La pilule Alli, premier médicament pour maigrir vendu sans ordonnance, dont le lancement fracassant il y a un an avait suscité de vifs débats, s'est installée dans le paysage, même si elle n'a rien d'un médicament «miracle» et si ses résultats sont jugés modestes.
AFP
05 Mai 2010
À 07:30
«J'étais très réticent», dit le Dr Arnaud Cocaul, nutritionniste (hôpital Pitié Salpêtrière, Paris) qui se dit «impressionné par le lancement d'Alli, digne d'un blockbuster d'Hollywood».
Un an après, 44% des Français en ont entendu parler, selon une étude en ligne conduite en avril par Ifop auprès de 1.004 personnes de 18 ans et plus .
C'est en tout cas un «succès» pour Vincent Cotard de GlaxoSmithKline (GSK) Santé Grand Public, qui le commercialise depuis 6 mai 2009.
«Au bout d'un an, les gens savent que ce n'est pas un médicament miracle comme il n'y a pas de régime miracle», constate le Dr Cocaul. A sa surprise, ce battage a conduit des patients qui avaient des problèmes de poids à venir consulter spontanément.
«Ce lancement a permis de faire de la pédagogie auprès des patients», renchérit Olivier Denonain, pharmacien. La prise de ce médicament doit en en effet s'accompagner d'un régime réduit en calories et pauvre en graisses, et d'exercice physique pour aider à perdre du poids.
«L'efficacité est modeste en termes de perte de poids (5% du poids), mais utile en termes de santé», vis-à-vis des risques cardio-vasculaires et de diabète», souligne Bernard Guy-Grand, professeur honoraire de nutrition.
Des effets bénéfiques assez largement reconnus par les Français, dont plus de la moitié considère que la perte de poids peut aussi réduire les troubles psychologiques (dépression, estime de soi...).
Alli, qui agit dans l'intestin pour limiter l'absorption des graisses ingérées, s'adresse aux adultes (18 ans et au-delà) en surpoids ou obèses (avec un indice de masse corporelle de 28 ou plus).
Pas question de le vendre à une sylphide qui prétend perdre un ou deux kilos superflus, le pharmacien doit refuser le médicament, rappelle l'Agence du médicament qui n'était pas partisane de cette vente sans ordonnance.
Sa prise est contre-indiquée avec certains médicaments (ciclosporine, anticoagulants...).
Elle expose, si on mange trop gras, à subir des effets secondaires, allant jusqu'aux diarrhées graisseuses qui «peuvent nuire à l'efficacité de la pilule contraceptive, mais aussi à celle des anti-épileptiques», avertit Fabienne Bartoli, adjointe au directeur général de l'Afssaps (Agence du médicament).
La «surveillance renforcée des effets secondaires», a permis de compléter sa notice : «attention aux maladies rénales pré-existantes et au risque de survenue d'inflammation du pancréas», dit-elle. Quant à l'alerte d'un potentiel risque hépatique partie des Etats-Unis, elle n'a pas été confirmée depuis, assure-t-elle.
En décembre, l'Agence du médicament relevait un taux d'«utilisation inappropriée» de l'ordre de 17% par la clientèle essentiellement féminine.
85% des utilisateurs sont en surpoids, et 73,5% correspondent à l'indication officielle d'obésité ou surpoids (IMC supérieur ou égal à 28), d'après une étude GSK/Ipsos de juillet-août 2009 auprès de 661 Français âgés de 18 à 65 ans, acheteurs de produits ou méthodes pour la perte de poids. Soit encore trop d'utilisations «inappropriées» estime Mme Bartoli.
Alli n'est pas un nouveau médicament, mais une version à demi-dose de Xenical (principe actif orlistat), molécule connue et délivrée sur ordonnance depuis 1998 et prise par «plus de 30 millions de patients dans le monde», relève Mme Frey, jugeant cet élément plutôt rassurant.
«La molécule n'a pas d'actions sur le coeur et le cerveau», ajoute-t-elle. Ce qui n'a pas toujours été le cas de nombreux médicaments pour maigrir qui ont été retirés du marché.