence ne devrait pas connaître d’embûche puisque déjà avec la Douane, la DGI partage beaucoup de points. «Nos deux administrations cherchent à accompagner les entreprises vers la transparence et la conformité. Au niveau de la forme, nos programmes de catégorisation s’appuient pareillement sur l’examen des dossiers des entreprises candidates, sur la base de critères d’éligibilité et de rapports de missions d’audit, pour, in fine, accorder des facilités et un traitement préférentiel aux candidats catégorisés», fait valoir le Fisc. Cette similitude promue par la DGI ne couvre toutefois pas, en termes de procédures, l’objet des investigations naturellement déterminées par les activités et les missions de chacune des deux administrations.

Qu’offre donc ce statut pour l’entreprise ? Selon la DGI, une entreprise catégorisée bénéficie d’un remboursement rapide de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sans contrôle à priori à hauteur de 80% pour la classe A et 50% pour la classe B. Et ce n’est pas tout, le statut de contribuable catégorisé permet à la société bénéficiaire d’intégrer son statut dans la matrice d’analyse risque servant à la programmation au contrôle fiscal et d’un traitement rapide du contentieux soumis à l’appréciation de l’administration.

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