Fadwa Misk
17 Décembre 2025
À 17:03
Quelle belle idée que de faire parler les
artistes de leur passion commune pour le
foot ! C’est
Jalil El Gharib, directeur de la
Galerie Khalid Fine Arts, qui en est l’instigateur. Le jeune homme, qui a longtemps rêvé d’être entraîneur ou agent de footballeur, a vu sa trajectoire heurter la barre du destin, pour finalement rebondir sur les cimaises de l’
art. Mais la passion, restée intacte, a ressurgi à l’approche de la
Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025.
Il s’est demandé comment contribuer à cet élan national autrement qu’en tribune. La réponse s’est imposée naturellement : faire dialoguer l’univers du
football avec celui de l’art. Pour ce faire, il a invité treize artistes de talent à s’emparer du thème du football, chacun à partir de sa mémoire et de sa relation personnelle au jeu, à l’équipe nationale et à l’identité africaine.
Entre mouvement et mémoire
Parmi les artistes réunis, plusieurs traduisent le football à travers l’énergie, le mouvement et la mémoire qu’il porte. Youssef Azarin, qui jouait jusqu’à la tombée de la nuit, voit dans le ballon rond un espace de dépassement et de suspension des conflits, transposé dans une esthétique profondément personnelle. De son côté, Fouad Cherdoudi rapproche l’art du match de foot : la toile blanche lui évoque le coup d’envoi, et chaque trait de pinceau est comme une passe hésitante avant l’action. Noureddine Daifallah, maître de la calligraphie, reconnaît dans le football cette force rythmique, colorée et dynamique qui résonne avec les courbes de ses lettres et la géométrie de ses compositions. Imane El Makhchouni retient du jeu son «chaos harmonieux» dans des compositions bichromatiques où silhouettes, traits et signes se mêlent.
Rebel Spirit, quant à lui, voit dans chaque match un récit vivant, une chorégraphie d’émotions dignes des œuvres qu’il crée pour en immortaliser les moments forts. Pour Reda Kanzaoui, le football de quartier incarne des horizons d’espérance malgré la modestie des lieux et des moyens ; fidèle à son univers de clown, il tisse une scène expressionniste, riche en couleurs et en symboles inspirés des masques africains. Il accompagne son œuvre d’un poème en arabe en hommage à la «Dame ronde».
Figures, identité et liesse populaires
Dans le travail de Badr Bourabain, tout se loge dans le regard. Il peint des portraits de joueurs marocains où force, détermination et complexité se conjuguent, sur fonds vifs. Ce n’est pas sans rappeler la solennité du moment où l’on scande l’Hymne national. Dans une réflexion fine, Mohamed Rachdi introduit humour et personnages populaires en mettant en scène «Kabbour et Chaibia», figures emblématiques de la série «L’Couple», sur un terrain où se jouent aussi bien les conflits que la relation charnelle entre équipe et public. L’ami du joueur Achraf Hakimi, l’artiste Hassan Hajjaj, croise identité, humour, mode, mouvement et souvenirs collectifs dans des créations d’accessoires et de symboles où l’esprit du football éclate dans une esthétique ludique. Abderrahim Hamza établit un parallèle entre le dribble soudain et le geste calligraphique, et place une carte de l’Afrique sur l’étoile verte du drapeau marocain dans une installation tridimensionnelle. Abdelmajid Sabri, enfin, invente un nouveau terrain de jeu pictural où il déforme l’espace à sa guise pour représenter l’effervescence des foules.
L’esthétique africaine est fortement présente dans le travail de Mederic Turay à travers une toile consacrée au duo gardien-filet ainsi que des sculptures de Coupes du monde en céramique, enrichies de son univers visuel. «En Jeu» rappelle que le football a ce talent singulier d’unir les peuples, de dépasser les différences et les différends. Un rendez-vous à ne pas manquer pour tous ceux qui veulent voir, sentir et penser le football dans son volet esthétique et visuel.