Des incidents violents ont fait au moins trois morts et plusieurs blessés lundi en marge d'une grève à Douala, capitale économique du Cameroun, dans un climat déjà tendu par la volonté du pouvoir d'autoriser le président Paul Biya à briguer un nouveau mandat.
Les habitants quartier Akwa de Douala après les raids des magasins appartenant à des commerçants chinois. (Photo : AFP)
AFP
26 Février 2008
À 07:55
Des incidents ont éclaté en début de matinée entre des manifestants et la police dans plusieurs quartiers de la ville, désertée par les taxis en grève ainsi que par l'essentiel des véhicules privés.
"Il y a eu trois morts", a déclaré le ministre de la Communication Jean-Pierre Biyiti Bi Essam dans une allocution télévisée en soirée.
Toutefois, un journaliste de "La Nouvelle expression" un des quatre quotidiens privés camerounais installé à Douala a assuré à l'AFP qu'il avait personnellement vu quatre cadavres -un adolescent, une femme et de deux hommes- dans le quartier de Bonaberi.
Ces quatre morts s'ajoutent à deux autres victimes tuées par balle dans un autre quartier, Bessengué, selon des propos convergents d'un témoin visuel et d'un autre journaliste camerounais qui a confirmé à l'AFP que les corps de ces deux victimes étaient arrivés à la morgue de l'hôpital Laquintinie.
Par ailleurs, plusieurs hommes blessés par balles ont été acheminés vers cet hôpital, a constaté une journaliste de l'AFP. L'un, touché à la poitrine, était transporté sur un pousse-pousse, un autre sur une civière.
Selon des témoins, des manifestants ont pris place à plusieurs carrefours de Douala, ainsi qu'à la sortie de la ville sur l'axe menant à Yaoundé, la capitale, où ils ont brûlé des voitures et des pneus et où les forces de l'ordre tentaient de les disperser.
D'autres bandes de jeunes, souvent armés de bâtons, ont pris d'assaut les commerces. Dans le quartier d'Akwa, des jeunes ont pillé des magasins appartenant à des Chinois. "Il faut qu'ils (les Chinois) partent", a lancé un pillard.
"Des stations-service et magasins ont été pillés à l'entrée de la ville", a déploré le ministre de la Communication.
Plusieurs bâtiments administratifs du Ve arrondissement de Douala, dont la mairie, ont également été "détruits", a rapporté la radio publique.
En milieu d'après-midi, un certain calme précaire était revenu. Mais des incidents ont été également signalés dans plusieurs autres ville de l'ouest du Cameroun.
Douala, principal port du Cameroun, avait été paralysée dès le début de la matinée. Craignant les débordements à l'occasion de l'appel à la grève des transporteurs, la plupart des trois millions d'habitants de la ville ont préféré rester chez eux, et les échoppes sont demeurées fermées.
Mais le mouvement a rapidement dépassé la simple protestation contre l'augmentation du prix du carburant et des produits de première nécessité.
"Ah! c'est ça la démocratie! Voilà où en est arrivé le Cameroun", s'est exclamé un homme au passage d'un blessé qui se rendait à l'hôpital.
"Biya doit partir", a résumé un autre.
Cette grève intervient dans une atmosphère politique déjà lourde. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) du président Biya milite désormais ouvertement pour une révision de la Constitution dont le principal effet serait d'autoriser le chef de l'Etat, au pouvoir de 1982, à briguer un nouveau mandat en 2011.
Paul Biya a donné son feu vert implicite à la révision début janvier, en estimant que l'actuelle Constitution apportait "une limitation à la volonté populaire (...) qui s'accorde mal avec l'idée même de choix démocratique".
L'opposition dénonce ce projet. Mais le pouvoir a interdit depuis la mi-janvier toute manifestation dans la région de Douala, bastion traditionnel des opposants.
Samedi, en marge d'un rassemblement à l'appel du Social Democratic Front (SDF), principal parti d'opposition, un homme d'une vingtaine d'années a été tué par balles lors d'affrontements entre manifestants et policiers.