Sa mauvaise réputation, le service après vente ne l'a, certes, pas volée. Traité de tous les noms, le coupable n'est pas aussi coupable qu'il en a l'air. Du moins, chez certaines marques qui se respectent. La loi est pourtant là, pour taper sur les doigts des beaux parleurs.
LE MATIN
19 Décembre 2007
À 18:16
«Le projet de loi sur la protection du consommateur réserve dans l'un de ses chapitres une bonne partie au service après-vente. Celui-ci est malheureusement inexistant même chez des enseignes prestigieuses et des grandes surfaces. Mais jusqu'à présent, nous n'avons eu à traiter qu'une seule requête, à Khouribga, d'un consommateur qui a eu un litige avec un revendeur. La chose a rapidement été réglée et tout le monde s'en est tiré à bon compte», explique Bouâza Kherrati, président de l'association marocaine de protection du consommateur (Ampoc).
«Un seul» cas traité par une association qui couvre tout le territoire national, c'est à croire que le service après-vente est, chez nous, quelque chose avec laquelle on ne badine pas. «Faux», semble rétorquer en chœur les victimes de mauvais traitements de la part de divers prestataires. Et Dieu sait s'ils sont nombreux. Khalid en sait quelque chose. Pour la réparation d'un congélateur encore sous garantie, la tâche a pris une vingtaine de jours. Le hic, c'est que l'histoire s'était passée à quelques jours de l'Aïd Al-Adha. Du coup, l'énorme quantité de viande a été dispatchée dans les frigos des voisins.
«La chose devait prendre 48 heures, puis on s'est retrouvé dans un véritable feuilleton par téléphones interposés. Par la suite, le revendeur m'a expliqué qu'il était question de remplacer mon frigo, mais comme il était en rupture de stock, il a dû prendre tout son temps, jusqu'à réparation de la machine. C'est une insulte au service et au client», se souvient Khalid. Dounia, elle aussi, se souviendra longtemps du jour où elle a tardé à régler sa facture d'électricité. Elle s'en est acquittée le jour correspondant au dernier délai mentionné sur le préavis, c'était un vendredi. Ça n'avait pas servi à grand-chose, puisqu'on lui a quand même coupé le jus.
«Je n'ai pas arrêté de faire des réclamations à la Lydec, mais on ne voulait rien savoir à l'autre bout du fil, me signifiant que le fait de régler ma facture dans une téléboutique mandatée pour cet exercice prenait effet avec un certain retard. Pourquoi l'avoir mandatée dans ce cas-là ? La chose tombait d'autant plus mal que le lundi suivant était jour férié. J'ai donc dû attendre jusqu'à mardi pour que la question soit réglée. Au passage, je venais de remplir mon frigo et toutes mes provisions ont tout bêtement fini à la poubelle», affirme Dounia, non sans une pointe d'amertume. Mohamed a eu un autre souci, lui, suite à une résiliation du contrat le liant à Maroc Telecom. Deux mois plus tard, il avait décidé de renouveler son contrat, sauf que, cette fois-ci, il avait le téléphone fixe, mais pas de connexion Internet.
«Pendant trois mois, j'ai payé la facture de l'Internet sans rien avoir en retour. Pire, tous les techniciens envoyés par MT étaient face à une véritable colle, n'arrivant pas à déceler ce qui ne marchait pas. Pendant ce temps-là, mon portefeuille continuait à être saigné par l'opérateur. Dans l'impasse, mon agence m'a conseillé de faire une réclamation au niveau du siège, le fameux numéro 115. Je ne pouvais deviner qu'on allait me transformer en balle de ping-pong, car à chaque fois j'obtenais la même réponse débile : "Contactez votre agence"! », se remémore le jeune homme. Pourtant, chez le même opérateur, certaines personnes ont eu des suites satisfaisantes quant à leur réclamation. «J'avais décidé de baisser mon débit Internet, j'ai appelé le 115 et on a enregistré ma requête. Sauf que le mois suivant, j'ai reçu une facture mentionnant le prix de mon ancien débit ; puis en vérifiant, j'ai constaté que celui-ci n'avait pas été revu à la baisse.
J'ai aussitôt fait ma réclamation. Maroc Telecom m'a ensuite téléphoné pour savoir la date exacte de la déposition de ma requête, information que j'ai fournie. A ma grande surprise, le mois suivant, ma facture était délestée de la somme que j'avais injustement payée. Justice a été rendue», souligne pour sa part Yasser. Ainsi, ce ne sont pas les témoignages qui manquent. Mais il est un point précis qui échappe au consommateur, et occasionne ces histoires à tiroirs et à rallonge. Le président de l'Ampoc souligne à ce propos une situation déterminante sur la question : «La véritable problématique est que le Marocain n'est pas conscient de ses droits. De plus, l'analphabétisme conjugué à l'ignorance des textes de lois qui protègent le consommateur fait que ce dernier baisse souvent les bras, face à une situation où il se retrouve impuissant. Pire encore, le consommateur contracte un crédit, signe à blanc et ne prête pas la moindre attention aux conditions de garantie».
Que faut-il alors faire ? Quelle procédure enclencher en cas de mauvais traitement ou de non-respect de la garantie quant à tel ou tel produit ? Trois cas de figure se posent. La première consiste à faire une réclamation auprès du service économique au niveau des provinces ; la requête est aussitôt traitée et, au cas où le plaignant n'est pas dans le tort par rapport aux clauses de la garantie, il obtiendrait de facto réparation. La deuxième option voudrait que la requête soit adressée à l'institution «Al-Hisba», dépendant du ministère de l'Intérieur. «C'est l'institution légale habilitée à traiter toutes sortes de dossiers faisant état de mauvais traitement. La requête est examinée et, en cas de manquement de la part du revendeur ou du prestataire, ce dernier est contraint de respecter ses engagements.
Troisième cas de figure : passer directement par l'Ampoc, équivalent d'une entité qui se constituerait partie civile dans une affaire judiciaire. Là aussi, tout un dispositif a été mis en place afin de garantir les droits de la victime. «Le consommateur vient vers nous muni de sa facture et de son attestation de garantie, puis on n'y va pas par quatre chemins : le revendeur est aussitôt saisi par écrit, tout comme le gouverneur de la région dont relève le point de vente. Comme je l'ai dit, nous avons eu à traiter une seule affaire de ce genre et nous avons été étonnés par la réactivité du revendeur. L'affaire a été réglée avec une rapidité surprenante au point que le consommateur n'en revenait pas», souligne Bouâza Kherrati.
Parallèlement, l'Ampoc vient de mettre en place, tout récemment, un guichet conseil, organe opérationnel en permanence où peuvent atterrir toutes sortes de requêtes. S'il y a nécessité, un conseiller, à jour sur la chose juridique, peut même accompagner le consommateur chez le revendeur ou le prestataire de service afin de régler la question de manière plus simple. ----------------------------------
Extrait du projet de loi
Titre Vgarantie et service après-vente - Article 33: Sans préjudice des dispositions sur la garantie de la chose vendue prévues par la législation en vigueur, des arrêtés peuvent fixer, en tant que de besoin, pour certains produits: - la durée minimale et les conditions d'application de la garantie ; - le niveau et la durée de disponibilité des pièces de rechange ; - la disponibilité des centres de réparation et d'entretien ; - les conditions de commercialisation et de service après-vente. - Article 34: Le contrat liant le fournisseur au consommateur faisant l'objet de la garantie doit être rédigé clairement et indiquer : a) le nom et l'adresse de la personne qui accorde la garantie ; b) la description du bien ou du service qui fait l'objet de la garantie ; c) le fait que la garantie puisse ou non être cédée ; d) les obligations de la personne qui accorde la garantie en cas de défectuosité du bien ou de mauvaise exécution du service sur lequel porte la garantie ; e) les démarches nécessaires pour l'obtention de l'exécution de la garantie ainsi que la personne à qui incombe cette charge ; f) la durée de validité de la garantie qui doit être déterminée de façon précise. - Article 35: La durée de validité d'une garantie prévue dans le contrat est prolongée d'un délai égal au temps pendant lequel le fournisseur a eu le bien ou une partie du bien en sa possession aux fins d'exécution de la garantie. - Article 36: Le fournisseur assume les frais réels de transport ou d'expédition engagés à l'occasion de l'exécution d'une garantie conventionnelle, sauf stipulation contraire des parties.