L’œuvre dans «Cosmogrammes» est multiforme. Broderies, céramiques, œuvres de verre, photographies, dessins et bijoux témoignent d’un esprit en ébullition et d’une créativité qui transcende les médiums. Ces différentes créations sont installées suivant un parcours, commenté tout au long par des bribes de conversations : une façon originale et surtout généreuse de reconnaître les complices et les compagnons de la création.
La voix en plus
La collaboration a toujours été dans l’ADN de l’artiste. Travailler avec des artisans, échanger des pratiques et des connaissances, construire du lien : tout cela façonne un processus créatif tout aussi précieux que l’œuvre finale. Sara Ouhaddou le dit et le montre.
En effet, dans «Cosmogrammes», l’artiste met en place un dispositif sonore inédit, faisant de sa propre voix un fil conducteur à part entière. Dans ce parcours sonore, orchestré avec la complicité du commissaire de l’exposition, Ludovic Delalande, Sara Ouhaddou est entendue dialoguant avec des artisans, pour expliquer un motif, échanger sur la technicité, mais aussi prodiguer des conseils, discuter des manières de faire et documenter la transmission.
À travers ce retour à la narration, Sara Ouhaddou crée un pont émotionnel et intellectuel entre l’œuvre et le spectateur. Chaque création devient le point de départ d’un récit, une porte sur un amont insoupçonné de questionnement, de stimulation et d’humanité : une archive vivante au service de l’œuvre.
Identités en miroir
Sara Ouhaddou est née en France, en 1986. Résidant et travaillant entre Paris et le Maroc, elle se plaît à relier les deux rives de la Méditerranée, avec la liberté de l’artiste et le savoir-faire de la tisserande. Sa double culture en bandoulière, elle s’emploie à explorer les défis rencontrés par les artisans du Maroc, dont le savoir-faire est universellement reconnu.
Si elle a entamé sa carrière comme designer pour certaines marques de luxe, Sara Ouhaddou s’est vite mise à poser, avec justesse et acuité, des questionnements autour du rôle que peut jouer l’art pour hisser l’artisanat à un rang privilégié sur l’échelle économique, sociale et culturelle. Dans un monde ultra-globalisé, dans lequel la culture et l’héritage sont vite spoliés, détournés, appropriés par les dominants, l’artiste estime de son devoir de mettre en lumière le travail des artisans marocains, en faisant sauter toute hiérarchisation artificielle entre art et artisanat.
Depuis plusieurs années, le travail de Sara Ouhaddou circule dans le monde et raconte son historique au-delà des frontières du Maroc ou de la France. Plusieurs institutions prestigieuses à travers le monde reconnaissent la pertinence de sa démarche. Il a été montré au Mucem à Marseille, dans le cadre de l’exposition «Connectivité», au Musée national «Reina Sofía» à Madrid pour «La trilogie marocaine 1950-2020», au Z33 à Hasselt pour «Déracinement», ou encore au Palais de Tokyo à Paris pour l’exposition «Notre monde brûle», curatée par Abdellah Karroum. Au Maroc, sa dernière exposition au Macaal date de février 2025.