08 Août 2014 À 09:07
La Russie va se priver de nombreux produits frais en suspendant ses importations agroalimentaires en provenance d'Europe et d'Amérique du nord, mais ces sanctions, imposées pour un an, risquent d'engorger l'espace communautaire qui perd un débouché important.
Avec l'Ukraine (avant la crise) et le Brésil, l'Allemagne et les Pays-Bas figuraient en 2013 parmi les principaux fournisseurs de la Russie, qui importe 35% de sa consommation alimentaire.
Ce pays absorbe ainsi 10% des exportations agricoles et agroalimentaires de l'UE, pour un montant de 12 milliards d'euros par an, selon Eurostat.
Face à l'inquiétude manifestée par les producteurs dans les Etats-Membres, une réunion européenne se tiendra «dès la semaine prochaine» à Bruxelles suivie, «si nécessaire d'un conseil informel» a annoncé jeudi soir le ministre français Stéphane Le Foll, après s'être entretenu ave le commissaire européen à l'agriculture Dacian Ciolos.
«On va d'abord évaluer les choses, on va se concerter et on prendra des décisions dès qu'on aura bien évalué les conséquences de ces annonces par la Russie» a-t-il ajouté.
Par ailleurs, l'Union européenne envisage de saisir l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a indiqué à l'AFP, l'ambassadeur de l'UE à Moscou, Vygauda Usackas.
La Russie, exportatrice de céréales, reste fortement importatrice de légumes et fruits et de produits transformés tels la viande et les produits laitiers.
Fruits frais, fromages, porc... représentent un volume d'affaires d'un milliard d'euros environ pour chaque catégorie. Ce sont avec les légumes (770 millions) les marchandises qui manquent le plus aux tables russes et constituent les principales importations alimentaires en provenance d'Europe avec les vins et spiritueux (1,5 milliard euros). Mais les alcools ne sont pas concernés par l'embargo.
Les pommes, les tomates et les pêches en particulier sont achetées chez les Européens qui traversent justement une grave crise cette saison, en raison d'une production abondante.
D'où un double effet probable, avance le patron du principal syndicat agricole français, Xavier Beulin : «la Russie se ferme aux importations, mais les produits qui n'iront plus à l'exportation vont se rabattre sur les pays européens et créer une situation de crise», craint-il.
Selon le président de la fédération des producteurs de fruits français (FNPF), Luc Barbier, les «Espagnols exportaient (en 2012) environ 100.000 tonnes de fruits vers l'Ukraine et la Russie : autant de quantités qui vont se rabattre sur le marché communautaire».
Italie, Espagne et France connaissent déjà une guerre de la pêche et de la nectarine - qui pourrait faire l'objet d'une première réponse européenne concertée selon Stéphane Le Foll -. Et «la catastrophe» se profile avec la pomme, assure Luc Barbier.
«Cette année, la Pologne qui exportait beaucoup vers la Russie attend une récolte abondante qui va naturellement se reporter sur le marché intérieur» de l'UE reprend-il: selon la WAPA, l'association mondiale des producteurs de pommes et de poires, la Pologne est de loin le plus gros producteur de pommes de l'Union (3,5 millions de tonnes attendues cette année).
Paris a expédié l'an passé 1,17 milliard d'euros de produits agro-alimentaires dont 26 millions en fruits.