Fête du Trône 2004

Une relation franche et pas pour autant bloquée

Quand ils vont se retrouver lundi en sommet à Berlin, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel devraient parler franchement : un rapport que, malgré leurs caractères opposés, ils ont su nouer ces derniers mois et un atout pour le lien franco-allemand, jugent les experts.

Sarkozy-Merkel : le poids des styles. Photos : www.zeit.de/ www.lejdd.fr

11 Novembre 2007 À 17:37

Tout a été dit dans la presse des deux pays sur la mauvaise relation présumée qu'entretiendraient l'impulsif président et la chancelière réservée. On a parlé de "crise profonde" et rapporté que Merkel "tapait sur les nerfs" de Sarkozy. Ce serait le clash de deux personnalités exprimant franchement leurs vues, l'une avec l'esprit analytique d'une scientifique, l'autre avec la passion fougueuse de l'homme d'action.

Sur la Banque centrale européenne (BCE), la politique industrielle, le nucléaire, certaines initiatives unilatérales de la diplomatie française, une certaine nervosité a été relayée par des hommes politiques de la coalition gouvernementale allemande.

Les désaccords sont normaux et n'empêchent pas la relation franco-allemande d'être solide et multiforme, répète-t-on tant à Paris qu'à Berlin.

M. Sarkozy avait qualifié de "très franc" l'échange avec Mme Merkel au sommet de Meseberg, en septembre. Le porte-parole du gouvernement français, Laurent Wauquiez, avait expliqué que "la personnalité de Mme Merkel, qui est une femme de l'Est avec toutes ses qualités, est un changement" nécessitant une accoutumance, et contraste avec les autres chanceliers issus de l'ouest de l'Allemagne.

Un nouveau rapport dans lequel "on ne cache pas les divergences" et "on met les conflits sur la table", s'est instauré, plus fructueux sans doute que le dialogue consensuel des ultimes rencontres entre Jacques Chirac et Gerhard Schröder, estime Martin Koopmann, expert des relations franco-allemandes à la Société allemande de politique étrangère (DGAP).

Un succès a été par exemple à Toulouse en juillet l'accord sur le partage des postes de direction au groupe aéronautique et de défense EADS.

"Angela Merkel, qui n'est pas marquée par la tradition de l'ex-RFA, est comme Sarkozy prête à des ruptures. Pragmatique, elle est prête à redéfinir (les problèmes) et est à la recherche d'issues nouvelles", estime Martin Koopmann.

"Quand ça marche trop bien en apparence, c'est bloqué. Quand ça ne marche pas trop bien, c'est là que ça avance", résume pour sa part Ulrike Guerot, du think tank "Conseil européen pour les affaires étrangères".

"La France est de nouveau là, réactive, apportant de bonnes idées, même si l'Allemagne parfois n'est pas toujours trop d'accord", ajoute-t-elle.

L'atlantisme et le rapprochement avec les Etats-Unis réunit en outre les deux dirigeants qui se sont succédé auprès du président George W. Bush.

Angela Merkel est aussi attentive à l'approche européenne de Sarkozy, qui a aidé en juin à un accord des 27 sur un traité simplifié, tout en ayant tendance à s'en attribuer le succès. "Le président français ne néglige pas l'Europe (....). La question est: a-t-il de bonnes idées pour l'Europe ou veut-il se servir de l'Europe", observe Ulrike Guérot.

Quant à une querelle pour un leadership en Europe, elle n'y croit pas: Merkel est "la plus ancienne", et, à côté d'elle, Sarkozy "doit encore faire la preuve de ses réformes" sur le plan intérieur.

La vraie divergence de fond récurrente entre Paris et Berlin, "quel que soit le chancelier", tient à l'attachement profond allemand au multilatéralisme dans le cadre de l'Onu et en Europe, "l'Allemagne refusant de faire cavalier seul", note Martin Koopmann.

Merkel et Sarkozy peuvent donc s'estimer malgré leurs différences. Ils "partagent un même volontarisme et un même pragmatisme. Qu'ils se disent la vérité, qu'ils ne se dissimulent plus derrière des faux semblants n'est pas un risque, c'est une chance!", avait commenté le chef du gouvernement français François Fillon.
Copyright Groupe le Matin © 2025