Saloua Islah
07 Octobre 2025
À 11:45
La production marocaine de
myrtilles et de
framboises est en forte croissance, alors que celle des
fraises recule sensiblement. Cette évolution traduit un repositionnement stratégique du secteur des
fruits rouges. Selon
Nabil Belmkaddem, directeur de la coopérative BestBerry, la dynamique actuelle s’explique par la demande européenne et par la rentabilité différenciée des cultures. Les producteurs marocains s’adaptent ainsi à un modèle où la myrtille et la framboise offrent des marges plus stables et des perspectives d’exportation plus larges.
« Les
fraises marocaines ne doivent pas être perçues comme une concurrence, mais comme un complément à la saison européenne », explique Belmkaddem, cité par
FreshPlaza lors du
Congrès international de la fraise 2025 à Anvers. Ce dernier rappelle que le secteur marocain des baies reste intimement lié à l’Europe : presque tous les
intrants, serres, systèmes d’irrigation, engrais, proviennent du continent européen, et une grande partie des récoltes y est destinée. Le
Maroc profite ainsi d’un triple avantage,
proximité géographique, climat favorable hors saison et
main-d’œuvre qualifiée, qui renforce sa compétitivité sur le marché communautaire.
Si les zones de production demeurent concentrées dans le nord et à Agadir, la carte agricole s’élargit progressivement.
Dakhla s’impose désormais comme un nouveau pôle, grâce à un vaste projet d’irrigation fondé sur le
dessalement de l’eau de mer. Parallèlement, une production estivale de myrtilles voit le jour dans
la région de l’
Atlas, permettant d’étaler les exportations sur une période plus longue et d’assurer un approvisionnement régulier des marchés.
Cette expansion géographique s’accompagne d’une transformation rapide des pratiques agricoles. Les surfaces consacrées aux myrtilles et aux framboises ne cessent de croître, tandis que la fraise perd du terrain. « Pour les producteurs, la myrtille est plus attractive : elle demande moins de technicité et offre une meilleure rentabilité, même si les investissements sont plus élevés », précise Belmkaddem. La filière s’appuie désormais sur
la modernisation des fermes,
la sélection de variétés performantes et
une coopération renforcée entre producteurs, stations de conditionnement et exportateurs.
Sur le plan commercial,
l’Europe et le Royaume-Uni absorbent la majeure partie des volumes exportés, suivis de loin par les
pays du Golfe. Les fraises surgelées, quant à elles, trouvent preneur en Amérique du Nord et en Asie. Le calendrier de production suit fidèlement la demande européenne : fraises de novembre à mars, framboises de septembre à juin, myrtilles d’octobre à juin. Ce découpage saisonnier permet au Maroc de combler les manques des marchés européens pendant leurs périodes de basse production.
Mais cette réussite n’exclut pas les défis.
Le changement climatique pèse lourdement sur la filière : sécheresse, vagues de chaleur et tempêtes réduisent les rendements et raccourcissent les saisons. À cela s’ajoutent la pression parasitaire, la raréfaction de la main-d’œuvre, conséquence directe de l’extension des superficies, et la hausse des coûts, aggravée par l’inflation et les exigences phytosanitaires européennes.
Malgré ces contraintes, la filière reste portée par
une dynamique d’investissement et d’innovation. « Avec l’introduction de nouvelles variétés, l’extension des pépinières locales et le développement de plants en plateaux plus grands, le
Maroc continue de répondre à la demande internationale », souligne Belmkaddem. À ses yeux, cette adaptation constante permettra au Royaume de consolider durablement sa place parmi les principaux partenaires européens du
marché des fruits rouges.