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Une grande ville d'Indonésie menacée d'une super-catastrophe

Des scientifiques internationaux s'inquiètent de la menace croissante d'un séisme ou d'un tsunami dévastateur dans la ville indonésienne de Padang, qui compte 800.000 habitants.

14 Novembre 2007 À 09:57

Ce port de la côte ouest de Sumatra à environ 400 kilomètres de Singapour et 850 kilomètres de Jakarta, est situé entre deux lignes sismiques : la Grande faille continentale de Sumatra et une subduction océanique.

La subduction est surtout jugée préoccupante: la friction sous-marine des plaques tectoniques indo-australienne et eurasienne, qui se rapprochent à la vitesse de cinq à six centimètres par an, est susceptible de causer, dans un avenir proche, des dizaines voire des centaines de milliers de morts à Padang.

Les sismologues découpent en effet la subduction le long de Sumatra en différents "segments". Ces segments accumulent de plus en plus de tension, qu'ils libèrent brusquement par un tremblement de terre, explique Christophe Vigny, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Or un relevé des derniers séismes -y compris un en septembre au sud de Sumatra et celui du 26 décembre 2004 au nord qui a généré un terrible tsunami dans l'océan Indien- montre que les segments ont tous "craqué", sauf celui de Padang.

"Le séisme de 2004 a rompu 1.200 km de faille à partir de 3° (de latitude) nord. Le séisme de 2005 a rompu 400-500 km en face de Nias (en gros de -1° à +3°). En 2000 un plus petit séisme avait rompu environ 100 km entre -6° et -5°. La dernière séquence de séismes a rompu à première vue 300 km de faille entre -5° et -2°", détaille M. Vigny.

"Conclusion, toute la subduction a cassé, depuis 6° sud jusqu'à la mer d'Andaman vers 12-14° nord... sauf un petit morceau de 100-200 km juste en face de Padang", ajoute ce chercheur de retour de Sumatra.

Selon Danny Hilman Natawidjaja, de l'Institut indonésien des sciences, la secousse tellurique frappant Padang pourrait atteindre une magnitude de 8,5 à 8,9. De nombreux bâtiments s'effrondreraient avant même l'arrivée d'un tsunami.

Le bilan des victimes "dépendra du nombre de personnes ayant réussi à fuir", mais la pire des projections prévoit un tsunami de 5,5 mètres de haut s'enfonçant de deux kilomètres dans la ville, la ravageant à moitié.

Pour Kerry Sieh, géologue spécialiste de Sumatra à l'Institut de technologie de Californie, une telle catastrophe est "très probable".

"Le plus dur à faire est de changer les infrastructures afin de réduire l'effondrement des bâtiments et les pertes humaines et matérielles dues au tsunami", assure-t-il à l'AFP.

Fauzi, de l'Agence de météorologie et de géophysique (BMG) indonésienne, rappelle-lui que les experts "n'ont pas la capacité de prédire la date de ce séisme".

Depuis le tsunami du 26 décembre 2004, qui avait fait près de 168.000 morts à Sumatra, la communauté internationale a investi environ 60 millions de dollars pour construire un système d'alerte anti-tsunami dans l'océan Indien. La majorité de la somme est allée à l'Indonésie.

L'objectif est d'installer à terme un dispositif global, efficace en moins de quinze minutes (temps d'arrivée d'un tsunami à Sumatra), associant des sismographes, des bouées détectrices, des alertes diffusées par les médias et par SMS et des sirènes sur la côte.

Mais la bureaucratie indonésienne a retardé la mise en place. Padang compte seulement six sirènes de littoral.

A Padang est aussi envisagée l'édification de collines artificielles ou de tours où pourraient se réfugier la population, indique Tabrani du Bakornas, l'organisme national de coordination des secours.

Michael Rottmann, chargé du système d'alerte anti-tsunami à l'Unesco, met en garde contre le danger de fausses alertes.

"La situation est très difficile à Padang en raison de la densité. Comment voulez-vous évacuer tant de gens? Je ne crois pas qu'il soit possible de demander à la population de s'enfuir à pied au milieu des embouteillages".
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