Culture

«Le Coiffeur aux mains rouges» de Kébir Mustapha Ammi : plongée au cœur d’un drame colonial

À l’occasion des rencontres du «Book Club Le Matin», organisées au Sofitel Rabat Jardin des Roses en marge du SIEL (Salon international de l’édition et du livre), l’écrivain Kébir Mustapha Ammi a présenté son dernier roman, «Le Coiffeur aux mains rouges». Dans cette œuvre captivante, l’auteur plonge au cœur d’un drame colonial où se croisent culpabilité, rédemption et quête de pardon. À travers une intrigue haletante, il interroge les zones d’ombre de l’Histoire et les chemins, parfois douloureux, qui mènent à la réconciliation intérieure.

27 Avril 2025 À 10:05

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Le roman donne la parole à un narrateur français qui, prenant connaissance d’un crime ignoble, se lance à la recherche d’un homme rencontré des années plus tôt, un personnage énigmatique dont le souvenir le hante. Guidé par une intuition inexplicable et une douleur lancinante, le narrateur finit par retrouver sa cible : Lakhdar. Autour de lui se tisse une histoire remontant à la fin de la guerre d’Algérie, lorsqu’un membre de l’OAS (Organisation de l’armée secrète) égorge un citoyen algérien, sous les yeux de son fils. «C’est un livre français», déclare d’emblée l’auteur, qui affirme ne pas se sentir légitime pour parler de la guerre d’Algérie d’un point de vue algérien. En revanche, précise-t-il : «Je vis en France, mes enfants sont français et mes petits-enfants me parlent d’un drame qu’ils n’ont même pas vécu». Et d’ajouter : «C’est un problème non soldé en France».



D’autres personnages clés traversent le récit. Celui de Mme Robitaille incarne une forme de réparation : «Il y a beaucoup de Français qui se sont battus pour l’indépendance de l’Algérie, certains ont même pris les armes». L’auteur rappelle que le sort qui leur a été réservé n’était pas glorieux. Le personnage de M. Dubonrepère, quant à lui, illustre la complexité de la nature humaine et la possibilité de rédemption. «Je crois profondément au pardon et à la rédemption», confie Kébir Ammi, pour qui l’optimisme représente le seul moyen de survivre à la cruauté du monde. Il nuance toutefois : «Un romancier qui propose des solutions de bonheur est un charlatan».

On ne peut lire «Le Coiffeur aux mains rouges», sans penser aux conflits actuels qui crispent le monde et qui rejouent la macabre symphonie de la vengeance. Sans le chercher, Kébir Ammi raconte une histoire qui traverse les époques et les frontières, pour mettre en évidence le chaos qu’engendre la spirale de la haine et des représailles. Le conflit israélo-palestinien s’impose dans l’échange. «Je viens de publier un poème intitulé "Dessine-moi une Palestine heureuse”... C’est un poème qui affirme une existence, mais ne nie pas la vérité de l’autre», dit-il.



Loin d’être un roman de dénonciation ou de culpabilisation, «Le Coiffeur aux mains rouges» est un appel à la paix – celle, intérieure, qui apaise les esprits et permet d’avancer. Pour l’écrivain, il ne s’agit pas d’oublier, mais de savoir tourner la page : «Il faut être tous les hommes pour avancer», assène-t-il. Autrement dit, si l’on refuse d’accepter la divergence, on reste condamné à patauger, ad vitam aeternam, dans l’inconfort et le ressentiment.
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