Fête du Trône 2004

La Nouvelle vague toujours incontournable

Cinquante ans après le triomphe des "Quatre Cents Coups" de François Truffaut au Festival de Cannes, la Nouvelle Vague est toujours l'objet d'un culte peu discuté en France, référence cinématographique incontournable qu'il est très difficile de critiquer.

Sabine Azéma et Pierre Arditi dans le film français d'Alain Resnais, «Cœurs». (Photo : www.lemonde.fr)

08 Mai 2009 À 11:20

Un vétéran de la Nouvelle Vague, Alain Resnais, 86 ans, en compétition avec "Les herbes folles", sera encore présent cette année sur La Croisette.

A la fin des années 50, le terme de "Nouvelle vague" avait d'abord caractérisé un nouvel état d'esprit de la jeunesse française, avant de désigner un groupe de cinéastes et de critiques de la revue "Les Cahiers du Cinéma".

Grâce aux progrès techniques de la fin des années 50 (pellicules sensibles, caméras légères), François Truffaut, Claude Chabrol, Jean-Luc Godard, Alain Resnais, Eric Rohmer ou Jacques Rivette revitalisent le cinéma en tournant en décors naturels, avec un budget réduit, des équipes légères, sans vedettes.

Poudre aux yeux pour les uns, révolution culturelle pour les autres, "Le Beau Serge", "A bout de souffle" et surtout "Hiroshima mon amour" imposent de nouvelles formes.

Le mouvement avait été théorisé par Truffaut, dans un article des Cahiers du Cinéma, intitulé "Une certaine tendance du cinéma français". Il y clouait au pilori quelques valeurs sûres du cinéma de l'époque, comme Claude Autant-Lara ou Yves Allégret, accusés de faire "du cinéma de bourgeois, pour des bourgeois".

Paradoxalement, "Les Quatre Cents Coups" de Truffaut, Prix de la mise en scène en 1959 à Cannes et oeuvre culte de la Nouvelle Vague, est vu aujourd'hui par beaucoup comme un film proche du cinéma traditionnel vilipendé par son auteur.

Et des voix discordantes jugent néfaste le culte voué en France à la Nouvelle Vague -objet d'une ample bibliographie et d'hommages fréquents à la Cinémathèque française-, par la critique établie et les institutions.

"On a inculqué à des tas de jeunes cinéastes l'idée que le scénario n'a aucune importance, qu'on pouvait tourner en improvisant, avec des comédiens peu formés. Mais Truffaut et Chabrol faisaient appel à des stars et des scénaristes professionnels, aux meilleurs décorateurs et chefs opérateurs qu'ils pouvaient trouver !", relève le critique Michel Ciment, directeur de la publication de Positif, revue rivale des Cahiers.

Michel Ciment pointe "les effets délétères d'une mythologie devenue dogme". "Certains héritiers des Cahiers ont mené bataille contre des cinéastes au travail plus classique : Sautet, Cavalier, Malle, Tavernier, Deville, Miller ou Rappeneau ont été presque systématiquement démolis", rappelle-t-il.

Mais pour lui, il est indéniable que la Nouvelle Vague est "l'un des grands mouvements internationaux de l'histoire du cinéma".

Il en veut pour preuve la longévité créatrice d'artistes tels qu'Alain Resnais-, "mais aussi Rivette, Godard, Chabrol, Varda ou Marker qui, 50 ans plus tard, font encore des films : c'est unique au monde !"

L'historien Marc Ferro estime lui aussi que "la Nouvelle Vague a exercé une forme de terrorisme sur les autres cinémas". "A-t-on le droit de critiquer la Nouvelle Vague ?" s'interrogeait dans Le Monde diplomatique de février l'écrivain Philippe Person.

La Nouvelle Vague a "désarçonné le public populaire", pour qui le cinéma d'auteur est devenu "synonyme d'amateurisme et d'ennui", regrette-t-il.
Copyright Groupe le Matin © 2025