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Le poisson au cœur des rivalités

Tout comme la défense des routes maritimes stratégiques ou la recherche d'hydrocarbures, le poisson est à l'origine d'incidents navals en mer de Chine, des incidents qui risquent de se multiplier à mesure que les stocks s'amenuisent.

Les pêcheurs du Japon, doivent, pour vivre, souvent s'aventurer au-delà de la limite des eaux territoriales ou en territoire maritime contesté. (Photo : AFP)

16 Novembre 2010 À 09:03

Les pêcheurs du Japon, de Chine, de Taiwan, de Corée du Sud, du Vietnam ou des Philippines doivent, pour vivre, souvent s'aventurer au-delà de la limite des eaux territoriales ou en territoire maritime contesté.

C'est ce qui est arrivé au chalutier chinois arraisonné en mer de Chine orientale par le Japon, début septembre, dans les eaux très poissonneuses des îles Senkaku administrées par Tokyo mais également revendiquées par Pékin sous le nom de Diaoyu, un incident à l'origine d'une crise diplomatique qui perdure.

«Les stocks se raréfient très rapidement en Asie de l'Est et il y a une bataille pour le poisson», déclare Jonathan Holslag, chercheur au Brussels Institute of Contemporary China Studies (BICCS), soulignant que ce sont des considérations économiques qui poussent les pêcheurs à ignorer les disputes de territorialité.

«Il semble que la présence des compagnies de pêche est porteuse de plus grands risques d'incidents et de tensions» que les gisements de gaz et de pétrole que convoitent les pays de la zone, dit-il. Le poisson «peut potentiellement entraîner des problèmes politiques».

En mer de Chine on trouve surtout du thon blanc et, vu «le prix du kilo, cela vaut la peine de prendre des risques», ajoute M. Holslag au sujet de ce poisson vendu en Chine plus de 10 euros le kilo, cinq fois le prix moyen des poissons les plus consommés.

«Le poisson est devenu une sorte de nouvel or», poursuit-il.

Il n'y a rien de surprenant à ce que la flotte de pêche chinoise écume la mer de Chine alors qu'elle va pêcher jusque dans les eaux de Fidji, de Tonga, ou même de pays africains comme le Kenya, la Tanzanie ou Madagascar qui lui ont accordé des concessions.

Mais en mer de Chine du Sud et orientale, plus d'une demi-douzaine de pays asiatiques ont des revendications de souveraineté conflictuelles.

A propos de l'incident sino-japonais autour des Diaoyu, Yves Tiberghien, professeur détaché à la National Chengchi University de Taiwan, estime qu'«il y a de plus en plus de tensions dans une situation où les ressources sont en baisse et la demande est en hausse».

«Il est clair que la Chine consomme de plus en plus de poisson, que les stocks mondiaux, particulièrement dans cette zone, sont en baisse. C'est totalement logique que les bateaux (chinois) aillent de plus en plus loin», dit-il.

En août et septembre, selon le chercheur, plus de 80 bateaux du Fujian, province côtière de Chine méridionale face à Taiwan, sont allés autour des Diaoyu, où les Chinois pêchent en fait depuis des générations.

Mais depuis quelques années, les garde-côtes japonais vont plus au contact avec les pêcheurs taiwanais ou chinois et l'incident du 7 septembre, une collision suivie de la détention prolongée du capitaine, a marqué une escalade.

«Les garde-côtes japonais qui étaient d'abord tolérants sont devenus de plus en plus durs», a expliqué un vieux pêcheur chinois au site sinovision.net.

«Il y a beaucoup de poisson autour des Diaoyu», dit un autre pêcheur du Fujian cité par sinovision, «ce n'est pas une question de patriotisme, notre seule motivation pour y aller c'est le poisson».

Et même si les Diaoyu sont revendiquées par le Japon, la Chine et Taiwan, les pêcheurs chinois ont bien l'intention de défendre leur gagne-pain.

Après l'arraisonnement du chalutier du capitaine Zhang Qixiong, «personne n'a dit 'on n'ira plus jamais aux Diaoyu', déclare un pêcheur à sinovision.

«Le capitaine Zhang lui-même a dit qu'il retournerait pêcher autour des Diaoyu», selon le site en chinois.
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