Quand Hitler rêvait de faire de Linz sa capitale européenne
La ville autrichienne de Linz, capitale européenne de la Culture en 2009, se souvient dans une exposition avoir déjà porté ce titre : Adolf Hitler, qui y a grandi, avait rêvé d'en faire la vitrine culturelle nazie de son Reich de mille ans.
Linz a été la capitale de la province de Haute-Autriche depuis 1490. Il est la troisième plus grande ville en Autriche. (Photo : ase.cs.uni-essen.de)
AFP
07 Octobre 2008
À 09:32
"Nous voulons, en amont des festivités, affronter avec honnêteté le chapitre du nazisme, qui a été décisif dans l'histoire de Linz", indique à l'AFP le Suisse Martin Heller, responsable du programme de Linz-2009.
Cité de second rang alanguie aux bords du Danube, Linz accueillit avec ferveur l'avènement de Hitler à son arrivée au pouvoir en Allemagne en 1933 et lors de l'Anschluss (annexion) de l'Autriche au IIIe Reich en 1938.
"Hitler a représenté pour Linz un formidable espoir de quitter son statut de petite ville provinciale", rappelle Birgit Kirchmayr, commissaire de l'exposition "Linz, Capitale culturelle du Führer", présentée jusqu'au 22 mars au château de Linz, où Hitler avait d'ailleurs prévu de passer ses vieux jours.
Né en 1889 à Braunau-am-Inn près de l'actuelle frontière bavaroise, le dictateur avait érigé en "ville du Führer", comme Berlin, Hambourg, Munich et Nuremberg, cette petite ville industrielle du nord de l'Autriche où il vécut de l'âge de 10 à 18 ans. Il l'avait baptisé sa "Heimatstadt", son foyer.
"Il a très tôt nourri l'utopie fasciste d'en faire la capitale culturelle de son empire", rappelle M. Heller.
Linz, qui compte moins de 200.000 habitants aujourd'hui, devait ainsi être dotée d'artères de prestige, d'un opéra impérial et surtout d'un gigantesque "Führermuseum" destiné à abriter la collection personnelle d'art de Hitler.
Seul un de ces projets a été réalisé: un imposant pont sur le Danube, Nibelungenbrücke, dont il rêvait depuis l'âge de 15 ans.
Linz et sa région furent en revanche très vite dotées d'une industrie de pointe, le complexe métallurgique des Usines Hermann-Göring, aujourd'hui Voest-Alpine, et d'un archipel de camps de la mort, à commencer par celui de Mauthausen, où périrent quelque 100.000 déportés.
"En dépit de ses ambitions culturelles pour +sa+ ville, ce sont ces projets qui ont eu la véritable priorité", souligne Mme Kirchmayr.
Hitler a cependant cru jusqu'au bout à sa chimère: quelques jours avant son suicide en avril 1945, il contemplait encore, du fond de son bunker berlinois, une maquette représentant la Linz de ses rêves, et confiait dans son testament que la réalisation du Führermuseum représentait son "plus grand souhait".
Le gouverneur de la province de Haute-Autriche, dont Linz est la capitale, Josef Pühringer, a assuré que "personne" ne versait "la moindre larme" sur les projets avortés du dictateur.
Ce passé n'en reste pas moins encombrant: cet été, la municipalité a dû retirer en catastrophe une statue d'Aphrodite d'un jardin public après qu'elle se fut révélé avoir été un "cadeau personnel" de Hitler à sa ville.
Linz fait par ailleurs toujours face à des demandes de restitution de deux toiles de Klimt et de Nolde présumées volées par les nazis.
"Nous ne voulons pas occulter le passé. Mais Linz-2009 se veut aussi et avant tout un regard vers le futur", indique M. Heller, par ailleurs impliqué à titre personnel dans un projet de mémorial de la Shoah à Drancy (France).
La ville autrichienne, qui partage le titre de capitale européenne de la Culture 2009 avec Vilnius (Lituanie), présentera au cours de l'année plusieurs dizaines d'événements culturels, notamment en coopération avec le festival d'art vidéo Ars Electronica.