Culture

Tout le mois de mai pour la photographie à l’Institut français de Marrakech

La deuxième édition du «Mai de la photographie» vient d’être lancée, ce vendredi 2 mai, à l’Institut français de Marrakech, avec au programme une multitude d’expositions proposées par plusieurs acteurs culturels de la ville. «Qu’est-ce qui fait communauté ?» est la question que pose cette édition et à laquelle les artistes conviés tentent de répondre à travers leurs œuvres.

02 Mai 2025 À 16:43

Dans un monde traversé par d’innombrables lignes de fracture aussi bien sociales que politiques ou culturelles, la thématique du «Mai de la photographie» tente de retrouver les fils tenus qui relient encore les humains entre eux. Croisant regards artistiques et analyses socioculturelles, cette manifestation met en lumière les formes multiples du vivre ensemble, prenant racine dans des traditions locales ou émergeant des réseaux globaux.

Une belle constellation d’acteurs culturels de la ville ocre se réunit autour de ce projet plein de sens. On y trouve l’École supérieure des arts visuels (ESAV), la Maison de la photographie, l’Institut français (IF) de Marrakech, la Maison Denise Masson, Dar Bellarj, Les Étoiles de Jemaâ El Fna, la Fondation Leila Alaoui, Es Saadi Resort, la Fondation Montresso, la Fondation Ali Zaoua, Laberinto, l’association Turāth, Le 18, la Galerie 127 et le Sofitel. Tous veulent faire du «Mai de la photographie» une célébration vivante de la photographie et de ses pouvoirs de lien.

Prises et perspectives

Le «Mai de la photographie 2025» s’annonce riche d’expressions diverses. À la Maison de la photographie, une exposition en noir et blanc revisite les regards photographiques du XIXe siècle, à travers les fragiles papiers albuminés, interrogeant le spectateur : «Voyons-nous encore le monde de la même façon ?»

À L’IF de Marrakech, le club photo Les Étoiles de Jemaâ El Fna, accompagné par Rida Tabit, propose des images documentant les visages d’une place en mutation. Le graffeur OTM, quant à lui, projette un Jemaâ El Fna surréaliste et futuriste.

Dans «Avant-propos», Hasnae El Ouarga transforme les archives en «livres-pierres», objets entre mémoire minérale et récit historique. Dans une approche ludique, Cédric Gatillon propose une série de photographies montrant des anonymes déguisés en zèbres à travers le monde. Alan Keohane, photographe et marcheur, livre un hommage sensible aux Amazighs à travers des clichés pris entre 1986 et 1991 dans la vallée d’Aremd, témoignant d’une culture profondément enracinée.

Leila Alaoui, avec «No Pasara», illustre la dure réalité des migrations africaines vers l’Europe, mettant en lumière les frontières comme blessures identitaires et géographiques. Représentant l’association Turath, l’exposition «Tinmel : Mémoire en ruines» de Faten Safieddine et Karim Rouissi retrace la renaissance d’un village touché par le séisme de 2023. Fayçal Tiaïba, avec «Déconstruire», explore un ancien bâtiment militaire, révélant les strates d’un patrimoine en devenir.

À la Fondation Montresso, Yassine Sellame capture l’éphémère par une photographie urbaine, nourrie par la culture skate marocaine. Son installation est accompagnée d’un film de Kamal Ourahou, "Better", projeté le 3 mai.

Avec «Port Cities», DaDa Marrakech et LE 18 réunissent Mohamed Abdelkarim, Laila Hida, Nadia Kaabi-Linke et Siska autour des récits portuaires et migratoires, quand Salah Bouade réinvente les archives à travers collage et installation.

Au Sofitel, Marco Guerra présente une rétrospective de 25 ans de photographie marocaine, entre tradition et contemporanéité, inspirée par son lien intime avec la Palmeraie de Marrakech. Enfin, à la Galerie 127, sept artistes – dont Isabelle Ehrler, Flore, Sandrine Rousseau et Karim Chater – rendent hommage au Maroc dans une exposition collective inspirée des «Mu’allaqât». Milos El Fene, quant à lui, capture l’émotion des enfants dans un projet éducatif entre la Fondation Jardin Majorelle et Ali Zaoua.

Pas que des clichés

Dans le récit de la grande Histoire, certaines vérités restent hors champ, car non documentées, volontairement tues ou inconsciemment reléguées à l’oubli. Cette idée a fait émerger des interrogations pertinentes que Dartdachabab propose de creuser au «Mai de la photographie». Ainsi, les «Talks Séries» non documentées vont diriger le regard vers les silences visuels, dans des conversations publiques essentielles pour révéler les récits absents : Des communautés marocaines peu ou pas représentées, des regards ignorés, des territoires laissés hors cadre.

Chaque «Talk» aborde une facette de cette invisibilité : le premier, modéré par Youssef Sebti, explore l'absence de représentation de certaines communautés marocaines dans la production photographique, et questionne l’écart entre celles-ci et leurs photographes. Le second, animé par Rida Tabit, se recentre sur l'«Intérieur des murs» qui, en donnant un regard natif à la communauté vivante de Marrakech, livre un témoignage de proximité et de mémoire incarnée. Enfin, le troisième, modéré par Jean-Paul Karim Finotti, interroge les risques de dématérialisation de la mémoire à travers une série de documentations non physiques : comment le confort numérique peut-il éroder notre mémoire collective ?

«Dartdachabab» poursuit ici sa mission : capter les préoccupations de la scène artistique émergente, et transformer ces échanges en archives vivantes pour les institutions culturelles marocaines. Là où la documentation rencontre l’activisme, l’archive devient militantisme.
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