A plus de 8.000 km de Tokyo, dans le grand gymnase d'un centre sportif de Varsovie, des hommes découpent, emboîtent et tassent 26 tonnes de pavés d'argile pour fabriquer l'arène des combats de sumo, le dohyô, sous l'œil d'experts venus spécialement du Japon.
AFP
19 Octobre 2010
À 14:10
Pendant ce temps, dans une salle attenante, des petits garçons aux cheveux blonds ou châtains avancent en glissant les pieds vers leur entraîneur, jambes écartées, genoux pliés et mains jointes en avant.
Des centaines de jeunes Polonais pratiquent le sumo amateur qui connaît bon nombre d'adeptes en Europe de l'Est, et Varsovie vient d'accueillir les championnats du monde.
«C'est mon frère qui m'y a encouragé et il a bien fait», se félicite après l'entraînement Aleksander, 9 ans, 29 kg, visage rond, cheveux courts et la nuque ornée d'une longue mèche blonde.
«Certes, on peut se défouler, pousser les autres mais j'ai pensé que c'était une bonne idée pour moi parce qu'on peut réfléchir, se creuser un peu la tête, imaginer une stratégie», explique-t-il avec sérieux.
Simple dans sa finalité, cette lutte traditionnelle oppose deux combattants uniquement vêtus du mawashi, la ceinture du lutteur. Est déclaré vainqueur celui qui parvient à pousser l'autre hors d'un cercle de 4,55 m de diamètre ou à le renverser. Les combats ne durent souvent que quelques secondes.
Les six tournois organisés chaque année dans l'archipel nippon sont l'occasion de grands divertissements populaires et sont diffusés par la télévision pendant toute leur durée. «Mais le sumo n'est plus que pour les Japonais», a lancé au cours de la cérémonie d'ouverture du championnat senior dimanche l'ambassadeur du Japon en Pologne, Yuichi Kusumoto.
Les pays de la Fédération européenne les plus représentés dans les compétitions sont la Russie, l'Ukraine, la Pologne, la Hongrie, l'Estonie, l'Azerbaïdjan, a expliqué à l'AFP le président de cette Fédération l'Ukrainien Sergui Korobko, dont le pays compte 5.000 amateurs. Les Bulgares étaient également très en vue aux championnats à Varsovie. «Ce sport est une véritable révélation parce qu'il est rapide, dynamique et exige une capacité de réflexion exceptionnelle»; «on peut perdre un combat en une fraction de seconde», s'enthousiasme l'entraîneur Arkadiusz Adamczyk, 45 ans, mécanicien en chef dans une imprimerie.
«En Pologne, il se développe à un rythme très rapide», estime un des grands espoirs du pays, Bartlomiej Struss, 18 ans, 2,02 m, 154 kg.
La Fédération polonaise, créée en 2003, compte plus de 1.000 adhérents dans 60 clubs répartis à travers tout le pays. «C'est un sport pour tous, très sûr car très simple», résume Andrzej Wojda, le père du sumo polonais et premier non-japonais à avoir été accepté comme gyôji (arbitre) sur une arène. «Je suis tombé amoureux du sumo du premier coup», dit à l'AFP l'Ukrainien Viktor Serdioukov, président de la fédération de Crimée, pour qui ce sport consiste avant tout à se vaincre soi-même.
Contrairement au sumo traditionnel pratiqué au Japon, art vieux de 2.000 ans et entouré d'un cérémonial apparenté au rituel shintô, le sumo amateur ne nécessite aucun régime destiné à augmenter la masse du combattant. Il distingue à la place plusieurs catégories de poids.
Différence majeure: il accepte les femmes. Dans le sumo traditionnel, considérées comme impures, elles sont proscrites sur le dohyô, même hors combat. «Nous allons nous efforcer de faire du sumo une discipline olympique», a promis à Varsovie le secrétaire général de la fédération internationale de sumo, Takahiro Ono.
Plus de 20 pays sur plus de 80 que compte la fédération ont pris part aux championnats. Ce sont bien les Japonais qui ont remporté le plus de médailles. Le pays d'accueil a obtenu sept médailles dont trois en or.