Rochdi Mokhliss
09 Décembre 2024
À 15:10
Saisi par le
Président de la Chambre des représentants, le
Conseil de la concurrence a livré un
avis détaillé sur le fonctionnement concurrentiel du marché des aliments composés pour animaux au Maroc. Ce document met en lumière les défis structurels et conjoncturels qui pèsent sur ce secteur stratégique, tout en formulant des recommandations pour améliorer sa compétitivité et sa durabilité. Par ailleurs, le Conseil a annoncé, sur proposition de son rapporteur général par intérim, de se saisir d'office pour ouvrir une procédure d'instruction concernant certaines pratiques commerciales tarifaires et non tarifaires que connaît le
marché des aliments composés destinés au
secteur avicole et les autres marchés connexes.
Il y a lieu de noter que l’avis du Conseil de la concurrence, après avoir relevé la structure fortement concentrée du marché des
aliments composés destinés au secteur avicole, a fait état de plusieurs
dysfonctionnements concurrentiels que connaît ce marché ainsi que d’autres marchés connexes, particulièrement celui des
poussins d’un jour ; ces deux intrants représentent près de 75% du prix de revient du poulet de chair et influent par conséquent sur son prix de vente.
Céréales et oléagineux : Les unités de trituration sous-utilisées à seulement 5%
Le
Maroc affiche une forte dépendance vis-à-vis des
importations de céréales et de tourteaux, qui représentent près de 90% des intrants utilisés dans la fabrication des
aliments composés. Cette situation, exacerbée par les sécheresses récurrentes et la volatilité des prix internationaux, alourdit la facture des producteurs locaux et expose le secteur aux aléas logistiques et économiques mondiaux. Par ailleurs, les unités locales de trituration, malgré une capacité installée de 620.000 tonnes par an, fonctionnent à seulement 5% de leur potentiel, en raison d’un manque de compétitivité face aux importations.
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Le secteur des aliments composés exploite actuellement moins de 60% de ses capacités de production, un taux insuffisant pour amortir les coûts fixes. Cette sous-utilisation résulte notamment de la
fluctuation de la demande, influencée par
des facteurs climatiques et économiques. De plus, le marché est dominé par un petit nombre d'acteurs, avec huit entreprises contrôlant 75% des
parts de marché. Les deux premiers opérateurs à eux seuls s’accaparent près de 50% du marché. Si cette concentration permet des économies d’échelle, elle peut également limiter la
diversité et
l’innovation, au détriment des
éleveurs.
Le paradoxe de la farine de poisson
Le Maroc se distingue par sa position de
8ᵉ exportateur mondial de farines et huiles de poisson, avec une production orientée à 90% vers les marchés européens. Cependant, cette ressource locale, reconnue pour ses qualités nutritives, est peu exploitée dans l’
alimentation animale nationale. La
farine de poisson présente un avantage majeur dans l’alimentation animale grâce à ses vertus en tant que source riche en protéines, en acides aminés essentiels et en acides gras oméga-3.
Elle est utilisée principalement dans le
secteur de l’aquaculture, en raison de ses propriétés nutritives pour les
poissons carnivores et dans le
secteur avicole pour améliorer la croissance des
poussins et des
volailles reproductrices.
Au Maroc, la
production de farine de poisson est orientée majoritairement vers l’export, avec environ 136.000 tonnes exportées chaque année.
Fragilité du secteur avicole
L’élevage avicole, secteur clé de l’agriculture marocaine, souffre d’un manque de structuration et d’un environnement financier précaire. Près de 92% des volailles sont commercialisées via des
circuits informels, freinant l’intégration de la chaîne de valeur. La petite taille des exploitations, combinée à des conditions commerciales contraignantes imposées par les fabricants d’aliments composés, aggrave la vulnérabilité des éleveurs.
Les recommandations du Conseil de la concurrence
Le
Conseil de la concurrence a formulé plusieurs recommandations pour une transformation durable du secteur avicole. Il préconise de
renforcer l'approvisionnement local en tourteaux et céréales afin de réduire la dépendance aux importations, et
d'encourager l'agrégation agricole chez les éleveurs, notamment dans le secteur avicole, pour pallier leurs fragilités structurelles. La
diversification des segments de production est également suggérée pour optimiser l'utilisation des capacités installées. De plus, le Conseil recommande de promouvoir
l'utilisation
des aliments composés pour ruminants à travers des programmes de sensibilisation et de formation technique, de structurer le secteur avicole en favorisant les exportations de viandes de volaille et de produits transformés, et d'encourager la recherche et le développement pour autonomiser l'approvisionnement en matières premières et développer des solutions innovantes.
Pour accompagner ces efforts, le Conseil recommande également de renforcer les
contrôles sanitaires par l’ONSSA, de promouvoir des mécanismes de couverture des risques, et de moderniser le cadre réglementaire pour intégrer les avancées scientifiques. Ces actions visent à consolider un secteur clé de l’économie marocaine, tout en répondant aux besoins croissants des
éleveurs et des consommateurs.