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La Chine mal à l'aise avec sa révolution

Quand l'armée de la dynastie mandchoue des Qing a retourné ses fusils contre l'Etat le 10 octobre 1911, elle a marqué la fin de 2.000 ans de règne impérial en Chine et apporté la promesse d'un gouvernement démocratique et républicain.

«Wuhan a toujours été fier du soulèvement de Wuchang et de son rôle dans l'histoire chinoise, mais en fait la question indiffère les gens», a-t-ildit. (Photo : www.parismatch.com)

09 Octobre 2011 À 07:33

Mais cet anniversaire met la Chine du Président Hu Jintao quelque peu mal à l'aise.

Le soulèvement de Wuchang a conduit à l'instauration de la République de Chine par le Parti nationaliste de Sun Yat-sen, qui s'était battu sous la bannière du nationalisme et de la démocratie.

La Chine va marquer le centenaire du soulèvement de Wuchang avec diverses célébrations et «1911», film historique à gros budget sous la direction et avec la participation de l'acteur de kung-fu Jackie Chan vient de sortir.

Un nouveau musée dans la ville de Wuhan (centre), dont Wuchang fait partie aujourd'hui, a été construit.

Mais les célébrations du centenaire seront plus discrètes que celles du 90e anniversaire, en juillet dernier, du Parti communiste chinois.

Ceci, expliquent les experts, en raison des liens gênants du soulèvement de Wuchang avec à la fois la démocratie et Taïwan -- province qui fait partie intégrante de la Chine, aux yeux de Pékin, mais qui continue de s'appeler République de Chine.

Le gouvernement nationaliste a été renversé en 1949 après une guerre civile sanglante contre les troupes du parti communiste qui allait ensuite régner en Chine, poussant les nationalistes à aller se réfugier à Taïwan.

«Le parti (communiste) va insister sur le fait que le peuple a pu se débarrasser du joug de l'impérialisme, que les gens se sont dressés, et que jour après jour la Chine devient une super-puissance», prévoit Willy Lam, expert de la Chine à la Chinese University de Hong Kong.

«Mais il ne va pas vouloir discuter de l'élément démocratique, l'emphase sera mise sur l'enrichissement du peuple et le rôle international» de la Chine, dit-il.

Sun Yat-sen, qui est mort en 1925, demeure respecté comme le père de la nouvelle Chine à la fois sur le continent et à Taïwan. Le 10 octobre, jour du soulèvement de Wuchang, est d'ailleurs le jour de la fête nationale de Taïwan.

Pékin pense être l'héritier de Sun et estime que les 30 dernières années de réformes économiques qui ont permis à la Chine de devenir la deuxième économie mondiale sont le fruit de sa révolution.

Mais la bataille idéologique entre les nationalistes et les communistes se poursuit depuis la révolution de Xinhai, autre nom de la révolution de 1911, il y a tout juste 100 ans.

«La révolution de Xinhai a mis fin à plusieurs milliers d'années de règne impérial et a eu un énorme impact sur la psychologie du peuple chinois», affirme à l'AFP l'historien Lei Yi, de l'Académie des sciences sociales.

«Le parti communiste pense qu'il fait perdurer l'esprit de la révolution de Xinhai et que les nationalistes ont trahi la révolution», ajoute-t-il.

Qin Yongmin, un habitant de Wuhan qui a été libéré l'année dernière de prison après avoir purgé une peine de 12 ans pour «subversion» estime, lui, que la révolution n'a fait que substituer un dictateur à un autre.

«Je n'ai pas une très haute idée de la révolution de Xinhai», dit Qin, emprisonné en 1998 après avoir appelé au multipartisme en Chine en tant que président du Parti pour la démocratie, qui a été interdit la même année.

«Le système impérial a été mis à bas, mais il a été remplacé par un dictateur. Mao Zedong n'était pas un empereur, il était pire qu'un empereur. Il était plus un dictateur qu'un empereur», dit-il à l'AFP.

Avant l'anniversaire, les journaux officiels chinois ont publié en une des articles sur le soulèvement de 1911, en évitant soigneusement de mentionner ses motivations démocratiques. Le film «1911» escamote lui aussi le sujet.

Dans des universités, des conférences ont été annulées ou des pressions exercées sur leurs organisateurs pour que la démocratie ne soit pas évoquée.

«Wuhan a toujours été fier du soulèvement de Wuchang et de son rôle dans l'histoire chinoise, mais en fait la question indiffère les gens», dit Guo Xinglian, un retraité qui se promène dans le parc proche du lieu du soulèvement.

«Beaucoup de gens aujourd'hui pensent que le Parti communiste est plus corrompu que la dynastie des Qing», dit-il, «mais ils savent aussi que le Parti communiste est très puissant et que toute tentative de soulèvement sera écrasée».
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