Entre art et entrepreneuriat, Aïda Qoq dessine un parcours singulier

Le Matin : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Aïda Qoq : Je suis une citoyenne du globe. Je suis née deux fois, la première fois à Rabat en 1994. Ma deuxième naissance a eu lieu devant une toile à l’âge de sept ans. Je suis issue d’une famille de classe moyenne ouverte sur le multiculturalisme, mais fortement attachée à l’identité culturelle marocaine. Cet attachement à l’identité marocaine m’a été transmis à travers mes premiers biberons.

Parlez-nous de votre aventure artistique.

Mon aventure artistique a débuté très tôt. En effet, les murs de la maison parentale étaient mes toiles et ma chambre était mon atelier. Les multiples punitions qui m’étaient infligées ne faisaient qu’attiser le feu de ma passion pour le dessin. Le mixage des coloris était une passion qui s’est réveillée en moi à un jeune âge. Mes parents, qui ont combattu au début de mon penchant artistique, ont fini par céder à mon attachement fou à l’art, particulièrement la peinture et le dessin.

À l’âge de 18 ans, j’ai obtenu mon visa familial pour poursuivre mes études dans l’art. Mon premier pas a été à Marrakech où j’ai intégré l’École supérieure des arts visuels (ESAV) pour devenir designer graphique. Dans ce berceau, j’ai découvert les arts visuels, le graphisme, les arts plastiques, la peinture : le monde auquel j’aspirais depuis toujours.

Après avoir achevé mon cursus, j’ai pris les ailes vers Bruxelles pour y étudier les beaux-arts en communication visuelle. Au fur et à mesure, et avec la nostalgie pour mon pays, j’ai songé à reproduire l’art marocain différemment. L’idée qui est devenue par la suite une réalité était celle de créer ma propre marque de sacs peints à la main incorporant une transcription culturelle marocaine novatrice.

Ma passion pour l’artisanat s’est réveillée quand j’étais en Belgique, où j’ai pensé à réaliser un projet en travaillant sur des masques en cuir. C’était un signe de fierté de mes origines. Une fois de retour à mon pays, j’ai consacré les deux premières années à découvrir simplement ce petit monde légué par nos ancêtres et transmis de nos jours par nos artisans marocains. Entre Marrakech, Fès et Rabat, ma ville natale, j’ai fini par m’installer à Casablanca, la ville qui, finalement, a réuni tout ce dont j’avais besoin pour créer ma propre marque.

Comment s’est fait le passage de la peinture à la maroquinerie ?

Depuis mon enfance, j’étais fascinée par le travail manuel minutieux. Les images des artisans penchés sur leurs œuvres en files dans leurs petites boutiques cellulaires sont toujours restées gravées dans ma mémoire. Je pense que les souvenirs qu’on croit avoir oubliés refont surface.

Chaque fois que j’étais perdue, je trouvais mes repères dans ses souvenirs. Je voulais ainsi faire la même chose, mais différemment.

Mixant ce que j’ai appris, compris et repris, je me suis lancée dans la peinture sur les sacs en cuir dont je faisais moi-même le design. Quoi de plus beau ? Le graphisme appliqué, la peinture, et la créativité en trois dimensions. Cela a été la naissance de mon identité artistique. J’ai construit un pont entre l’art et l’artisanat ! Un pont entre le passé et le futur aussi. C’est ainsi la naissance de la marque «QoqBags».Pourquoi avez-vous décidé de lancer

«QoqBags» ?C’est simple. Qoq c’est mon nom de famille et puis Bags fait référence aux sacs que je conçois et peins. L’art ne grandit que dans le partage. Il était temps pour moi de donner forme à mes idées et d’offrir aux gens la possibilité de porter mes œuvres.

L’abnégation et la volonté de produire pour les autres sont l’essence de l’art même. Pour moi, l’artiste se réalise et se reproduit à travers ses créations. Ces dernières doivent le quitter pour être des ambassadeurs de ses idées.

Quelle est la spécificité de votre marque ?

«Qoqbags» appartient au monde du haut de gamme. Il s’agit d’une marque qui rallie plusieurs dyades uniques. La marque est un mix entre l’originalité de la matière et la folie de l’idée, un mix entre la conception artistique des sacs et l’art de la peinture sur cuir, un mix d’identité, car certains modèles sont pour femmes, d’autres sont unisexes.

Les sacs «QoqBags» sont produits en mono-modèle et/ou en séries très limitées. Celles ou ceux qui les portent sont certains d’être les seuls à en avoir un prototype. Ce n’est pas de l’industrie... C’est de l’art.

Quels matériaux aimez-vous utiliser ?

J’utilise le vrai cuir. Comme je choisis mes designs et mes peintures, j’exige de choisir moi-même le cuir que j’utilise. C’est une passion au même titre que celle de peindre. Le choix de la matière en lui-même devient une extension du travail artistique. Chaque morceau de cuir est choisi avec passion pour y réaliser des intentions.Quelles sont vos sources d’inspiration ?Ma source d’inspiration principale vient toujours des éléments de la nature. Je lis de la philosophie, j’écoute de la musique, je me balade dans les vieilles ruelles des villes traditionnelles, bref je me ressource de tout... parfois même du silence. Je mouline ce que j’ai étudié des grands célèbres artistes et peintres à une sauce marocaine originale pour donner naissance à des œuvres originales, mais avec des racines multiculturelles et multidisciplinaires.Comment trouvez-vous l’entrepreneuriat dans le monde de l’art ?L’entrepreneuriat par définition est une prise de risque. Ce qui me rassure est le fait que ma passion dépasse celle d’un investisseur ordinaire. En effet, un entrepreneur investit son argent pour gagner plus. Pour moi, c’est différent, je cherche à aider des artisans qui agonisent économiquement dans leur passion à faire vivre des traditions artistiques marocaines ; et je cherche à reproduire à ma façon la culture marocaine.

En bref, un entrepreneur investit ; moi je m’investis.

Quelle place occupe l’artisanat dans votre travail ?

L’artisanat est au cœur de mon travail. C’est son ADN. «QoqBags» est une marque originale qui fête l’art, l’originalité marocaine, le tout dans une exclusivité inédite.

Comment voyez-vous l’évolution de votre marque ?

Je tiens beaucoup à ce que ma marque garde une certaine authenticité en produisant des pièces produites à quantité limitée tout en partageant l’esprit de la marque à travers d’autres pays à l’international. J’ai déjà commencé à recevoir des invitations de collaborations de la part de célèbres artistes mondiaux. J’y réfléchis. Entre-temps, je garde les pieds sur terre et le pinceau à la main.

Je suis confiante quant à l’avenir de ma marque, car je la vois comme une mission ; celle de refléter la pluralité dans la culture marocaine via les valeurs de tolérance, de paix et d’amour...