Dans le cadre du renforcement de la communication institutionnelle et de l’ouverture du ministère au grand public, le ministre de l’Enseignement supérieur,
Azzedine El Midaoui, a tenu une rencontre avec les médias nationaux ce mercredi au siège du ministère à Rabat. Placée sous le thème « Les jalons de l’Université de demain », cette séance a permis de présenter les dernières évolutions du secteur, les réformes en cours, les urgences persistantes et les principales réalisations engagées dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique.
Dès l’ouverture de son intervention, le ministre dévoile les chiffres de la rentrée 2025-2026 : plus de
338.500 nouveaux étudiants, portant les effectifs à
1,31 million, en hausse de 4,8 %. Le secteur public demeure prédominant, accueillant 87 % des étudiants, dont près de la moitié dans les filières juridiques, économiques et sociales. L’encadrement progresse mais reste sous pression, avec
18.726 enseignants-chercheurs, soit environ un pour 62 étudiants, ainsi que
8.058 cadres administratifs. Le pays compte désormais
453 établissements d’enseignement supérieur, un réseau élargi au fil des années mais encore insuffisant face à la demande croissante. Selon le ministre, les nouvelles créations annoncées répondent à cette dynamique et visent à combler les manques les plus urgents.
Vers la fin des facultés surdimensionnées
À
Al Hoceima, trois établissements verront ainsi le jour : une École supérieure de technologie, une Faculté des sciences juridiques et politiques et une École nationale de commerce et de gestion. À
Settat et Berrechid, l’Université Hassan Ier renforcera ses capacités avec une École nationale d’intelligence artificielle et de digitalisation, une École supérieure de technologie, une Faculté des sciences juridiques et politiques et une École supérieure de sociologie, psychologie et anthropologie. À
Taounate, l’Agence des plantes médicinales sera transformée en École supérieure de technologie et la Faculté pluridisciplinaire deviendra une Faculté des sciences juridiques et politiques.
Le ministre insiste sur le fait que ces reconfigurations répondent à une pression devenue intenable dans les grandes facultés à accès ouvert, où certaines universités dépassent les
cinquante mille inscrits. La multiplication d’écoles spécialisées et le redéploiement des filières sur plusieurs sites doivent, selon lui, mettre fin au modèle des
« méga-facultés », qui concentre les flux au détriment des conditions d’apprentissage.
Au cœur de cette recomposition, le projet de
loi 59-24 demeure l’un des textes les plus controversés. Le ministre reconnaît la polémique qu’il suscite, mais choisit de l’aborder avec optimisme, y voyant le signe d’un débat nécessaire sur l’avenir de l’université publique. Il rappelle que le texte, actuellement examiné au Parlement, est né d’un constat qu’il résume ainsi : « le système ne pouvait plus avancer sans un cadre juridique rénové et surtout adapté aux exigences actuelles de gouvernance et de qualité », où l’étudiant doit pouvoir « s’informer dans les meilleures conditions ».
Un modèle pédagogique repensé autour des compétences et des langues
La réforme pédagogique, l’un des chantiers majeurs du nouveau projet de loi, repose sur le réaménagement de
2.586 filières et la création de
366 nouvelles. Le
Bachelor en technologie, accrédité dans cent filières, devient l’innovation majeure du cycle technologique. Le
taux d’accès au Master progresse de 30 à 50 %, évolution présentée comme « une avancée importante ». Les
Career Centers, destinés à accompagner les étudiants vers l’emploi, seront généralisés dans toutes les universités. Le ministre précise que ces évolutions n’ont de sens que si elles s’inscrivent dans « une révision cohérente », déjà engagée dans la nouvelle loi, concernant les cahiers de normes pédagogiques des
cycles Licence et Master ainsi que les filières à accès régulé.
Ces nouveaux référentiels imposent l’apprentissage de modules en langues étrangères sur quatre semestres et intègrent un module obligatoire en arabe pour consolider les fondamentaux dans toutes les filières. Une unité consacrée à
l’intelligence artificielle sera par ailleurs introduite dans les parcours, avec l’objectif de familiariser les étudiants aux principes, aux outils et aux applications de l’IA. Conscient des difficultés linguistiques auxquelles fait face une large frange d’étudiants, le ministre met également en avant
E-Logha-Sup, une plateforme 100% marocaine dédiée à l’apprentissage linguistique en
amazighe, arabe, français, anglais et espagnol. Conçue selon les standards du CECRL, cette solution numérique vise à renforcer les compétences linguistiques tout au long du parcours universitaire. Son lancement officiel est prévu le 29 novembre 2025 à Dakhla.
L’alignement de l’offre de formation sur les besoins nationaux se traduit par une priorité donnée à la médecine, à la pharmacie, à la cybersécurité, à la technologie et à l’industrie, identifiés comme secteurs stratégiques. Cette orientation apparaît clairement dans les chiffres :
27.190 nouvelles places sont ouvertes dans les
formations numériques, contre 22.649 l’an dernier, et
10.841 en médecine, soit une progression de 33 %. Le ministre parle d’une
« logique d’anticipation » face à la hausse continue des besoins du système de santé et de l’économie numérique.
Un dispositif national unifié pour la recherche scientifique
Sur la
recherche scientifique, le projet de loi 59-24 introduit pour la première fois un dispositif structuré entièrement consacré à la recherche, redéfinit les acteurs, encadre les structures, organise la valorisation et met en place une propriété intellectuelle alignée sur les standards internationaux. Le Maroc gagne neuf places dans le
Global Innovation Index et se hisse à la 57ᵉ position sur 139 pays, après la 66ᵉ place l’an dernier. Une progression que le ministre salue, tout en refusant d’y voir un motif d’autosatisfaction. Pour dresser l’état des lieux en 2025, le ministère met en avant
47.743 doctorants, 24.133 enseignants-chercheurs,
18.469 publications indexées, 4.458 thèses soutenues et
240 brevets déposés. Des résultats qui « sont peu au regard des attentes », reconnaît-il. Il rappelle que la
Stratégie nationale de la recherche 2026-2035 prévoit une restructuration des unités, un référentiel national de qualité, la création de pôles universitaires d’innovation et l’installation de représentations régionales des UATRS. Un appel à projets de
115 millions de dirhams permettra d’équiper les laboratoires en matériel scientifique avancé.
En termes de financement, le ministère poursuit la mise en œuvre du
Programme national d’Appui à la Recherche, au Développement et à l’Innovation (PNARDI 2025-2028), doté d’
un milliard de dirhams en partenariat avec la Fondation OCP. L’édition 2024 enregistre 1.252 projets retenus selon 4 programmes. Les bourses doctorales suivent la même évolution : leur couverture, passée de 40 % entre 2022 et 2024 à
70 % en 2025, vise les 100 % dès l’année prochaine, affirme le ministre.
S’agissant de la vie estudiantine, le ministère souligne que les résidences universitaires offrent aujourd’hui
59.780 lits, en progression de 7 %. Un chiffre que le ministre juge toutefois très insuffisant, rappelant que le niveau attendu devrait dépasser les
500.000 lits pour répondre aux besoins réels des étudiants. Pour répondre à cette pénurie, cinq nouvelles résidences viendront ajouter 7.500 lits, tandis qu’un nouveau modèle de cités universitaires en
partenariat public-privé est en préparation, avec l’ambition d’atteindre
100.000 lits par an. Parallèlement, les infrastructures sportives, culturelles et sanitaires poursuivent leur montée en capacité : les centres de santé universitaires élargissent leurs services, la restauration universitaire a dépassé
14,5 millions de repas distribués en 2024/2025 et les
bourses enregistrent un taux de satisfaction de
95 %, soit
429.000 bénéficiaires.En clôture, le ministre appelle à une
mobilisation collective, estimant que la transformation de l’université ne peut reposer sur le seul ministère. À ses yeux, ce chantier nécessite
un engagement durable, une
coordination réelle et la reconnaissance du rôle stratégique de l’université publique dans le développement du pays. Il inscrit enfin cette dynamique dans la continuité des
Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et dans les attentes d’une jeunesse en quête d’équité, de qualité et de perspectives concrètes.