Le calendrier électoral de la junte accueilli avec circonspection
Le régime des généraux en Birmanie a dévoilé ce week-end un calendrier électoral assez précis (référendum constitutionnel en mai prochain, législatives en 2010) mais cette annonce surprise s'est heurtée à des doutes immédiats sur la crédibilité du processus.
Aung San Suu Kyi élancée et préfère les vêtements traditionnels Myanmar verse des égards sur la tombe de son père assassiné, héros de la libération. (Photos : AFP)
AFP
11 Février 2008
À 09:58
La Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale, a réagi avec circonspection, rappelant que "la transition vers la démocratie requiert la participation de toutes les composantes politiques" et que l'armée au pouvoir devrait d'abord libérer l'opposante Aung San Suu Kyi et tous les autres détenus.
Quatre mois et demi après la répression brutale d'un mouvement de protestation populaire conduit par des moines bouddhistes, des analystes birmans et des diplomates occidentaux sont convaincus que le régime militaire cherche à appliquer sa propre "feuille de route" politique en vue d'une "démocratie disciplinée" et à "gagner du temps" en annonçant des dates "un peu plus précises".
Depuis les événements de la fin septembre, la junte est soumise à une certaine pression internationale et un durcissement des sanctions occidentales. Cela ne l'a pas empêchée de poursuivre les arrestations d'opposants et de restreindre encore plus les libertés, ont ajouté ces experts.
La Ligue nationale pour la démocratie (LND), dont la dirigeante Aung San Suu Kyi est engagée depuis octobre dans un dialogue timide et apparemment frustrant avec un représentant de la junte, s'est déclarée "surprise" que les généraux aient fixé 2010 pour des législatives, sans savoir si le référendum constitutionnel de mai prochain serait "un succès".
En plus, "2010 ce n'est pas demain", a ironisé un diplomate à Rangoun.
Toute élection ne voudra rien dire tant que l'opposition sera réprimée et qu'elle n'aura pas droit à la parole, ont déclaré des dissidents en exil et des analystes. Selon Amnesty International, quelque 700 personnes ayant manifesté l'année dernière ont rejoint les 1.150 prisonniers politiques de Birmanie.
"Si le mouvement d'opposition est si faible en ce moment, c'est parce que nombre de ses membres sont enfermés", a dit Sean Turnell, spécialiste de la Birmanie à l'université Macquarie de Sydney.
Mme Suu Kyi a multiplié ces dernières semaines les appels du pied en direction des nombreuses minorités composant la Birmanie mais, étant privée de liberté, sa marge de manoeuvre est extrêmement limitée, alors que le régime a conclu des accords avec des groupes ethniques et qu'il dispose d'une organisation de masse, l'USDA, susceptible d'influencer le processus électoral, ont rappelé d'autres analystes.
La Birmanie est gouvernée par des juntes successives depuis 1962.
Mme Suu Kyi, 62 ans, lauréate du Prix Nobel de la Paix, a été assignée à résidence pendant la majeure partie des 18 dernières années.
En 1990, la LND avait largement remporté des élections législatives, deux ans après une première révolte écrasée dans le sang, mais les généraux avaient refusé de transférer le pouvoir et Mme Suu Kyi avait été arrêtée.
La junte actuelle, dirigée par le généralissime Than Shwe (74 ans), a de fait largement contrôlé le processus d'élaboration du projet de Constitution qui devrait être soumis à référendum en mai.
Les grandes lignes du texte qui garantit un rôle prépondérant à l'armée avaient été approuvées début septembre par une Convention Nationale dont les délégués, triés sur le volet, s'étaient réunis à intervalles irréguliers depuis 1993.
La LND avait boycotté les travaux pour protester contre la détention de Mme Suu Kyi. Tous les membres de la Commission chargée de rédiger le projet de Constitution ont été nommés par la junte.
Mme Suu Kyi pourrait être empêchée de se présenter à une élection présidentielle en raison d'une clause interdisant aux candidats mariés à des étrangers de briguer cette fonction. L'opposante a été l'épouse du Britannique Michael Aris, décédé d'un cancer en 1999.