Fête du Trône 2004

Hind El Amaoui chante la femme qu'elle est

Un vernissage des toiles de l'artiste Hind El Amaoui s'est déroulé, jeudi soir à la Galerie Mohammed El Fassi à Rabat, où l'artiste chante en cette veille de printemps, les femmes et la femme qu'elle est, manifestement esthète.

Hind El Amaoui est incontestablement une femme de son époque, sensible au quotidien des femmes qui en laissent une appréhension profonde mais redoutable. (Photo : artszin.com)

20 Mars 2009 À 13:18

Preuve en est l'ordonnancement, l'équilibre/déséquilibre des formes et des espaces et la richesse et l'harmonie des couleurs qu'elle représente dans ses toiles, plus d'une vingtaine.

Hind est incontestablement une femme de son époque, observatrice aguerrie, en dilettante, sensible au quotidien des femmes qui en laissent une appréhension profonde mais redoutable.

Chantre de ce vécu privé et public des femmes, la palette de Hind chatoyante se revendique volontiers du cubisme et s'intéresse à toutes sortes de thèmes les concernant de près, tantôt des femmes prenant le temps et le plaisir de vivre tout simplement, au bord d'un lac ou se réveillant un matin à la campagne, ou jouant des instruments de musique traditionnelle ou encore savourant et dévorant des fruits rouges (pastèque).

Certaines encore sont présentées dans des postures plus studieuses, lisant un livre ou un journal, achetant dans un souk ou encore vendant des cigarettes au détail.

L'artiste, humble et spirituelle aussi, ne manque pas d'être somptueuse, fière et fervente patriote comme l'élégance des tenues traditionnelles marocaines (kaftan) l'atteste, elle est manifeste dans cette toile intitulée «Vive le Maroc» montrant deux femmes vêtues de beaux kaftans et chacune sur un cheval, avec en arrière-plan un drapeau marocain, ou encore le tableau où figure «la dame au foulard rouge» ou les jeunes femmes avec des kaftans piqués de «coquelicots».

Bonne vivante aussi Hind, en témoignent les artistes femmes qu'elle admire et dont elle fait des portraits. La diva de la chanson égyptienne «Oum Kaltoum» est magnifiquement représentée, sa mise en scène remplit l'espace de la toile.

Sans omettre les rituels et célébrations que la peintre a mises en exergue, sans folklore ni dérision.

Avec respect et spontanéité, cette artiste a ressuscité la tradition des arts musicaux marocains dans toute leur magnificence, avec une présence forte des femmes qui, avec leur regard transperce, crève l'espace de la toile et y trône magistralement, comme dans le tableau des «Laabat» (femmes rassemblées jouant des instruments de musique traditionnelle) où elles semblent souhaiter que le spectateur soit au coeur de l'événement qu'elles sont entrain de vivre et semblent lui dire «oui nous jouons bel et bien de la musique !».

Du cadre des toiles de Hind, le regard glisse sur des constructions très élaborées, vivantes et inertes en même temps : à l'intérieur du décor, les femmes bougent et s'affairent certes mais semblent figées dans les détails de leurs apparats, les objets et les couleurs. Et pourtant toutes ces figures scrutent le monde et attestent d'une présence incontournable, parfois naturelle, dans d'autres avec mises en scène, comme dans le tableau «la dame au chapeau».

Quelque chose est en perpétuelle narration dans ces scènes figées ou mobiles. Il s'agit du récit inhérent au vécu de chacune des femmes qui s'offre comme une écriture lisible qui ne cesse de raconter la trajectoire d'une existence qui évolue, en devenir !.

Comment peut-on parler de l'oeuvre ? elle renferme des paradoxes fabuleux, onirique de toute évidence mais si proche d'un quotidien, visiblement simple mais si riche et expressif. Les contraintes du format, quant à elles, relèvent de la prouesse car comment cette artiste a saisi dans un si moyen espace et d'un seul trait des évènements déterminants dans le vécu des femmes ? Et les couleurs, elles sont maîtresses du jeu dans ce travail de la peintre qui s'inscrit inconsciemment aussi dans le courant des coloristes. La couleur annonce une certaine autonomie avec la chose colorée et les personnages dans ses tableaux sont transfigurés par une juxtaposition de «couleurs primaires, secondaires et de tons rompus».

Le but étant d'accéder à une réalité plus profonde et moins conventionnelle, en rendant ses sujets sur la toile «plus vivants et plus intenses», comme elle l'a confié à la MAP.

Il faut dire que si Hind s'est permise d'admirer l'élégance des femmes, elle s'est autorisée aussi à exprimer leurs visages avec des yeux «océaniques», à travers l'expression d'un regard loin d'être voilé mais frontal, au risque de devenir insolent et provoquant.

Il ne faut pas oublier que cette artiste a dessiné son propre portait à l'âge de 8 ans. S'arrêter au sien serait narcissique de sa part, elle décide alors d'en faire d'autres, des femmes, ses semblables.

Hind El Amaoui est native de Rabat en 1974, elle était la seule femme marocaine et arabe à représenter le Maroc en Chine en 2007 dans le cadre de la Foire internationale d'art contemporain. Son départ en Italie pour effectuer un stage d'esthétique lui a permis, par la même occasion, d'adhérer à une association artistique qui lui a transmis l'amour de l'art.
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