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La classe moyenne chinoise entre colère et résignation

Le scandale du lait frelaté en Chine rappelle douloureusement à la classe moyenne chinoise la face noire de cette forte croissance qui lui permet de consommer et de jouir d'une vie plus facile.

Des familles attendaient un traitement pour leur bébé malade, dans un hôpital de Hangzhou, dans l'est de la Chine. (Photo : AFP)

20 Septembre 2008 À 07:51

"Je crois que beaucoup de gens ont le cancer maintenant en raison de la nourriture que nous mangeons", dit Cathy Wang, propriétaire d'une boutique de bijoux à Pékin, la quarantaine.

Elle boit du thé dans un des lieux les plus emblématiques de cette classe moyenne chinoise, un café Starbucks, privé temporairement de lait en raison de la crise provoquée par la découverte de mélamine, une substance chimique toxique.

Certains cafés de la capitale proposent depuis samedi des cappuccinos au lait de soja...

Pour Mme Wang, ceux qui étaient chargée de contrôler la qualité du lait doivent être sévèrement punis.

"Que peut faire d'autre le gouvernement s'il ne peut pas garantir la santé des citoyens", demande-t-elle, ajoutant: "Rien n'est plus important que la vie et elle doit être respectée, c'est un des droits de l'homme essentiel".

La crise a débuté par l'annonce de la découverte de mélamine, ajoutée illégalement pour faire croire à un taux élevé de protéines, dans du lait en poudre, provoquant la mort d'au moins quatre bébés et une psychose.

Puis une enquête nationale a permis de déceler également le produit chimique, utilisé notamment pour fabriquer le plastique, dans du lait classique vendu par trois plus grandes sociétés laitières chinoises.

"Nous avons eu du riz frelaté, du porc où avait été injecté de l'eau, les poulets avec la grippe aviaire, maintenant c'est le lait. Si nous faisons trop attention, nous ne pourrons plus rien manger", dit Huang Yan, 30 ans, dans un autre café Starbucks, mais à Shanghai, à 1.000 km de Pékin.

"Qui sait combien de produits chimiques il y a dans notre nourriture? Tant que nous vivons dans ce pays, cette ville, nous devons accepter cette réalité", dit Huang, fataliste.

Depuis quelques années, le gouvernement central affirme vouloir réparer les dégâts provoqués par près de 30 ans de politique d'ouverture et de réformes.

La croissance a explosé, mais aussi les atteintes à l'environnement et à la santé des citoyens.

Dans un supermarché de Pékin, Cui Hongchun, un journaliste de 36 ans, regarde, avec un brin de scepticisme, les promotions sur les produits laitiers.

"Est-ce que quelqu'un va se risquer à acheter?", demande-t-il.

Boire du lait est relativement récent en Chine, une habitude encouragée par l'élévation du niveau de vie et adoptée par la classe moyenne des grandes villes désireuse de soigner sa santé.

Cui en achète pour son fils de huit ans, qui, s'il n'a pas assez de calcium, souffre de douleurs aux jambes.

"Je suis inquiet, car je l'achetais spécialement en raison de son taux élevé de protéine, je les poursuivrai en justice si mon fils a des problèmes de santé", affirme-t-il.

Dans un autre supermarché de la ville, Mary Li, une mère au foyer de 38 ans, porte son bébé de 22 mois dans les bras. Elle explique n'acheter que du lait en poudre importé, n'ayant guère confiance dans les produits locaux.

"C'est seulement une nouvelle affaire. Il y en a encore plus dans ce pays qui ne sont pas révélés", lance-t-elle.

Signe d'une préoccupation de plus en plus grande, deux des ouvrages les plus vendus ces derniers mois concernent la santé, prônant notamment un retour aux méthodes traditionnelles de la médecine chinoise axée sur la prévention, avec en particulier une alimentation saine. Leur titre : "Parlons santé de la tête au pied" et "Il faut mieux s'occuper de soi que de se faire soigner à l'hôpital".
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