Économie

AYA : la nouvelle usine d’Anouar Invest pour booster l’agroalimentaire marocain

Le Maroc accélère sa marche vers la souveraineté alimentaire avec le lancement officiel d’Anouar Yieldest & Additives, une unité industrielle innovante dédiée à la production d’additifs pour la boulangerie. Porté par le Groupe Anouar Invest, ce projet mobilise un investissement de 480 millions de dirhams pour sa première phase, et s’inscrit dans une vision plus large de transformation agro-industrielle, en cohérence avec la Stratégie nationale de développement industriel et la feuille de route d'«Al Jayl Al Akhdar».

Ph. Seddik

10 Septembre 2025 À 16:45

Your browser doesn't support HTML5 audio

Ce projet industriel, centré sur la fabrication de levures fraîches et sèches, ainsi que d’améliorants alimentaires, constitue une réponse directe aux enjeux de dépendance aux importations, en particulier vis-à-vis de matières premières agricoles stratégiques. En valorisant des sous-produits locaux tels que la mélasse issue de la filière sucrière, AYA participe à la construction d’un modèle agro-industriel circulaire, à forte valeur ajoutée. Le projet vise également à se positionner sur des produits à haute technicité, notamment les extraits de levure, dont la production reste aujourd’hui maîtrisée par un nombre limité d’acteurs à l’échelle mondiale.



Lors de la cérémonie de lancement, El Hachmi Boutgueray, président d’Anouar Invest, a souligné la portée stratégique de ce projet à la fois pour la sécurité alimentaire nationale et pour la compétitivité industrielle du Maroc. Développé par des ingénieurs et talents locaux, le projet ambitionne de créer près de 500 emplois permanents et de substituer progressivement les importations de levures par une production marocaine durable.



Outre sa dimension économique, l’initiative répond aux impératifs environnementaux. L’unité respecte les normes écologiques les plus exigeantes, en intégrant l’énergie verte et un système rigoureux de traitement des effluents. Elle s’inscrit ainsi dans la dynamique de transition énergétique du pays, tout en consolidant les investissements industriels du groupe Anouar Invest.

Un marché à fort potentiel et une stratégie d’exportation ambitieuse

Selon Saad Bennani, directeur général d’AYA, le potentiel de valorisation des matières premières est considérable. Partant de la mélasse, dont le prix oscille entre 120 et 140 dollars la tonne, l’entreprise parvient à produire des extraits de levure pouvant atteindre jusqu’à 4.000 dollars la tonne. "C’est là une véritable valeur ajoutée", confirme le directeur général. Ces produits trouvent des débouchés dans des secteurs stratégiques comme l’agroalimentaire, la santé, la dermatologie ou encore la production pharmaceutique. Le développement de ces segments permettra à l’entreprise de franchir une nouvelle étape de son développement industriel, avec une deuxième phase d’investissement estimée à 650 millions de dirhams.

La portée du projet dépasse les frontières marocaines. En 2024, le marché mondial de la levure est estimé à 2,5 milliards de dollars. Omar Hejira, Secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, a confirmé le potentiel d’exportation des levures et produits dérivés , en particulier vers le marché africain estimé à 360 millions de dollars, ainsi que vers des pays partenaires dans le cadre des accords de libre-échange. Avec une capacité d’exportation actuelle de 3,3 millions de dollars, extensible à 8 millions grâce à cette nouvelle unité, le Maroc est en mesure de tripler ses volumes et de se positionner comme un fournisseur compétitif sur le marché mondial.

Une intégration cohérente dans la stratégie agricole nationale

Le ministre de l’Agriculture, Ahmed El Bouari, a salué cette initiative qu’il inscrit dans la stratégie d'« Al Jayl Al Akhdar », visant à promouvoir l’innovation, la transformation locale et la valorisation des filières agricoles. La création de la 48e filière Myoteknologie, annoncée lors de l’événement, dans la zone industrielle de Jorf Lasfar, vient renforcer cette dynamique. Elle permettra notamment de mieux intégrer les sous-produits agricoles dans le tissu industriel et de générer de nouvelles chaînes de valeur à haute intensité technologique.

Le ministre a aussi tenu à rassurer sur la disponibilité en eau, condition sine qua non du développement durable de ces projets. Il a rappelé que le programme de dessalement de l’eau de mer permettra de dégager des ressources supplémentaires pour l’agriculture, notamment pour la filière sucrière, en limitant la pression sur les ressources conventionnelles.

Avec AYA, le Maroc ajoute une brique essentielle à son édifice de souveraineté alimentaire, tout en jetant les bases d’une industrie de spécialités à forte intensité technologique. Ce projet, porté par une vision industrielle claire et alignée sur les objectifs environnementaux et sociaux du Royaume, symbolise l’évolution d’un tissu industriel marocain désormais capable de combiner compétitivité, innovation et durabilité.
Copyright Groupe le Matin © 2025