Le ballet a su trouver sa place avec la Révolution
Au pays de la salsa et de la rumba, le ballet ne semblait guère avoir sa place mais cet art raffiné, parfois considéré comme étant réservé à une élite, est pourtant devenu une institution à Cuba... grâce à la Révolution.
AFP
30 Octobre 2008
À 09:16
Pour le 60e anniversaire de la création du Ballet national de Cuba, une série d'activités ont été organisées pour rendre hommage à ses danseurs et artisans, et surtout à sa fondatrice Alicia Alonso qui, à 87 ans et malgré une cécité partielle, continue de diriger la compagnie.
"Le Ballet national de Cuba, c'est une institution emblématique de la culture cubaine", a souligné le ministre de la Culture Abel Prieto, lors de l'ouverture cette semaine du Festival international de ballet, avant de lire une lettre du "Comandante" et ex Président Fidel Castro, 82 ans, à Mme Alonso.
Car l'histoire du ballet cubain se confond avec celle d'Alicia Alonso, chorégraphe et danseuse qui a commencé à perdre la vue à l'âge de 20 ans en raison d'une grave maladie et devait, à la fin de sa carrière de danseuse, se guider sur scène grâce aux lumières et aux voix de ses partenaires.
En 1948, elle a fondé avec son mari la première compagnie professionnelle de Cuba qui est devenue le Ballet national de Cuba après la Révolution de 1959 orchestrée par Fidel Castro.
"Le Ballet était auparavant destiné à l'élite de la société cubaine et particulièrement de La Havane. C'était un hobby de riches. La révolution a apporté le ballet au peuple, et ce dans tout le pays en permettant l'ouverture d'écoles et des tournées de compagnies", assure Magaly Diaz, membre du Comité organisateur du Festival qui se termine le 6 novembre.
C'est pourquoi le Festival assure selon elle des représentations à Matanzas (100 km à l'est de la Havane) et La Tunas (est). La ville de Camaguey (530 km à l'est de La Havane) compte par ailleurs sa propre compagnie de ballet.
Le ballet a commencé vraiment à se développer au début du XXe siècle à Cuba grâce à l'arrivée d'immigrants européens, notamment de Russes, explique Raul Ochoa, conservateur au Musée de la Danse de la Havane, mais sans pouvoir dire si certains de ces Russes avaient fui la Révolution bolchevique de 1917.
Mme Alonso a, elle-même, étudié dans une école de danse de La Havane, pour jeunes filles de la bonne société, avant de continuer sa formation à New York, avec notamment Alexandra Fedorova, et d'y entamer sa carrière.
En 1956, sous la dictature de Fulgencio Batista, la compagnie de Mme Alonso, "soupçonnée de sympathies communistes", avait perdu "le peu de subsides qu'elle recevait de l'Etat cubain", assure M. Ochoa. "Batista voulait qu'elle mette son art au service de sa politique", dit-il.
L'histoire raconte, toujours selon M. Ochoa, que Fidel Castro, l'homme au cigare et à la barbe qui venait avec ses guérilleros de renverser Batista, est venu frapper à la porte de la résidence des Alonso dans la capitale pour offrir l'"appui de la révolution".
Et le "hasard" a fait selon M. Ochoa que, peu de temps après, la révolution allait trouver un allié de poids en l'URSS, où le ballet était aussi et reste dans la Russie post-soviétique une institution.
Le ballet cubain se distingue, selon des experts, par une certaine influence afro-cubaine, même si sur scène ou dans le public, les noirs ou mulâtres, qui forment une grande partie de la population cubaine, restent très minoritaires.
"Les noirs, ils préfèrent la salsa", affirme un spectateur venu assister à l'ouverture du Festival en la présence rare du Président Raul Castro.
Mais pour Maria Fernandez, une fonctionnaire, "tous les Cubains aiment la danse et la musique. Et même si ce n'est pas tout le monde qui comprend le ballet, je pense que tous les Cubains apprécient de voir bouger les danseurs avec autant de grâce".