Dans un gymnase du grand stade de Kaboul, tristement célèbre pour les exécutions publiques de femmes adultères par les Taliban au pouvoir à la fin des années 1990, des jeunes filles bombardent aujourd'hui des sacs de sables de directs et d'uppercuts.
AFP
14 Mars 2011
À 13:22
Shabnam Rahimi, 18 ans, et Shafika, 17 ans, sortent du lot et s'entraînent dur, espérant décrocher un ticket en boxe féminine pour les Jeux olympiques de Londres en 2012. Afin que l'hymne afghan résonne dans la capitale du Royaume-Uni mais aussi pour porter sur la scène internationale les espoirs des femmes qui continuent de subir le poids des traditions dans un pays encore en guerre, dix ans après l'éviction des Taliban par une coalition internationale.
Entraînées par un coach du sexe opposé qui aboie ses consignes, certaines boxent la tête enserrée dans un foulard, d'autres non, et toutes portent un survêtement qui couvre intégralement les bras et les jambes. Le short de rigueur dans d'autres pays confinerait à l'hérésie ici.
Ces boxeuses font partie d'un nombre infime de femmes athlètes en Afghanistan qui espèrent décrocher un ticket pour les JO.
Si elles disent être soutenues par leurs familles à la maison, elles suscitent au gymnase les regards incrédules des hommes devant des scènes impensables il y a encore peu à Kaboul. Et encore aujourd'hui, impensables dans les campagnes, en raison de l'influence persistante des talibans ou du poids des traditions.
Sous le régime des Taliban, de 1996 à 2001, le sport -mais aussi l'école et le travail hors du domicile- était strictement interdit aux femmes, et le demeure aujourd'hui dans les faits dans une grande partie du pays essentiellement rural.
Shabnam Rahimi achève, épuisée et en sueur, une séance d'entraînement intense. Elle assure ne pas être effrayée à la perspective de se produire un jour dans les plus grandes salles du monde. «J'ai vu des matchs de boxe à la télé quand j'avais 11 ans, j'ai accroché et, depuis quatre ans, je viens ici pour m'entraîner», dit-elle.
«Certaines disent que la boxe déforme le visage, ça me faisait peur mais plus maintenant, je me sens forte et je peux me battre pour moi-même», lance la jeune fille qui figure parmi les meilleurs espoirs de la boxe afghane.
Shafika, elle, assure que c'est sa mère qui l'a poussée vers ce sport.
«Quand j'ai commencé à boxer, je me suis sentie à l'aise, libre et heureuse», explique-t-elle. «Nous voulons que le drapeau afghan soit hissé partout à l'occasion de remises de médailles pour la boxe féminine», s'enthousiasme la jeune fille.
Mais il y a encore du travail d'ici à Londres. Leur entraîneur, Mohammad Saber Sharifi, explique qu'elles doivent passer par les phases qualificatives qui vont débuter en juillet. «J'ai bon espoir qu'on puisse en qualifier une ou deux pour les Jeux olympiques», dit-il.
Au total, le Comité olympique afghan espère envoyer six femmes à Londres, essentiellement dans les disciplines de la boxe, du judo et du taekwondo.
Jamais une femme afghane n'a remporté de médaille olympique et seul un homme y est parvenu, Rohullah Nikpaï, obtenant le bronze en taekwondo en 2008 à Pékin et devenant un véritable héros dans son pays.
C'est dans cette perspective que des ONG tentent de promouvoir le sport de haut niveau pour les femmes en Afghanistan. «Ce n'est pas seulement parce qu'elles prennent plaisir à ces activités, mais parce qu'elles peuvent ainsi contribuer à changer l'opinion publique sur la place de la femme en Afghanistan», estime ainsi Louise Hancock, porte-parole de l'organisation humanitaire internationale Oxfam en Afghanistan.
Oxfam finance en partie les boxeuses de Kaboul par l'intermédiaire d'une ONG locale, Coopération pour la Paix et l'Unité (CPAU).
«Cela montre que, désormais, les Afghanes font des choses qui étaient impensables il y a dix ans», conclut Hancock.