L'argumentaire des sages n'apaise pas les passions
Le Président de la République devrait déclencher rapidement la clause de sauvegarde permettant à la France de suspendre la culture du maïs OGM MON810, sur la base "d'éléments scientifiques nouveaux" mis en avant par les experts de la Haute autorité provisoire.
Les termes exacts de l'avis, selon eux, sont que ces faits et questions représentent des interrogations. (Photos : www.rtl.fr/ blog.environnemental.info)
AFP
11 Janvier 2008
À 12:00
Nicolas Sarkozy a indiqué jeudi qu'il prendrait sa décision "dans les tout prochains jours", mais la colère gronde chez les partisans des cultures génétiquement modifiées.
Quatorze scientifiques membres de la Haute autorité provisoire sur les OGM (dont douze des 15 membres de sa section scientifique) ont contesté jeudi les "doutes sérieux" avancés par le président de cette instance Jean-François Le Grand pour présenter l'avis sur le maïs MON810.
Ils "font remarquer" dans un communiqué que "le projet d'avis qu'ils ont rédigé" ne comportait pas les termes "doutes sérieux".
Les termes exacts de l'avis, selon eux, sont que "ces faits et questions (...) représentent des interrogations".
Or, le Président Sarkozy avait indiqué lors de ses vœux à la presse mardi qu'il recourrait à la clause de sauvegarde précisément en cas de "doutes sérieux".
Pour sa part, le botaniste Pierre-Henri Gouyon, également membre de la Haute autorité et non signataire de ce communiqué, reconnaît dans une réponse écrite que le sénateur Jean-François Le Grand "aurait pu mieux séparer ce qui était le texte du comité de son interprétation". Il juge toutefois que "le doute est évident devant l'ensemble des faits".
Composé d'une quinzaine de chercheurs et d'autant de représentants des cultivateurs, semenciers et associations, le comité s'est appuyé sur les travaux scientifiques publiés après l'autorisation du MON810 en 1998.
"Ces travaux introduisent un doute très légitime", justifie un des membres de la Haute autorité, l'écologiste du CNRS Yvon Le Maho, membre de l'Académie des sciences, interrogé par l'AFP. "Je n'avais pas d'idée préconçue, ni pour ni contre (les OGM). Mais vis-à-vis des générations futures, on ne peut pas prendre de tels risques", juge-t-il.
L'avis évoque notamment "la caractérisation de la dispersion du pollen sur de grandes distances", donc le risque de dissémination accidentelle des OGM, parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres comme observé au Canada, et aussi dans les sols, les sédiments et les cours d'eau, exposant les insectes et les animaux aquatiques, avec des conséquences sur leur développement et leur croissance."
"A partir du moment où on est en milieu ouvert, il ne peut pas y avoir d'étanchéité, donc de cultures sans OGM", affirme Gilles Eric Seralini, professeur de biologie moléculaire à l'Université de Caen, ancien membre de la précédente Commission d'évaluation (Commission du génie biomoléculaire).
Certes, répond Antoine Messéan, chercheur à l'Inra (Institut national de la rceherche agroomique), qui siège à la Haute Autorité mais juge que ses conclusions ne suffisent pas à déclencher la clause de sauvegarde.
"Le fait qu'il y ait dissémination du pollen, en tant que tel, ne peut pas être mis en avant dans une clause de sauvegarde". Or, poursuit-il, "ce n'est pas en soi un problème environnemental mais un problème économique" (pour les agriculteurs conventionnels ou bio dont les champs sont contaminés).
Le débat gagne les élus : le président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer a contesté l'avis de la Haute autorité, réclamant des décisions basées sur "de véritable conclusions scientifiques". Une "charge déplacée", selon le député PS du Gers Philippe Martin, qui représente les départements à la Haute autorité.