Fête du Trône 2004

L'anglais, une langue encore très étrangère dans les rues de Pékin

Mieux vaut parler mandarin ou savoir s'exprimer avec les mains. Car à Pékin, l'anglais ne sert quasiment à rien, malgré d'énormes efforts promis par les autorités en vue des Jeux Olympiques.

«La première chose qui va frapper les visiteurs, ce ne sera peut-être pas nos coutumes intéressantes, mais le ‘chinglish' sur nos enseignes». (Photo : www.lesoir.be)

23 Juillet 2008 À 09:16

Cours intensifs pour les volontaires olympiques, formation des chauffeurs de taxis, manuel de traduction pour les restaurateurs : annoncées au fil des mois, ces mesures restent difficiles à apprécier pour le visiteur.

"Welcome to take Beijing taxi" ("Bienvenue de prendre un taxi de Pékin"), lance une voix enregistrée dès la mise en route du compteur. La phrase, incorrecte, est répétée des milliers de fois par jour dans les artères de l'immense capitale. Et nombre de chauffeurs, s'ils rivalisent de "bye bye" souriants, ne parlent pas un traître mot d'anglais.

Toujours s'armer d'une carte de visite, où figure l'adresse en chinois. A défaut, il faut dégainer son téléphone portable, appeler un ami bilingue ou l'hôtesse d'accueil du lieu de destination et passer le combiné au chauffeur pendant qu'il zigzague entre voitures, deux-roues et piétons.

Zhan Zhuang, la quarantaine, s'appuie nonchalamment contre sa voiture pendant une pause cigarette. Interrogé sur sa maîtrise de l'anglais, il débite : "Ca va? C'est votre première visite à Pékin? Vous venez d'où? Beau pays! Vous aimez le shopping?". Sourire de crooner pour dire "ça vous va?".

Selon les chiffres officiels, plus de 250 millions de Chinois étudient la langue, soit un cinquième de la population. Mais à Pékin, dans la rue, peu la parlent. Même dans les hôtels, restaurants et autres commerces à forte clientèle étrangère, l'anglais est aléatoire.

Certains ont visiblement appris par cœur une série de phrases, parfois assez élaborées, mais perdent tous leurs moyens dès que l'on sort du scénario.

"Veuillez s'il vous plaît vous déshabiller et enfiler cet ensemble. Mettez vous à l'aise, je reviens dans un instant", récite dans un anglais parfait une employée d'un salon de massage chic. Mais la moindre question suscite rire gêné et regard paniqué.

Les enseignes bilingues des magasins, ou les menus de restaurants, réservent aussi de sacrées surprises. Que penser d'une gargote qui promet de "faire exploser votre estomac" en devanture? Un "poulet sans vie sexuelle" ou une "tranche de poumon de mari et femme" sauront-ils aiguiser votre appétit?

L'Internet regorge de sites consacrés au "chinglish", ce délicieux anglais pratiqué en Chine, mélange de poésie et d'absurde, lié aux caprices de logiciels de traduction mais aussi au décalage culturel entre deux manières de penser.

Les étrangers sinophones peuvent s'amuser à décrypter l'origine d'une maladresse de traduction. Mais le nouveau venu se contentera d'écarquiller les yeux, cet anglais fantaisiste contribuant paradoxalement à son sentiment de dépaysement.

Les autorités chinoises, elles, ne trouvent pas ça drôle du tout. "Ces traductions effraient ou mettent mal à l'aise les étrangers et peuvent créer des malentendus, notamment sur les habitudes alimentaires en Chine", met en garde l'agence Chine Nouvelle.

"La première chose qui va frapper les visiteurs, ce ne sera peut-être pas nos coutumes intéressantes, notre architecture unique ou nos plats savoureux, mais le ‘chinglish' sur nos enseignes", s'affolait l'an dernier le China Daily.

Pour remettre un peu d'ordre avant l'arrivée de centaines de milliers de visiteurs en août, la ville a déployé des inspecteurs chargés de répertorier et corriger les intitulés douteux ou incompréhensibles.

Et un manuel de 170 pages, contenant plus de 2.000 suggestions de noms de plats, a aussi été distribué aux restaurateurs.
Copyright Groupe le Matin © 2025